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de ce Code exige que la police exprime le nom et le domicile de celui qui fait assurer, sa qualité de propriétaire ou de commissionnaire.

132. L'usufruitier, relativement à son usufruit, le créancier hypothécaire, relativement à sa créance, le fermier, relativement à la récolte ou à la portion de récolte qui est à ses risques, ont, comme nous l'avons vu, le droit de stipuler des assurances, aussi bien que le propriétaire relativement à sa chose. Nous renvoyons sur ces points au chapitre II, §. 2, qui traite de ce qui peut faire le sujet de l'assurance, dans lequel nous traitons également de l'intérêt que doit avoir celui qui stipule une assurance sur la vie d'une autre personne, à la conservation de la vie assurée.

133. Il est hors de doute que tous ceux qui ont la capacité de faire assurer peuvent se servir, à cet effet, d'un commissionnaire ou d'un mandataire. Le commissionnaire chargé de vendre des marchandises qu'il aurait en dépôt, n'aurait même pas besoin d'un pouvoir exprès pour les faire assurer. Le pouvoir de vendre des marchandises, donné à un commissionnaire, renferme implicitement le pouvoir de faire tout ce qui sera nécessaire ou utile pour leur conservation, et conséquemment le pouvoir de les faire assurer. (Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. III, n.o 801, dernière édition.)

Nous nous expliquerons plus tard sur les différences qui peuvent exister relativement aux effets du contrat d'assurance, entre le cas où l'assurance a été stipulée

par un commissionnaire et celui où elle a été stipulée par un simple mandataire, lorsque nous traiterons du point de savoir par qui, et contre qui, peuvent être intentées les actions qui résultent du contrat d'assu

rance.

134. Hors le cas de mandat ou de commission • n'existe-t-il pas encore des cas où l'on peut faire assurer la chose d'autrui?

Nous avons vú, chap. II, §. 2, que l'assureur peut faire réassurer à son profit les choses qui ont été mises à ses risques par un contrat d'assurance. C'est ce qu'autorise expressément l'art. 342 du Code de

commerce.

« De même, dit M. Pardessus, par suite des prin« cipes du Droit civil, qui permettent à des créanciers << de conserver les droits que leur débiteur abandonne « où néglige de conserver, un créancier, privilégié ou « non, sur le corps d'un navire en mer, ou sur des <«< marchandises, pourrait les faire assurer. Il est pré«sumé mandataire du propriétaire; mais par cela

même, il n'acquiert point de droit exclusif à la somme « que, l'assureur sera obligé de payer en cas de perte « des choses assurées : ce prix profitera à la masse en« tière des créanciers du débiteur, si elle le requiert, << en remboursant toutefois à celui qui a fait l'assurance « le montant de ses déboursés ou autres frais ». (Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. III, n.° 803, dernière édition.)

Cette opinion de M. Pardessus a été combattue dans

une dissertation insérée dans la Thémis, tom. 5, pag. 289, et extraite d'un plaidoyer prononcé par M. Bret, substitut de M. le Procureur général près la Cour d'Aix, dans l'affaire des sieurs Fuzier frères, de Marseille, contre les compagnies royale et d'assurances générales de Paris. L'auteur de cette dissertation examine la question de savoir, si le créancier peut faire assurer dans son intérêt la propriété de son débiteur, et la résout négativement. M. Boulay-Paty, dans ses notes sur Emérigon, adopte cette solution qui est, comme on le voit, contraire à celle que donne M. Pardessus.

La question sur laquelle ces savans professeurs et magistrats sont divisés d'opinion est du plus grand intérêt dans les assurances terrestres. Car la plupart des compagnies d'assurances contre l'incendie admettent les créanciers, surtout les créanciers hypothécaires, à faire assurer les maisons de leurs débiteurs. Il s'agit de savoir si de pareilles stipulations faites par des créanciers, soit hypothécaires, soit chirographaires, sont va-. lables ou nulles?

l'on ne

135. Nous commençons par reconnaître que peut se fonder sur l'art. 1166 du Code civil (1) pour at

(1) Section VI du Code civil.- De l'effet des Conventions à l'égard des tiers.

ART. 1165. Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne leur profitent que dans le cas prévu par l'art. 1121.

ART. 1166. Néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à sa personne.

:

que

tribuer à des créanciers quelconques la faculté de faire des conventions d'assurance ou autres au lieu et place de leurs débiteurs. En effet, il ne s'agit point, dans l'art. 1166, de conventions à faire, mais des effets de conventions déjà faites, comme l'indique l'intitulé de la section. Après avoir proclamé dans l'art. 1165, que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, le législateur établit dans l'art. 1166 une exception à cette règle générale, en disant néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leurs débiteurs. Le rapprochement de ces deux articles, la place qu'ils occupent dans le Code, l'intitulé de la section dans laquelle ils se trouvent, font assez connaître que les droits et actions dont parle l'art. 1166 sont les droits et actions acquis au débiteur, en vertu de conventions faites par lui, qui profiteront à ses créanciers, par exception à la règle générale posée dans l'art. 1165, suivant lequel les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes. Les droits et actions du débiteur, que ses créanciers peuvent exercer en vertu de cette sorte de subrogation autorisée par l'art. 1166, sont donc les droits acquis à ce débiteur, les actions existantes à son profit. L'on reconnaît encore la justesse de cette interprétation, en remontant au principe sur lequel l'art. 1166 est fondé. Ce principe est, que tous nos biens sont le gage de nos créanciers, et que nous ne devons en laisser perdre aucune partie par un abandon qui serait une sorte de fraude à ce droit de gage de nos créanciers : de là cette

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subrogation qui leur est accordée à l'effet de poursui-
vre et de recouvrer les droits, c'est-à-dire les biens que
nous abandonnons ou négligeons de recouvrer. Or, on
ne peut considérer, comme étant dans nos biens et
comme étant le gage, de nos créanciers, que nos droits
acquis. On ne peut en dire autant de ce qui est pour
nous simple faculté, liberté non encore exercée
comme, par exemple, de faire ou de ne pas faire une
convention nouvelle, et surtout une convention aléa-
toire. Il est évident que l'exercice de notre liberté, re-
lativement à toute convention qu'il s'agit de faire ou
de ne pas faire, n'appartient qu'à nous, et qu'elle n'a
point été aliénée au profit de nos créanciers par l'art.
1166 du Code. Il faut donc rejeter cet article comme
étant sans application, relativement au point dont il
s'agit.

136. Ce point, qu'il importe de fixer, consiste à
savoir si des créanciers peuvent stipuler pour leur dé-
biteur et à son profit l'assurance de sa propriété, sauf
ensuite à exercer leurs droits sur la somme assurée.
C'est en ces termes que la question doit être posée;
car il ne peut être question de savoir si des créanciers
ont le droit de stipuler à leur profit l'assurance de la
propriété de leur débiteur, à l'effet que la somme as-
surée, représentative de la propriété, soit directement
versée dans leurs mains. Les créanciers, même hypo-
thécaires, n'ont point le domaine des choses qui ap-
partiennent à leur débiteur pour en trafiquer de la
sorte et s'en approprier le prix.

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