Page images
PDF
EPUB

dame romaine qui vivait du tems de Domitien: on en trouve dans le Prædium rusticum du P. Vanière et dans le poëme sur les vers à soie, de Marc Jérôme Vida, évêque d'Albe, qui florissait en 1566. On peut objecter à tant de citations que tous ces fruits de la lyre médico-pharmaceutique ne sont ni bons ni gais : cela peut être; mais, si l'on veut de la gaieté, on peut lire la Thériacade et la Diabotanogamie de Girault, poëmes qui parurent en 1769 et qu'on a réimprimés il y a peu d'années. Ces deux ouvrages sont, il est vrai, en prose, mais en prose très-poétique divisée en

chants.

Dans la salle des exercices de l'école de pharmacie de Paris, on remarque parmi les portraits des apothicaires qui ont été dans les charges celui de Juliot, qui porte pour inscription, Juliot pharmaco-poeta. Ses vers ne sont pas parvenus jusqu'à nous; ceux de Demachy sont dans la mémoire et dans la bibliothèque des gens de goût, quoique Demachy soit beaucoup plus connu comme excellent pharmacien que comme littérateur. Le collège de pharmacie de Paris possède encore parmi ses professeurs le vénérable et lyrique Guiart, qui charme sa vieillesse par le commerce des Muses latines : tantôt rival de Santeuil, tantôt émule d'Ausone, il chante dans un hymne religieux la gloire de nos armées, ou célèbre dans un centon ingénieux les bienfaits du grand homme qui nous gouverne.

Après avoir prouvé que l'Aristarque anglais a été trop loin en prétendant que les médecins et les pharmaciens sont étrangers aux Muses, nous pensons comme lui que les talens littéraires doivent être pour eux secondaires et purement accessoires. Les grandes vérités de la physique et de la chimie, les phénomènes si intéressans de la physiologie peuvent enflammer leur imagination; et pour les retracer, leur style doit prendre quelqu'élévation. Heureux ceux qui, comme les Fourcroy, les Lavoisier, les Cuvier, savent joindre l'élégance à la correction et répandre quelques fleurs sur des matières arides! mais il

faut espérer pour l'honneur des lettres et des sciences que les médecins et pharmaciens littérateurs, se contentant de donner, par une diction noble et pure, du charme aux sujets instructifs qu'ils traiteront, laisseront désormais la versification aux poëtes de profession, ou ne cultiveront les Muses que par délassement. Montesquieu, Buffon et Bailly ont fait des vers spirituels : on ne les cite que comme objets de curiosité, et l'on parlera toujours de l'Esprit des lois, des Epoques de la nature, et des Lettres sur les sciences et sur l'Atlantide. C. L. C.

SUR L'EAU MINÉRALE

GAZEUSE ARTIFICIELLE;

PAR M. CADET.

DEPUIS que Paul de Genève est parvenu à imiter parfaiment les eaux de Selz, de Chateldon, et à dissoudre dans l'eau par la force de la pression une quantité de gaz plus considérable que celle qu'on était parvenu jusqu'à ce jour à y combiner; beaucoup de pharmaciens ont renoncé aux procédés coûteux usités jusqu'ici dans les laboratoires, et se fournissent d'eaux gazeuses au bel établissement que MM. Tryaire et Jurine possèdent à Tivoli. L'appareil de M. Paul n'est pas connu en Autriche, personne du moins n'a tenté de le mettre en usage; cependant on y prépare des eaux minérales gazeuses artificielles qui peuvent entrer en comparaison avec les eaux naturelles. M. Fierlinger, médecin de Vienne, est parvenu à saturer l'eau de gaz acide carbonique, par un moyen fort simple et fort économique. Je n'ai point vu son établissement, mais j'ai goûté son eau gazeuse qui mousse, et dans les tems chauds fait sauter le bouchon. Il la prépare de la manière suivante : A l'époque des vendanges, qui se font fort tard en Au

triche, il prend dans les cuves en fermentation l'acide carbonique dont il a besoin; dans les autres saisons il se le procure dans les nombreuses brasseries des faubourgs; il emplit une bouteille de gaz, il la renverse dans un vase plein d'eau pure (Fig. 1); il charge le fond de la bouteille avec un poids qui exerce une assez forte pression. La bouteille est bouchée avec un liége percé dans sa longueur (Fig. 2). Un fil le traverse et soutient un petit disque d'étain qui ferme assez exactement le conduit aérien du bouchon. Quand la bouteille est renversée sur le vase d'eau, la pression que l'on exerce tend à faire entrer le liquide qui soulève le disque d'étain comme une soupape. L'eau se sature de gaz et monte dans la bouteille. Quand elle est pleine, on tire le fil pour fermer l'orifice du bouchon, et plongeant la bouteille dans un autre vase rempli de gaz acide carbonique, on la bouche à la manière ordinaire. M. Fierlinger prépare, dit-on, vingt-cinq à trente mille bouteilles par an d'eau gazeuse par cette méthode; il travaille dans un lieu très-froid. Pour fabriquer autant d'eau minérale artificielle, il emploie des cuves hydro-pneumatiques d'une assez grande dimension et dans lesquelles il range beaucoup de bouteilles (Fig. 3). Un chimiste de Vienne, qui a analysé l'eau du D. Fierlinger, m'a assuré qu'elle contenait en gaz un peu plus que son volume, Cette proportion doit paraître extraordinaire, car la pression qu'il exerce n'est pas très-forte, et la température de son appareil, quoique basse, ne peut avoir une grande influence sur la saturation; mais il est facile de décider la question et de répéter une expérience aussi peu dispendieuse.

