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faculté extraordinaire, ne tient point à l'essence ni même à la nature du contrat d'assurance, mais seulement à la nature des risques maritimes. Nous pensons donc qu'elle ne doit point avoir lieu dans les assurances terrestres. Mais nous ne pouvons nous dispenser d'en parler avec quelqu'étendue, pour faire connaître les motifs qui nous engagent à la rejetter.

197. En matière d'assurance maritime, « on appelle « délais, délaissement ou abandon, l'acte par lequel « l'assuré quitte et délaisse aux assureurs les droits, « noms, raisons et actions de propriété qu'il a en la <«< chose assurée. Moyennant cet acte, les assureurs << sont obligés de payer les sommes par eux assurées, « sauf à s'en récompenser sur les effets délaissés. »(1).

Cette faculté, accordée dans certains cas à l'assuré d'abdiquer la propriété des objets assurés et d'en faire la transmission aux assureurs, sans que ceux-ci puissent la refuser, n'est point une faculté qui dérive nécessairement ni même naturellement du contrat d'assurance, car elle n'est point nécessaire pour remplir la fin que l'on se propose dans ce contrat.

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L'objet de l'assurance, dit Emérigon, est de pro«< curer à l'assuré l'indemnité des pertes et des dom<«<mages qu'il souffre; mais pour parvenir à cette « indemnité, il n'est pas nécessaire, suivant le droit << des gens, que l'assuré abdique le domaine de la «< chose, quoique si la chose assurée périt, elle périsse

(1) Emérigon, chap. XVII, in princ. Tome III, édit. publiée par M. Bernard.

«<< son,

« pour le compte des assureurs. Par réciprocité de raiil suffit, suivant le droit des gens, que les assu<«< reurs paient l'indemnité de la perte ou du dommage, << sans qu'ils soient obligés de devenir propriétaires <«< d'une chose qui ne leur appartenait point, car l'as<«<surance n'est pas de sa nature un moyen d'acqué«rir. » Il y a même quelque chose de contraire aux principes du contrat, dans ce transport forcé de la propriété des effets avariés, qui rejette sur les assureurs outre les dommages résultans des accidens de la navigation, les chances de baisse dans le prix des objets avariés, à l'époque de la revente qu'en feront les

assureurs.

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198. Mais la nature particulière de quelques sinistres maritimes, qui, sans causer la perte absolue des objets assurés, et sans ôter tout espoir d'en recouvrer plus tard une partie, ont néanmoins pour effet d'occasionner à l'armateur une perte actuelle et momentanée de son navire-et de ses marchandises, ou même une simple présomption de perte; la destination du navire qui fait qu'on le répute perdu lorsqu'il est hors d'état de servir et de terminer le voyage commencé; l'esprit même dans lequel sont faites les assurances maritimes, qui toujours liées à quelqu'expédition commerciale, n'ont pas seulement pour objet de garantir l'existence matérielle du navire et des marchandises, mais leur voyage et leur arrivée, ont fait établir en faveur de l'assuré, dans certains cas déterminés, le système d'une perte légale, qui est considérée comme équivalant à une perte

réelle et totale, et qui confère à l'assuré les mêmes droits au paiement de l'assurance (1). Et comme il est possible que nonobstant la perte légale dont on vient de parler, les objets assurés soient ensuite recouvrés en tout ou partie, et comme il ne serait ni juste ni conforme aux principes du contrat, que l'assuré conservât la propriété des objets dont il aurait reçu l'entière valeur de la main de l'assureur, on a introduit en matière d'assurance maritime, pour obvier à cet inconvénient, le délaissement ou abandon par lequel l'assuré, pour

(1) ART. 369 du Code de commerce, - Le délaissement des objets assurés peut être fait,

En cas de prise,
De naufrage,

D'échouement avec bris,

D'innavigabilité par fortune de mer, en cas d'arrêt d'une puissance étrangère, en cas de perte ou détérioration des effets assurés, si la détérioration ou la perte va au moins à trois quarts. Il peut être fait, en cas d'arrêt de la part du Gouvernement, après le voyage commencé.

