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158. Au surplus, quelques inconvéniens que puisse entraîner l'omission dans l'art. 332 du Code de commerce, d'une disposition relative à la nécessité des doubles écrits, on ne doit point, nous le répétons, considérer cette omission comme un oubli de la règle établie dans l'art. 1325 du Code civil, mais comme une dérogation à cette règle. On ne pourrait donc suivant nous, dans aucun cas, déclarer un contrat d'assurance nul, pour n'avoir pas été fait en plusieurs originaux, et avec mention du nombre de ces originaux. Si l'opinion contraire a été soutenue par M. Boulay-Paty, et même adoptée par deux arrêts de la cour d'Aix, dont l'un a été confirmé par un arrêt de rejet de la cour de cassation, celle que nous venons de développer est professée par M. Toullier, tom. VIII, n.os 342 et 343; par M. Pardessus, tom. II, n.o 245, et tom. III, n.o 793, dernière édition ; et par M. Delvincourt, Institutes commerciales.

159. Le contrat d'assurance, porte l'art. 332, est daté du jour auquel il est souscrit. Il y est énoncé si c'est avant ou après midi. L'observation de cette formalité n'est point indispensable pour rendre l'acte valable entre les parties. Mais l'énonciation de la date est nécessaire pour déterminer l'antériorité, et par suite l'ordre du ristourne entre plusieurs assurances, dont la première ou les premières doivent seules subsister, si elles couvrent tout le risque, à l'exclusion des dernières qui, portant sur des risques déjà couverts, et se

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trouvant par conséquent sans objet, doivent être déclarées nulles. (Art. 359 du Code de commerce.)

160. Mais les assureurs auxquels on n'oppose, comme plus ancienne, qu'une police sous-seing privé non enregistrée, ne peuvent-ils point invoquer l'art. 1328 du Code civil, qui dispose que les actes sousseing privé n'ont point de date certaine contre les tiers, si ce n'est du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans des actes dressés par des officiers publics.

Cette disposition de la loi civile n'est point applicable, au moins d'une manière générale et absolue, entre commerçans, relativement à des actes de commerce. (1).

« La stricte sévérité des principes a dû, comme le «< disait l'orateur du gouvernement, s'accommoder aux «< formes larges et faciles du commerce », qui serait trop gêné, trop ralenti dans ses opérations, s'il fallait qu'elles fussent toutes soumises à la formalité de l'enregistrement. Aussi la plupart des dispositions du Code de commerce supposent-elles que la règle établie par l'art. 1328 du Code civil n'est point applicable aux actes commerciaux. Sans parler des lettres de change et billets à ordre, qui font foi de leur date jusqu'à inscription de faux (art. 139 du Code de commerce)

(1) Voyez M. Toullier, tom. VIII, no. 244; et M. Pardessus, tom. II, no. 246, dernière édition.

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sans parler des achats et ventes dont l'existence et à
plus forte raison la date peuvent être constatées par
toutes sortes de preuves, même par la preuve testimo-
niale; (Art. 109 du Code de commerce.) il faut re-
connaître que
la véritable date de tout acte de com-
merce peut être certifiée entre commerçans par leurs
livres, qui sont admis par la loi à faire preuve entre
eux des actes de commerce. (Art. 12 du Code de
commerce.)

161. Un assureur n'a donc pas besoin de faire en-
registrer les polices des assurances qu'il contracte, pour
en rendre la date certaine à l'égard d'autres assureurs,
c'est-à-dire de négocians comme lui. « Pour détermi-
<< ner l'ordre du ristourne, dit Emérigon, les polices

privées ont autant de force que celles dressées par <«< un officier public ». Le Code de commerce, qui autorise expressément l'emploi de la forme privée pour les polices d'assurance, a certainement voulu lui conserver les mêmes effets. Il résulte des discussions préparatoires du Code de commerce, et de l'exposé des motifs du titre des Assurances, que la mention de la date a été exigée dans les polices, précisément pour régler l'ordre du ristourne entre plusieurs assurances faites successivement sur les mêmes objets. On a donc eu l'intention d'attribuer à la date seule de la police l'effet de déterminer son antériorité sur d'autres polices. Si l'on avait voulu s'en tenir à la règle établie dans l'art. 1328 du Code, on n'aurait point attaché cette importance à la date de la police, on n'en aurait

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attaché qu'à la date de son enregistrement. M. Boulay-Paty est aussi de cet avis (1).

162. La même police, porte l'art. 333 du Code de commerce, peut contenir plusieurs assurances, soit à raison des marchandises, soit à raison du taux de la prime, soit à raison de différens assureurs. Dans ce dernier cas, chaque souscription d'un nouvel assureur forme un contrat particulier qui doit être daté, suivant le vœu de l'art. 332. Autrement, dit avec raison M. Pardessus, les engagemens non datés seraient présumés faits le même jour que celui qui suit et qui est daté. Le même auteur fait observer que si l'un des assureurs avait inscrit au-dessus de sa signature quelques clauses dérogatoires au contenu du corps de la police, ceux qui signeraient après lui, même purement et simplement, sans exprimer d'intention contraire, seraient présumés s'être engagés sous les mêmes modifications. (M. Pardessus, tom. III, n.o 995, dernière édition.)

§. 11.

Des formes internes de la police d'assurance.

163. Jusqu'à présent nous avous traité de la forme externe de la police, c'est-à-dire de l'acte qui renferme la convention d'assurance. On appelle forme interne de la police d'assurance, l'ensemble des déclarations, énon

(1) Voy. son Cours de Droit commercial maritime tom. IV, pag. 121, à Paris, chez B. Warée oncle.

ciations et stipulations qu'elle doit contenir. L'art. 332 du Code de commerce, après avoir décrit la forme externe des polices d'assurance maritime, indique également les clauses qui doivent entrer dans ces polices. Cette seconde partie de l'article est encore moins impérative que la première, et l'on doit la considérer comme simplement indicative des clauses les plus usitées. Toutefois, parmi ces clauses qui se trouvent confondues dans l'art. 332 du Code de commerce, il en est quelques-unes d'une extrême importance: ce sont celles qui sont relatives aux conditions essentielles du contrat d'assurance. Le contrat qui ne serait point nul, comme nous l'avons vu, dans le cas où il n'aurait point été rédigé de police pour le constater, pourrait devenir de nul effet dans le cas où la police qui en aurait été dressée ne renfermerait rien sur quelqu'une des conditions essentielles pour la validité du contrat. En effet, - il est de principe que lorsque les parties ont passé acte de leur convention, les juges ne peuvent recevoir aucune preuve par témoins, ni conséquemment par présomptions, contre et outre le contenu en l'acte. (Art. 1341 et 1353 du Code civil.) On pourrait donc se trouver réduit à l'impossibilité de prouver le conscntement des parties concernant un des points sur lesquels il doit nécessairement intervenir.

Nous aurons soin de faire remarquer les énonciations et clauses qui nous semblent, par cette raison, plus particulièrement indispensables, en indiquant, à l'exemple du Code de commerce, toutes celles qui

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