Il faut convenir que ce procédé ne fournira jamais des eaux gazeuses comparables à celles de Paul, qui contiennent jusqu'à trois fois leur volume d'acide carbonique : on peut objecter aussi que le gaz retiré des cuves en fermentation tient en suspension un peu d'alcohol, mais en si petite quantité que sa présence dans l'eau gazeuse ne peut

être sensible et ne saurait devenir nuisible. Ce ne serait pas une raison suffisante pour rejeter un procédé aussi simple et aussi commode que celui du D. Fierlinger.

OBSERVATIONS

Sur la préparation en grand du carbonate sursaturé d'ammoniaque (alcali volatil concret); par M. GESSARD, pharmacien;

EXTRAIT PAR M. PLANCHE.

M. Gessard prépare depuis quelques années, dans son établissement à Saint-Denis, plusieurs médicamens trèsimportans, tels que l'acétate de potasse, l'émétique, le carbonate d'ammoniaque, etc. L'appareil ingénieux dont il se sert pour fabriquer et sur-tout pour purifier ce dernier sel, l'a mis à même de soutenir la concurrence, soit pour le prix, soit pour la pureté du produit, avec les fabriques anglaises, les seules qui aient été pendant long-tems en possession de nous fournir l'alcali volatil concret en masses un peu considérables. Le procédé de M. Gessard ne diffère de celui indiqué par la plupart des auteurs que par la disposition de l'appareil et sa capacité. Il divise l'opération en deux époques, la fabrication du sel et sa rectification.

[ocr errors]

Dans une cornue de grès dont la capacité est de dixhuit à vingt litres, l'auteur introduit un mélange de huit kilogrammes de muriate d'ammoniaque très-pur, et de dix kilogrammes de carbonate de chaux desséché. La cornue étant placée dans un fourneau de réverbère, on y adapte un récipient de plomb dont la capacité est de quatre-vingt-dix à cent litres. Ce récipient est placé dans une vaste cuve (1), et y est solidement fixé par

(1) Voyez la figure.

une forte traverse de bois à la partie supérieure du récipient; et, vers l'extrémité la plus éloignée du fourneau, on a soudé un tube de plomb qui a la forme d'un entonnoir renversé. La longueur de cette tubulure est de deux décimètres; son diamètre vers sa base est de douze centimètres et de trois centimètres à la partie supérieure. Cette extrémité est fermée par un simple bouchon de liége, qu'on a la précaution d'ôter toutes les fois que la pression causée par le dégagement du gaz est trop considérable. La cuve dans laquelle est placé le récipient sert de réfrigérant: on l'emplit d'eau très-froide, que l'on entretient constamment dans le même état de fraîcheur à l'aide d'un assez fort filet d'eau qui, étant dirigé par un conduit de métal au fond de la cuve, en déplace continuellement l'eau des couches supérieures, à laquelle on donne issue par un trop plein.

On commence à chauffer l'appareil vers les sept heures du matin par un feu très-doux, que l'on augmente insensiblement jusque vers quatre heures du soir; alors, le fond de la cornue étant rouge de feu, on peut sans crainte augmenter l'intensité de la chaleur en plaçant un tuyau de poêle à la partie supérieure du fourneau. On entretient le feu dans cet état jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de dégagement de gaz, et que l'alonge de plomb qui unit la cornue au récipient soit refroidie. L'opération est ordinairement terminée en douze ou treize heures, suivant que le feu a été plus ou moins bien soutenu.

Le lendemain on enlève la cornue qui a servi, et on la remplace par un pareil mélange. On ouvre le récipient chargé du produit de la décomposition des trente-deux kilogrammes de muriate d'ammoniaque. Le carbonate ammoniacal qu'il contient n'est pas parfaitement blanc; il est sali par des fuliginosités qui s'élèvent vers la fin de la distillation, et dont la production est due à une matière ex-tractive animale que contient toujours le carbonate de

« PreviousContinue »