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Guinée, une longue et pénible expédition dont le succès assura au commerce français de nouveaux avantages.

En 1842, la souveraineté de la rivière de Grand-Bassam et des pays limitrophes fut assurée à la France par des traités que M. Bouet-Villaumez, alors gouverneur du Sénégal, passa avec les indigènes. Un établissement fut aussitôt élevé à l'embouchure pour marquer la souveraineté française et pour protéger les factoreries que des négociants de Marseille s'empressèrent d'établir au nouveau comptoir.

Dès cette époque, le Grand-Bassam fut pour nous le centre d'un commerce considérable qui augmenta de jour en jour. Mais on ignorait encore l'importance du lac Ebrié, grande déviation de la rivière, qui s'étend sur une longueur de quarante lieues parallèlement à la mer, dont la sépare seulement une étroite langue de terre habitée par la nation des Jack-Jack.

Les rives de ce lac, magnifique nappe d'eau parsemée d'îles basses, sont couvertes de la plus riche végétation. D'innombrables villages sont cachés dans l'épaisseur des forêts environnantes, et des cultures d'une richesse inouïe revêtent les collines. Les habitants de ce pays paraissent avoir sur les autres noirs de la côte d'Afrique une certaine supériorité d'intelligence et d'esprit sociable. Leur religion n'est, au reste, que le plus grossier fétichisme. Le poison est pour eux le grand moyen de gouvernement, et ils sont anthropophages.

Les pays qui s'étendent au nord du lac produisent beaucoup d'huile de palme, que les habitants échangent avec les Anglais, mouillés le long de la côte, par l'intermédiaire des Jack-Jack. L'importance de ce commerce, dit M. Faidherbe, est au moins de trois millions par an.

Lorsque les Français eurent reconnu l'importance du lac Ebrié, ils y installèrent quelques bateaux à vapeur, pensant que le droit exclusif de navigation leur assurerait tout le commerce de ce pays; mais les Jack-Jack, comprenant tout ce qu'ils avaient à perdre comme intermédiaires à ce que les échanges se traitassent directement entre nous et les producteurs d'huile, excitèrent si bien toutes les tribus contre la France que, dans les derniers mois de 1852, ces populations cessèrent tout commerce

avec les Français; bien plus, des embarcations furent pillées, des assassinats commis sur des traitants isolés, et des noirs poussèrent l'audace jusqu'à venir, aux environs du poste, massacrer des ouvriers yolofs qui travaillaient aux fours à chaux du génie. Ils eussent même osé attaquer le poste, dont la garnison avait été cruellement atteinte par la fièvre jaune, sans l'énergie du commandant, M. des Pallières.

Le village du Grand-Bassam vint à se déclarer lui-même contre nous; le poste se trouvait bloqué, le commerce anéanti. Il fallut agir vigoureusement. M. le capitaine de vaisseau Baudin, commandant de la station des côtes occidentales d'Afrique, reçut de pleins pouvoirs, et M. le ministre de la marine mit à sa disposition toutes les forces de la colonie, en l'absence du gouverneur, alors appelé à Paris.

Une colonne expéditionnaire, composée de troupes de la marine et des marins de la division, fut organisée par l'officier expérimenté qui déploya jadis tant de bravoure et d'habileté dans le gouvernement du Sénégal. Le 8 septembre, la division portant les troupes de débarquement se trouvait réunie devant le Grand-Bassam. Elle se composait de la frégate à vapeur l'Eldorado, portant le guidon de commandement, du brick de 20 canons le Palinure, du brick-aviso le Messager, des avisos à vapeur le Crocodile, le Tonnerre, le Marabout, le Grand-Bassam, le Guet N'dar, du brick-canonnière la Tactique et du transport la Pintade.

La frégate à vapeur l'Orénoque et l'aviso à vapeur l'Anacréon arrivèrent plus tard de France avec des renforts de troupes, mais l'expédition était heureusement terminée.

