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CHAPITRE VII.

Des Formes du Contrat d'Assurance.

§. I.er

Des Formes externes du Contrat.

145. Nous n'avons point rangé parmi les conditions essentielles pour la validité du contrat d'assurance, les formes de ce contrat. La forme d'un contrat ou d'un acte ne tient à sa substance que dans le cas où la loi civile imprimant à ce contrat ou à cet acte un caractère essentiel de solennité, prescrit pour sa rédaction l'emploi de formes sacramentelles, comme étant seules propres non-seulement à assurer sa preuve, mais à lui conférer une existence légale, en telle sorte que le contrat avoué par les deux parties, mais non rédigé dans la forme prescrite, demeure nul et de nul effet. Il n'en est point ainsi du contrat d'assurance, qui reçoit sa perfection du seul consentement des parties, et « dont « les formes concernent plutôt la preuve qui doit être <«< faite de ce contrat, lorsqu'on en poursuit l'exécu«tion dans les tribunaux, qu'elles ne sont de sa subs«tance (1). » On doit donc appliquer à ce contrat la règle générale, fiunt scripturæ, ut quod actum est, facilius per eas probari possit. Sine his autem valet

(1) Pothier, Traité du Contrat d'assurance, n.o 99.

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quod actum est, si habeat probationem. L. 4, ff. de Lign. 20, 1. L. 17, Cod. de Pact., L. 12, Cod. de Probat.

146. Mais c'est une règle du droit commun de la France, sur la preuve des contrats, même purement consensuels, et du droit des gens, que leur existence doit, en cas de dénégation, être justifiée par écrit. (Code civil, art. 1341.) Le Code de commerce qui déroge à cette règle pour certains contrats, la consacre de la manière la plus formelle pour le contrat d'assurance, dans l'art. 332, qui porte: Le contrat d'assurance est rédigé par écrit..........

Ainsi la loi spéciale du contrat s'accordant avec les règles du droit commun sur la preuve des conventions, pour exiger une preuve littérale du contrat d'assurance, on ne pourrait être admis à prouver, par témoins seulement, l'existence d'un contrat de ce genre. Toutefois, comme la rédaction par écrit est exigée pour la preuve et non pour la validité du contrat en lui-même, qui devient parfait ainsi qu'on l'a dit, par le seul consentement des parties, et qui n'est point déclaré nul, faute d'avoir été rédigé par écrit, « l'une des parties pourrait, à défaut de cette preuve, déférer à « l'autre le serment décisoire sur la vérité du contrat et << sur ses conditions « (1).

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147. Nous pensons même que Pothier ne va pas assez loin, en n'accordaut à chacune des parties, dans

(1) Pothier, Traité du Contrat, n.o 99.

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ce cas, que le droit de déférer à l'autre le serment dé-
cisoire, car ce serment peut être déféré encore qu'il
n'existe aucun commencement de preuve de la de-
mande. (Art. 1360 du Code civil.) Or, toutes les fois
que l'on a traité avec une compagnie d'assurance,
même sans qu'il ait été rédigé de police d'assurance,
il doit rester une preuve ou tout au moins un com-
mencement de preuve de la convention dans les re-
gistres de la compagnie; seulement les deux parties ne
tirent point de ces registres un avantage égal. Les
livres des assureurs ne font point foi en leur faveur
contre leur partie adverse; tout ce que les assureurs
peuvent demander en pareil cas, est d'être admis à prê-
ter le serment que le juge est autorisé à déférer, lors-
que la demande n'est pas totalement dénuée de preu-
ves. (Art. 1329 et 1367 du Code civil.) (1)

148. Mais les livres des assureurs font preuve con-
tr'eux, suivant l'art. 1330 du Code civil, du contrat
d'assurance qui s'y trouve mentionné, et qui constitue
de leur part un acte de commerce. L'assuré est autorisé
par
la loi à se prévaloir contr'eux de cette mention
qui, selon qu'elle est plus ou moins détaillée, peut for-
mer une preuve complète, ou tout au moins un com-
mencement de preuve par écrit, à l'appui de sa demande.

Or, c'est encore une règle du droit commun de la
France, que toutes les fois qu'il existe un commence-

(1) Voy. M. Pardessus, Cours de Droit commercial, tom. II,
dernière édition; et M. Delvincourt, Cours de Code civil,
tom. II, note 5, sur la page 67.

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ment de preuve par écrit de la convention que l'une des parties allègue, on est admis à compléter cette preuve à l'aide de témoignages ou même de simples présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes. (Art. 1347 et 1353 du Code civil.).

149. Pothier, n.o 101 du Traité du Contrat d'assurance, doute que cette règle soit applicable au contrat d'assurance, par le motif qu'elle n'est point reproduite par la loi spéciale de ce contrat. Mais il suffit d'avoir établi, comme Pothier l'a fait, n.° 99 du même Traité, que la rédaction d'une police d'assurance ne tient point à la substance de ce contrat, et ne concerne que sa preuve, pour être autorisé à conclure que la police d'assurance n'étant point exigée à peine de nullité peut être remplacée par des preuves supplétives, pourvu qu'au nombre de ces preuves il y en ait de littérales dont les autres ne soient que le complément.

C'est là ce que permettent les règles du droit commun sur la preuve des conventions, sans détruire par cette tolérance la nécessité d'une preuve littérale que ces règles exigent au contraire formellement. Il y a donc lieu d'interpréter la disposition du Code de commerce, sur la preuve du contrat d'assurance, par les règles du droit commun sur la preuve des conventions, avec d'autant plus de raison qu'elles sont dominées par le même principe touchant la nécessité de la preuve littérale. Conséquemment lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit du contrat d'assurance, il y a lieu d'admettre les preuves supplétives

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autorisées par les articles 1347 et 1353 du Code civil. C'est ce qu'enseignent MM. Pardessus et Boulay-Paty. 150. C'est aussi ce qui a été décidé dans l'espèce suivante, qui présentait à juger la question de savoir si l'existence du contrat entre une compagnie d'assurance contre l'incendie et l'individu qui fait assurer sa maison, peut être prouvée par la quittance du montant de la prime consentie à ce dernier par l'agent de la compagnie, et par la délivrance de la plaque indicative de cette compagnie, quoiqu'il n'ait point existé de police d'assurance.

La question a été résolue affirmativement par le Tribunal de Saverne et par la Cour royale de Colmar, et sur le pourvoi de la compagnie, la Cour de cassation a rendu le 15 février 1826, l'arrêt suivant :

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que

<«< La Cour, sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général, attendu que la compagnie du Phénix n'a point dénié Trombert ne fût son agent, et que « d'ailleurs l'appréciation de ce fait, déclaré constant « par l'arrêt dénoncé, n'appartient point à la Cour de <«< cassation; attendu que la quittance donnée par Trom« bert étant au moins un commencement de preuve « par écrit d'une convention d'assurance intervenue << entre lui agissant pour la compagnie du Phénix et « les défendeurs éventuels, la cour de Colmar était « autorisée à se décider par des présomptions graves, précises et concordantes, si elle en trouvait de suffi« santes dans les élémens de la procédure; attendu que <«< cette Cour, juge exclusif de la force et de la coïnci

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