ART. 375. Si, après un an expiré, à compter du jour du départ du navire, ou du jour auquei se rapportent les dernières nouvelles reçues, pour les voyages ordinaires, après deux ans, pour les voyages de long cours, l'assuré déclare n'avoir reçu aucune nouvelle de son navire; il peut faire le délaissement à l'assureur, et demander le paiement de l'assurance, sans qu'il soit besoin d'attestation de la perte.

Après l'expiration de l'an ou des deux ans l'assuré agir, les délais établis par l'art. 373.

pour

ART. 376. Dans le cas d'une assurance pour temps limité, après l'expiration des délais établis, comme ci-dessus, pour les voyages ordinaires et pour ceux de long cours, la perte du navire est présumée arrivée dans le temps de l'assurance.

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obtenir le paiement intégral de la somme assurée, abdique au profit de l'assureur la propriété des objets réputés légalement perdus, et le bénéfice qu'on pourrait en retirer en cas de recouvrement.

199. Le délaissement tient, comme on le voit, au système d'une perte légale qui laisse subsister l'espoir de recouvrer en tout ou partie les objets assurés. En effet, le délaissement suppose l'existence totale ou partielle des objets, ou du moins l'incertitude sur l'existence des objets auxquels il s'applique, ce qui a fait dire à Casaregis, qu'en cas de perte absolue, le délaissement est une formalité inutile (1).

Le délaissement a surtout pour motif d'éviter que l'assuré ne soit privé de son capital pendant un temps indéfini, ce qui arriverait si l'assuré, pour agir contre les assureurs, était obligé d'attendre était obligé d'attendre que le sort du navire et des marchandises fût définitivement fixé et que l'on pût faire le règlement définitif des avaries.

200. La faculté du délaissement ne tient donc, comme nous le disions au commencement de ce chapitre, qu'aux accidens de la navigation et à la situation particulière dans laquelle ils placent l'assuré. Aucune raison d'analogie ne peut donc porter à étendre la faculté vraiment exorbitante du délaissement, en matière d'assurances contre l'incendie, où il ne s'agit que de garantir l'existence matérielle des objets, et d'indemniser l'assuré de leur perte réelle. Les accidens en vue des

(1) Casaregis, disc. 3, no. 23 ; disc. 70, nos. 5 et 33.

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quels on stipule une assurance contre l'incendie, ne peuvent placer les parties dans des situations analogues à celles qui ont fait établir, en matière d'assurances maritimes, la faculté du délaissement.

201. Le seul cas, donnant lieu au délaissement en matière d'assurance maritime, qui puisse se présenter en matière d'assurance contre l'incendie, est le cas où la perte ou détérioration des objets assurés va au moins à trois quarts; (art. 369 du Code de commerce.) Mais même dans ce cas, l'action d'avarie satisfait pleinement à l'intérêt légitime de l'assuré, et il y a lieu de croire que si l'on a introduit dans ce cas l'action de délaissement, c'est parce que les parties qui auraient renoncé à l'action ordinaire par la clause usitée franc d'avaries se trouveraient sans action dans le cas de perte presque totale. Le délaissement tient donc toujours ou aux besoins, ou aux usages particuliers du commerce maritime.

202. L'action d'avarie est la seule action qui dérive naturellement et nécessairement du contrat d'assurance; elle suffit à l'assuré pour obtenir l'accomplissement des obligations des assureurs, savoir l'indemnité de la perte ou du dommage d'après estimation. On ne peut considérer comme une obligation dérivant du contrat d'assurance pour les assureurs, à moins qu'ils ne s'y soient expressément soumis, l'obligation d'acquérir et de prendre pour leur compte les débris des choses assurées. Si les principes du contrat exigent que l'assuré ne fasse aucun bénéfice au moyen de l'assurance, et

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