Page images
PDF
EPUB

truits ou peu délicats, dangereuse pour les médecins et les malades.

En 1765, le comte de Bestuchef, pour éviter que la préparation de cette teinture ne se perdît en cas de mort soudaine, autorisa, par un acte dans les formes, le Pharmacien Model à la communiquer à un homme probe et instruit, mais sous le sceau du secret, et avec défense d'en faire part à personne. Model s'adressa à son beau-fils, Pharmacien de Moscou; mais, tant qu'il vécut, il fit préparer sous ses yeux les teintures par son neveu Winterberger, qui fut enfin Pharmacien du corps impérial des

Cadets.

Lorsque Model mourut, en 1775, Durup de Moscou fut propriétaire et préparateur des gouttes jusqu'en 1779, que Winterberger devint, par la mort de Durup, le seul et unique distributeur de la teinture nervine.

Vers cette époque, la mode de prescriptions dispendieuses étant tombée, ce sort frappa également les teintures de Bestuchef; et comme beaucoup de Pharmaciens prétendaient en connaître la composition, et qu'ils n'attendaient que l'autorisation de pouvoir les préparer et les débiter, ces considérations déterminèrent la veuve Durup et le Pharmacien Winterberger à faire présenter à l'impératrice Catherine II, par son premier médecin Roggertson, la véritable recette de Bestuchef et sa préparation, en résignant tous les droits que le privilège leur accordait.

L'impératrice fit remettre cette recette au Collège de Médecine, et après l'avoir fait exécuter par le Pharmacien de la cour Grave, et s'être fait montrer par le dernier possesseur les avantages de la manipulation à employer, accorda aux héritiers de Model une somme de trois mille roubles, et ordonna la publication de la teinture,

Telle est l'histoire très-détaillée de la fameuse teinture de Bestuchef. Borfurt a ajouté à cette histoire un long paragraphe sur la manipulation et le mode de préparation

employé tant par l'inventeur et ses successurs, que par les différens chimistes qui se sont occupés de ce médicament. Il dit que le célèbre Klaproth fut le premier qui, guidé par une saine chimie, publia en 1782 un procédé plus simple et plus expéditif (d'après Bestuchef, il fallait six mois). Hermbstads donna également en 1784 une méthode encore plus simple. Mais le chimiste qui a donné les meilleurs renseignemens sur cette préparation est le célèbre Tromsdorff, dans son Journal de Pharmacie 1803.

D'après ce chimiste, il importe, pour que cette teinture réussisse, 1o que l'éther soit pur et non mélangé d'alcohol; 2o que l'acide muriatique soit aussi concentré, et le fer autant oxidé que possible. Le muriate de fer vert ou oxidulé ne peut servir à l'opération; mais si on expose les cristaux à l'action de l'air atmosphérique, ou si on les chauffe à l'air, ils se convertissent alors en muriate de fer rouge ou oxidé, qui se sépare par le deliquium du fer oxidulé il se dépose, dans ce cas, une portion d'oxide qui ne peut être tenue en dissolution par l'acide muriatique, parce que ce dernier peut beaucoup plus dissoudre d'oxidule que d'oxide.

:

Le muriate de fer oxidé soluble dans l'alcohol et l'éther est le seul dont on puisse faire usage pour cette teinture, On peut pour cela se servir du résidu de la décomposition du muriate d'ammoniaque par le fer; mais on réussit beaucoup plus promptement en faisant dissoudre l'oxide de fer dans l'acide muriatique. On oxide le fer complètement en faisant dissoudre une partie de limaille de fer dans quatre parties d'acide nitrique ordinaire. On obtient alors un fluide assez épais, d'un rouge foncé, qui, évaporé à siccité, laisse le fer complètement oxidé. On verse sur ce dernier quatre parties de bon acide muriatique; on fait dissoudre à l'aide de la chaleur, et l'on fait évaporer dans une capsule jusqu'en consistance de sirop épais; on expose ensuite dans une cave, et le fluide décanté de l'oxide qu'il surnage est

le muriate de fer propre à la préparation de la teinture. Trommsdorff observe qu'il ne faut employer pour le mélange qu'un éther entiérement dépouillé d'alcohol.

Quoi qu'il en soit, il résulte des expériences et des observations de Dorfurt, que le meilleur et le plus court procédé pour préparer l'alcohol sulfurique éthéré martial, c'est de prendre neuf parties d'alcohol sulfurique éthéré, de l'agiter dans un flaçon avec une partie de muriate de fer sublimé. On obtient par ce moyen et sans dégagement bien sensible de chaleur une teinture d'un jaune d'or foncé, parfaitement claire et limpide, qui, conservée dans des flacons bien bouchés, n'éprouve aucune altération à l'ombre, et contient un dixième de muriate de fer sublimé.

