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savoir, l'existence d'un intérêt réel à la conservation des objets que l'on soumet à l'assurance. Le défaut d'intérêt de la part de l'assuré à l'époque du sinistre, doit donc être considéré comme un défaut de cause qui empêche l'obligation de l'assureur de se former à l'époque où elle allait commencer d'exister. Ajoutons que les motifs d'ordre public qui s'opposent à ce que l'on fasse assurer un objet à la conservation duquel on n'est point intéressé, s'opposent également à ce que l'assurance continue d'avoir son effet au profit de celui qui cesse d'être intéressé à la conservation des objets assurés,

211. Il suit delà que l'assuré qui, avant l'époque du sinistre, a vendu l'objet soumis à l'assurance, n'a point le droit de réclamer, en cas de perte, l'indemnité d'une chose qui n'est plus à ses risques, et dont il a reçu ou doit recevoir le prix des mains de son acquéreur. C'est l'avis d'Emérigon, et c'est aussi l'opinion de MM. Pardessus et Boulay-Paty (1).

212. Mais l'acquéreur de l'objet assuré ne doit-il pas profiter du bénéfice de l'assurance stipulée par son vendeur ?

Arrêtons-nous d'abord au cas où l'assurance a été l'objet d'une cession ou subrogation formelle de la part du vendeur des objets assurés en faveur de son acquéreur.

(1) Voy. le Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. II, no. 271, dernière édition; et le Cours de Droit commercial maritime de M. Boulay-Paty.

Dans ce cas, nous pensons que l'assurance transportée à l'acquéreur des objets assurés, doit produire tous ses effets en sa faveur, pourvu qu'un pareil transport ne fût point interdit à l'assuré par une clause de la police. Le bénéfice de l'assurance n'est point incessible par sa nature. En général nous pouvons céder et transmettre à des tiers les droits réels ou personnels, purs et simples ou conditionnels, qui nous sont acquis par un contrat, et qui font partie de notre patrimoine, tellement qu'à notre décès ils passent à nos héritiers. avec le reste de nos biens. Nous avons cette faculté relativement à tous les droits qui ne sont point exclusivement attachés à notre personne par la loi ou par la convention (1). Il ne faut point en excepter les droits qui supposent de notre part des obligations corrélatives. Seulement en cédant nos droits, nous ne pouvons nous dégager de nos obligations personnelles, à moins que celui envers lequel nous les avons contractées ne consente à nous décharger, en acceptant, pour - débiteur à notre place, le cessionnaire de nos droits.

213. Ces principes généraux ne reçoivent point exception, suivant nous, lorsqu'il s'agit des droits résultans du contrat d'assurance en faveur de l'assuré. Le contrat d'assurance n'est point un contrat fait en con

(1) Ut pactum dicatur personale debet id expressum esse, aut clarè de eo constare, veluti si adjiciantur particulæ tantum, duntaxat, quoad vives, sed benè ab heredibus, aut his similes. (Recitat. in Digest. V.) Voy. aussi le Cours de Droit civil de M. Toullier, tom. VI, nos. 412 et 413.

sidération de la personne de l'assuré, mais en considération du prix qu'il s'oblige à payer aux assureurs. Si l'on peut dire qu'il n'est point indifférent aux assureurs d'avoir affaire à tel assuré plutôt qu'à tel autre, à cause de la funeste influence que pourrait avoir la mauvaise foi ou même la simple négligence de l'assuré, il faut convenir qu'un propriétaire n'est pas moins intéressé à bien choisir ses locataires. Cependant nous voyons que, conformément aux principes généraux ci-dessus exposés, le preneur a le droit de souslouer et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite. (Art. 1717 du Code civil.) Seulement il demeure responsable du paiement des loyers, et des dégradations et pertes qui arriveraient par le fait des sous-locataires. (Art. 1735 du Code civil.) De même, suivant notre opinion, l'assuré auquel cette faculté n'a point été interdite par la police, peut, en vendant les objets assurés, céder ses droits à l'assurance, sauf à demeurer garant du paiement de la prime vis-à-vis des assureurs, à moins que ceux-ci n'aient fait novation en acceptant son cessionnaire pour leur débiteur.

