Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

tous les auteurs, que la valeur mise aux risques des assureurs est la valeur qu'ont les objets assurés à l'époque du contrat, et non celle qu'ils peuvent avoir à l'époque de la perte.

181. Au contraire, la plupart des compagnies d'assurance contre l'incendie s'obligent à payer la valeur des effets, denrées et marchandises assurés, au cours du jour où l'incendie aura lieu.

Cette stipulation n'est-elle point contraire aux règles qui tiennent à l'essence même du contrat d'assurance? Afin de mieux l'apprécier, examinons séparément le cas où la valeur des effets se trouve diminuée à l'époque du sinistre, et celui où elle se trouve au contraire augmentée à la même époque.

182. Et d'abord les choses assurées peuvent subir une diminution ou dépréciation postérieurement à l'époque de l'assurance. Les meubles dépérissent par le seul effet du temps et par l'usage qu'on en fait. Des marchandises perdent de leur valeur par l'effet d'une baisse dans le prix des objets de même nature. Si ces meubles ou ces marchandises viennent à périr par l'événement du risque assuré, dans cet état de détérioration et de dépréciation, l'assureur qui ne doit point supporter les pertes causées par des circonstances étrangères au risque assuré, ne peut être tenu de payer l'assurance sur le pied de la valeur que les choses assurées avaient à l'époque du contrat, mais qu'elles ont perdue à l'époque du sinistre. Autrement l'assurance deviendrait pour l'assuré un moyen d'acquérir et de

[ocr errors]
[ocr errors]

rien

bénéficier, puisqu'elle lui ferait obtenir une valeur su-
périeure à celle que l'incendie a dévorée. Il n'y a donc
que de conforme aux principes essentiels du con-
trat d'assurance, à stipuler que dans ce cas les assu-
reurs paieront suivant une évaluation faite au cours du
jour de l'incendie. C'est même là ce qui a lieu de plein
droit et sans stipulation.

183. Cependant l'assuré peut dire, au moins pour
ce qui concerne les marchandises, que si le sinistre
n'était pas arrivé, les marchandises qu'il aurait conti-
nué de garder en magasin, auraient pu recouvrer avec
le temps ou même excéder leur valeur primitive.

Le moyen le plus propre à concilier en pareil cas les intérêts et les droits respectifs des parties, en laissant à l'assuré les chances qu'il doit supporter exclusivement à l'assureur, est de stipuler, comme le font plusieurs compagnies, que dans le cas d'incendie de marchandises ou denrées, les assureurs auront la faculté d'en rétablir à leurs frais pareille quantité de nature et qualité conforme à dire d'experts, si mieux n'aime l'assuré être payé en deniers au cours du jour où l'incendie aura lieu.

184. Mais cette stipulation devant également recevoir son effet dans le cas où les effets, denrées et marchandises assurés auraient augmenté de valeur à l'époque du sinistre, n'est-elle pas, au moins pour ce cas, contraire aux principes essentiels du contrat d'assurance?

« Dans les pays où l'assurance par forme de gageure

1

1

[ocr errors]

« est autorisée, dit Emérigon, on peut se régler par le

[ocr errors]

« que

prix au temps et au lieu de la destination, pourvu l'assureur se soit rendu garant que la chose par« viendrait saine et sauve dans le lieu destiné. Mais « nous avons d'autres principes, desquels les parties. <«< n'ont pas la liberté de s'écarter. »

Il est hors de doute que ces principes sont aussi ceux de notre Code de commerce, qui défend, comme l'Ordonnance de la marine, de faire assurer le profit espéré des marchandises (1).

Mais ces prohibitions sont-elles applicables dans toute leur rigueur et dans toute leur étendue aux assurances terrestres, en telle sorte qu'elles frappent de nullité la stipulation en usage, par laquelle les compagnies s'obligent à payer la valeur des denrées et marchandises assurées au cours du jour où l'incendie a lieu?

