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vers celui-là qu'est fondée la disposition de l'art. 1733 du Code civil, Cette disposition, qui renferme une dérogation au droit commun, se restreint donc par sa nature et par ses motifs au cas particulier pour lequel elle a été introduite.

261. Hors de ce cas d'exception l'on rentre sous l'empire de la règle générale, consacrée par les articles 1382 et 1383 du Code civil, qui ne fait point dériver la responsabilité d'une vague présomption de faute, mais d'une faute déterminée et par conséquent d'une faute prouvée.

En effet, « à côté du principe général consacré par ces articles, dit M. Merlin, se place d'elle-même la maxime non moins générale qui charge tout demandeur de la preuve du fondement de sa prétention. A la vérité cette maxime n'est pas rappelée dans ces articles; dans la mais qu'avait-elle besoin de l'être? n'est-il pas que nature, dans l'ordre des choses et des idées celui qui réclame la réparation d'un dommage causé par un quasi-délit, soit tenu comme celui qui se plaindrait d'un délit, de rapporter la preuve, non-seulement du fait qui le constitue matériellement, mais encore de la faute, de l'imprudence, ou de la négligence de l'individu qui l'a commis? Il fallait que le législateur s'expliquât comme il l'a fait dans l'art. 1733, pour déroger à cette maxime en faveur du bailleur contre le locataire; mais son silence suffisait dans les articles 1382 et 1383 pour lui laisser toute la latitude naturelle. »

262. M. Merlin cite lui-même, en faveur de la doc

trine qu'il professe, trois arrêts; le premier, de la cour de Turin, en date du 8 août 1809; le second, de la cour de Riom, en date du 5 mai 1809; et le troisième, de la cour de Caen, en date du 27 août 1819, qui ont uniformément décidé, que la présomption légale éta

blie

par les articles 1733 et 1734 du Code civil contre les locataires, n'est point établie contre les propriétaires, et ne peut être suppléée contre eux.

Un arrêt plus récent, rendu par la Cour royale de Paris, le 16 mai 1825, a également rejeté l'action en responsabilité dirigée contre un propriétaire par un propriétaire voisin.. Le motif sur lequel cet arrêt est fondé est que dans le cas d'incendie, comme dans tous les autres, le demandeur doit prouver que le préjudice provient du fait, ou de la négligence du défendeur.

263. Nous pensons que la doctrine consacrée par ces arrêts est la seule conforme aux principes du droit; que dans le cas d'incendie, comme dans tous les autres cas où un dommage a eu lieu, la responsabilité du dommage n'est attachée qu'à la faute, à l'acte d'imprudence ou de négligence, qui en aurait été la cause; qu'en conséquence, le demandeur, ou le défendeur qui, se constituant demandeur par son exception, prétend faire déclarer son adversaire responsable de l'incendie, est tenu de prouver la faute, l'acte d'imprudence ou de négligence qui doit être le fondement et le principe de la responsabilité; que cette règle générale, en matière de responsabilité, ne reçoit exception que relativement au locataire, qui, par des motifs spéciaux, est

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déclaré de plein droit responsable de l'incendie vis-àvis du locateur; mais que cette responsabilité extraordinaire, établie dans l'art. 1733 du Code civil, par dérogation à la règle générale, ne peut être étendue hors du cas particulier pour lequel elle a été instituće; qu'ainsi personne, hors le locateur agissant contre son locataire, ne peut faire déclarer un autre individu responsable d'un incendie, s'il ne prouve que cet individu a causé l'incendie par sa faute. Les assureurs contre l'incendie, comme les assureurs maritimes, ne peuvent donc faire admettre l'exception qui tend à rejeter sur l'assuré la responsabilité du sinistre, à moins qu'ils ne prouvent la faute, qui seule donnerait matière à imputation et responsabilité contre lui.

264. Nous disons la faute, parce qu'un fait qui ne présenterait pas même le caractère de la négligence ou de l'imprudence, ne saurait devenir le principe d'une action en responsabilité contre son auteur. Tel est, en effet, le sens de la règle établie dans l'art. 1382 dụ Code civil, en ces termes : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.» Il est à remarquer, dit M. Proudhon, que ces expressions, tout fait quelconque, ne doivent point être prises isolément et sans les rapporter à celles par la faute duquel, etc., etc. Il ne faut pas, en effet, croire qu'il suffise qu'un homme ait causé du dommage par son fait, pour qu'il doive toujours en répondre; il est nécessaire en outre, qu'il y ait eu de sa faute, sans quoi

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la perte doit être attribuée au cas fortuit pour celui qui la souffre. » (1)

le

265. Les assureurs chargés de la responsabilité des cas fortuits relativement à l'objet assuré, comme s'ils en étaient propriétaires, ont, pour se décharger de cette responsabilité, et pour la faire retomber sur l'assuré, les mêmes preuves à fournir contre lui, qu'un tiers qui agirait en réparation d'un dommage, conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil. L'assuré ne peut être responsable du sinistre, vis-à-vis des assureurs, qu'en vertu de la même règle d'imputation, qui par le rendrait responsable vis-à-vis des tiers lésés. sinistre. Les mêmes faits qui donneraient ouverture à une action en réparation au profit des tiers, pourraient donc seuls aussi servir de fondement à l'exception que les assureurs proposeraient contre l'assuré dans le but de rejetter sur lui la responsabilité du sinistre. Or, les seuls faits admis par la loi comme bases d'une action en responsabilité, sont les faits qui, supposant de la part de leur auteur l'oubli de quelque devoir, ou du moins l'omission des précautions dicte la prudence commune, présentent le caractère de faute, de négligence ou d'imprudence. C'est ce qu'exprimait M. Tarrible, en portant la parole, au nom du tribunat, sur le titre des engagemens qui se forment sans convention. « Le dommage, disait-il, pour qu'il soit « sujet à réparation, doit être l'effet d'une faute ou

que

(1) Voy. le Traité des Droits d'usufruit, etc., de M. Proudhon, tome III, mo. 1487.

1

<«< d'une imprudence de la part de quelqu'un : s'il ne <«< peut être attribué à cette cause, il n'est plus que

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l'ouvrage du sort, dont chacun doit supporter les «< chances. » Dans le cas où il existe une assurance, le poids de ces chances ne peut tomber que sur les assu

reurs.

par

266. La doctrine que nous venons d'établir, en nous appuyant sur les autorités les plus respectables, laisse encore aux assureurs un champ assez vaste à courir dans leurs exceptions contre l'assuré, puisque leurs exceptions embrassent depuis le crime de l'assuré jusqu'à la simple faute, qui autorise à lui imputer le sinistre, et à l'en rendre responsable.

267. Arrêtons-nous d'abord au cas où l'assuré contre l'incendie met volontairement le feu à sa propriété, afin de pouvoir réclamer des assureurs la valeur estimative de cette propriété, qu'il a exagérée à dessein dans la police. Il est inutile de dire que, dans ce cas, les assureurs peuvent victorieusement opposer à l'assuré l'exception de dol. Ne trouvent-ils pas une garantie bien autrement imposante contre une pareille fraude, dans les dispositions portées par la loi pénale. contre les incendiaires. Le Code pénal, art. 434, dispose: Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, foréts, bois taillis, ou récoltes, soit sur pied, soit abattus, soit aussi que les bois soient en tas ou en cordes, et les récoltes en tas ou en meules, ou à des matières combustibles placées de manière à communiquer le feu

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