214. Mais dans le cas où il n'a point été fait de cession expresse de l'assurance, lors de la vente des objets assurés, doit-on décider que le bénéfice de l'assurance passe de plein droit à l'acquéreur de ces objets? Les auteurs décident affirmativement cette question pour les assurances, maritimes. « Lorsqu'une mar chandise ou un navire est assuré, dit M. Pardessus,

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l'assurance suit la chose vendue, parce qu'il serait contraire à la nature du contrat que l'un eût les risques et

l'autre profitât de la réparation de ces risques; et que d'ailleurs le vendeur qui se serait réservé le prix de l'assurance en cas de perte, se trouverait être assuré pour des choses dont il ne serait plus propriétaire (1).

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« L'assurance, dit M. Boulay-Paty, qui s'appuie sur Emérigon, est un contrat accessoire attaché à la chose assurée qui ne saurait subsister indépendamment de son objet. En vendant les effets assurés, on est présumé avoir vendu l'assurance qui y était attachée (2).

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215. Cependant il faut reconnaître que l'assurance n'est point un droit réel attaché à l'objet assuré, comme uné servitude l'est à un héritage. Le droit éventuel de l'assuré à la somme assurée, ne constitue qu'une créance personnelle et mobilière (3). L'assurance n'est point due à l'immeuble dont elle sert à couvrir la perte elle est due à la personne de l'assuré, sous la condition. qu'il conservera le droit de propriété, ou du moins l'intérêt qui l'a autorisé à stipuler l'assurance.

216. Or, en thèse générale, nos actions comme nos obligations personnelles ne passent point de plein droit à nos successeurs à titre singulier, qui succèdent à la

(1) Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. II, dernière édition.

21°, 27
271,

(2) Cours de Droit commercial maritime, par M. BoulayPaty, tom. IV, pag. 329.

- (3) Voy. le Traité des Droits d'usufruit, d'usage, etc., M. Proudhon, tom. IV, no. 1605.

de

propriété de quelques-uns de nos biens, mais non à
notre personne (1). La loi n'opère point cette trans-
mission à leur égard, et l'on peut dire que cette trans-
mission ne résulte pas davantage de la convention, à
moins que
la cession de nos actions ne s'y trouve sti-
pulée; car un titre particulier n'est point, par sa na-
ture, susceptible de s'étendre à d'autres objets que
ceux qui s'y trouvent compris.

217. Cependant, lorsque l'on considère que le vendeur de l'objet assuré n'a point d'intérêt à réserver et excepter de la vente le bénéfice de l'assurance, puisqu'une fois dépouillé des objets assurés, il ne peut plus profiter de l'assurance; que ce vendeur a, au contraire, évidemment intérêt à comprendre dans la vente le bénéfice de l'assurance, soit afin d'augmenter par là le prix des objets assurés, soit afin de rejeter pour l'avenir sur son acquéreur la charge du paiement de la prime; l'on est porté à présumer que l'assurance a élé tacitement comprise dans la vente des objets assurés, comme l'accessoire de ces objets.

218. Si l'acquéreur se prévaut de cette transmission tacite pour revendiquer en sa faveur le bénéfice du contrat d'assurance, il est certain que son vendeur n'est point recevable à contester sa prétention, car il n'a point intérêt à la contester. Il a au contraire intérêt,

(1) Voy. le Traité des Obligations, de M. Duranton, tom. I.er, nos. 181 et 183; et le Cours du Code civil de M. Delvincourt, tom. II, note 3, sur la page 154; et la note 9, sur la page 178. La loi 59, ff. de Evict.; et Voet, ad Pandect., de Evict. 17.

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