L'éther sulfurique martial et l'alcohol sulfurique éthéré martial s'employent comme toniques, stimulans, sédatifs. Mais de ces deux teintures, est-ce de la blanche, qui con-. tient du muriate suroxigéné de fer oxidé, ou de la colorée, qui contient du muriate suroxigéné de fer oxidulé, que proviennent les vertus médicinales? Voilà une chose à laquelle on n'a jusqu'aujourd'hui point assez fait attention. On a indistinctement mis en usage la teinture blanche et la jaune, celle colorée depuis peu et celle qui l'était depuis long-tems, quoique cette dernière contienne vraisemblablement du muriate de fer oxidulé et oxidé dans des proportions variables. Quoi qu'il en soit, les vertus du muriate de fer oxidulé ne peuvent être les mêmes que celles du muriate oxidé. Il est donc essentiel de désoxider par la lumière, de blanchir la teinture de Bestuchef, quand la Pharmacopée le prescrit. Autrement le médecin obtiendrait un médicament différent de celui qu'il veut prescrire. Il serait également important que les médecins chargés des établissemens publics, s'occupassent d'examiner la différence de l'action spécifique de ces deux médicamens.

Le muriate de fer oxidulé cristallisé se conserve dans des flacons exactement bouchés, aussi bien que le mu

riate de fer sublimé concret, et l'on peut les employer sur-. le-champ l'un et l'autre dans un éther ou un alcohol éthéré quelconque. Il faut bien se garder d'ordonner ces dissolutions avec des infusions ou décoctions astringentes.

L'ether sulfurique martial se donne sur du sucre à la dose de quatre à six gouttes, et l'alcohol sulfurique martial à celle de dix à quinze gouttes. On peut également s'en servir avec les teintures spiritueuses d'angustura, de cassia, celle d'opium; on y peut faire dissoudre du camphre et des huiles éthérées.

CORRESPONDANCE,

Suite de la correspondance de M. BOUDET
Pharmacien en chef.

(EXTRAIT PAR M. BOULLAY.)

18 novembre.

« J'AI vu à Vienne une capsule de zinc fabriquée au

་་

marteau.

>> On m'a dit que pour rendre ce métal plus malléable qu'il ne l'est à froid, le procédé consistait à le plonger dans l'eau bouillante, à ne le frapper qu'après lui en avoir communiqué la température.

» Au reste, c'est un essai à faire en France, s'il n'a pas encore été fait. »

20 novembre.

J'ignore si on connaît en France l'emploi du métal fusible pour le scellement des pierres.

» Voilà une circonstance où l'on s'est avisé à Vienne d'y avoir recours.

» L'architecte, qui a construit le piedestal de la statue de Joseph II, ne se fiant à aucune espèce de ciment pour remplir les interstices qui existaient entre les pierres de granit, malgré tout l'art avec lequel elles avaient été taillées et polies, et craignant, s'il employait le plomb, que la

chaleur de ce métal ne fit éclater la pierre, consulta M. Jacquin.

» Ce chimiste lui proposa d'essayer le metal fusible de Darut.

» L'essai ayant parfaitement réussi, l'architecte scella tout le piedestal avec ce métal qui, jusqu'à présent, ne laisse apercevoir aucune alteration sensible. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Krems, le 4 décembre 1809.. Lorsque je partis de Vienne pour me rendre à Znaïm on m'annonça que je n'aurais rien à voir dans cette ville, qu'il n'y avait ni fabriques, ni manufactures. Cependant, en me promenant, an-dehors, j'aperçus une nitrière artificielle établie en plein air; et après être descendu de la colline sur laquelle la ville est située, pour voir la rivière qui coule dans une gorge profonde qu'elle a creusée, et dont les parois sont hérissés d'énormes rochers de granit, qui ont été brisées et bouleversés lorsque la base terreuse, sur laquelle ils reposaient, ayant été minée et entraînée par les eaux, ils se sont trouvês portant à faux.

» Je trouvai, dans un petit village situé le long de la rivière, des tanneries près desquelles étaient amoncelés, là, des résidus d'écorces de pîn; ici, le mare d'une poudre quì ne ressemblait point au tan épuisé.

>> Sentant l'importance d'occuper les jeunes Pharmaciens d'objets utiles, je leur conseillai d'aller étudier l'art de faire le salpêtre, celui de tanner les cuirs par des procédés qui semblaient différens de ceux mis en usage en France.

Je vous envoie les résultats d'observations faites par plusieurs Pharmaciens, et sur-tout par M. Bouillod, qui montré le plus de zèle et d'empressement. En vous faisant passer les Mémoires rédigés par M. Bouillod, j'ai voulu vous mettre à portée de juger du zèle et du talent de ce jeune homme. »

Nous allons, en supprimant les détails minutieux dans lesquels M. Bouillod a dû entrer, et qui sont înutiles pour

« PreviousContinue »