185. Les contrats d'assurances terrestres n'étant encore régis par aucune loi positive, ne peuvent être jugés pour ce qui concerne leur validité ou invalidité, que d'après leur conformité ou non conformité aux principes essentiels et fondamentaux de tout contrat d'assurance. Leurs stipulations ne peuvent être déclarées nulles qu'autant qu'elles répugnent à l'essence même du contrat d'assurance, qu'elles le dénaturent et lui font perdre son caractère avec son nom. Encore dans ce cas, doit-on considérer si la stipulation qui fait perdre au contrat le caractère de contrat d'assurance, ne le fait pas dégénérer en un autre contrat qui soit

(1) Foy. le Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. III, no. 766.

[ocr errors]

également licite, car alors on ne peut lui refuser les effets qu'il doit recevoir à cet autre titre. Les stipulations insérées dans un contrat d'assurance ne doivent donc être déclarées nulles qu'autant qu'elles font dégénérer ce contrat en une convention illicite, par exemple en une gageure.

186. On doit, il est vrai, reconnaître une gageure dans la stipulation par laquelle un assureur maritime s'engage à payer le prix que les marchandises assurées vaudraient au temps et lieu de leur destination; car c'est, comme le dit Emérigon, se rendre garant que la chose parviendra saine et sauve dans le lieu destiné, ou en d'autres termes, parier qu'un événement incertain arrivera. Le résultat de ce pari est que si la chose assurée vient à périr en route, l'assureur paie à l'assuré une valeur que celui-ci ne perd point, puisque ses marchandises n'avaient point encore acquis cette valeur à l'époque de la perte, et qu'elles n'auraient pu l'acquérir que par leur arrivée à leur destination qui n'a point eu lieu. Ce que l'assuré reçoit de l'assureur n'est donc point, au moins en totalité, l'indemnité d'une perte, mais c'est en partie le gain d'un pari.

187. Au contraire, l'assureur contre l'incendie qui s'engage à payer à l'assuré le prix que les denrées et marchandises assurées vaudront au cours du jour où l'incendie aura lieu, ne s'engage à payer à l'assuré l'indemnité d'une perte réelle. Vainement objecteraiton que la valeur sur le pied de laquelle l'assureur paie l'assuré n'est point encore acquise à ce dernier, puis

que

[graphic]

qu'elle dépend d'une négociation future. On pourrait dire avec autant de raison que le montant de l'estimation des marchandises faite dans le contrat d'assurance d'après le cours de la place au jour du contrat, n'est point une valeur acquise à l'assuré, puisqu'elle dépend également d'une négociation future, qui peut ne point avoir lieu si le sinistre arrive avant que les marchandises soient vendues. La valeur payée à l'assuré d'après l'estimation de sa perte au cours du jour où l'incendie a lieu, nous semble aussi légitimement acquise à titre d'indemnité que pourrait l'être la valeur fixée par le contrat d'assurance, d'après le cours de la place au jour du contrat, dans le cas où les objets assurés viendraient à périr le même jour.

Toute la différence qu'il y a entre ces deux cas, est que dans le cas où, d'après la stipulation dont il s'agit, les parties se sont référées à une évaluation qui serait faite au cours du jour de l'incendie, l'obligation de l'assureur reste incertaine dans sa quotité jusqu'au jour du sinistre.

188. Nous confessons que cette différence est trèsgrave, et que cette incertitude, dans l'étendue des obligations de l'assureur, ne paraît point admise pour ce qui concerne les assurances maritimes. Quoi qu'il en soit, il faut convenir que si l'étendue des obligations de l'assureur reste incertaine, elle ne dépend point de la volonté de l'assuré, puisqu'il ne dépend pas de lui que ses marchandises périssent tel jour plutôt que tel autre. L'étendue des obligations de l'assureur ne dépend

:

[graphic][merged small]
« PreviousContinue »