Les seuls avisos à vapeur le Grand-Bassam, le Marabout et le Guet N'dar pouvant entrer dans la rivière et naviguer dans le lac, la flottille intérieure du commerce fut mise en réquisition pour les transports, et le 11 septembre, la barre de l'embouchure étant praticable, on procéda au débarquement des troupes, des vivres, des munitions et des matériaux destinés à la construction d'un nouvel établissement dans l'Ébrié, établissement au moyen duquel on espérait annuler l'influence des Jack-Jack, et établir des relations directes avec les producteurs d'huile de palme.

La population dont on avait le plus à se plaindre était celle de l'État d'Abata, la plus puissante et la plus guerrière du pays. Le 13, la flottille se rendit devant la presqu'île d'Abata et, le lendemain au matin, on opéra le débarquement de vive force, au village d'Eboué, au fond d'une baie entourée de collines.

Les navires de la flottille, embossés devant le village, com. mencèrent à tirer à obus et à mitraille sur les bois épais au milieu desquels on apercevait à peine le débarcadère et les premières maisons. Puis, au signal de: Cessez le feu, toutes les embarcations, parmi lesquelles les deux canots-tambours de l'Eldorado, portant cent hommes chacun, gagnèrent la terre à force de rames. Soldats et marins sautent à terre à l'envie, les premières maisons sont envahies, le pavillon des noirs est abattu, les ennemis embusqués dans les broussailles sont balayés avec un élan irrésistible dix minutes après, le village cst occupé par les troupes françaises. Les bois environnants sont encore infestés de noirs deux lignes de tirailleurs les nettoyent, et les ennemis s'enfuient vers les autres villages. L'artillerie atteint les groupes éloignés; mais, la colonne n'ayant ni campements, ni moyens de transport à l'intérieur, le commandant en chef arrête la poursuite. Le village est détruit, les jardins sont saccagés, et la colonne opère en bon ordre sa retraite et son réembarquement, à peine inquiété par les noirs.

M. Baudin n'avait, dans ce vigoureux coup de main, perdu que deux hommes tués et quatorze blessés, après six heures de combat, au milieu de bois impénétrables, contre un ennemi armé d'énormes fusils à éléphant et protégé par la connaissance des lieux. Quant aux Bushmen (Bushman est le nom que donnent les Anglais au noir de l'intérieur), on sut plus tard qu'ils avouaient treize tués et soixante-deux blessés, parmi lesquels le chef d'Eboué.

L'effet produit par cette énergique affaire et par le blocus extérieur fut immédiat. Dès le 28, tout le lac demandait la paix en se soumettant à toutes les conditions dictées par M. Baudin. Un blockhaus et quelques baraques entourées d'une redoute en terre, avec les bastions en troncs d'arbres, furent immédiatement établis au fond de la baie de Dabou, à vingt-cinq lieues de l'em

bouchure, au centre du commerce de l'huile de palme. Les popu lations du Poton et celles de l'Akba s'empressèrent de faire la paix à l'imitation de celles du lac, et tout faisait espérer qu'une bonne campagne commerciale allait faire oublier quelques mois de discorde et de pertes pour nos factoreries.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE“.

CHAPITRE PREMIER

BELGIQUE. Mariage de S. A. R. le duc de Brabant, réception de l'archidu chesse d'Autriche Marie-Henriette-Anne, discours des présidents du Sénat et de la Chambre des représentants avant et après le mariage; dotation du prince royal. Traité de commerce et convention littéraire avec la France. NÉERLANDE. Rétablissement de la hiérarchie épiscopale par le Saint-Siége, émotion dans le pays, crise ministérielle; dissolution de la seconde Chambre; ouverture de la session nouvelle, adresse de la première Chambre, note conciliatrice du cardinal Antonelli; projet de loi sur la surveillance des cultes, adoption; clôture de la session.

BELGIQUE.

Le mariage du duc de Brabant avec une archiduchesse d'Autriche vint donner à la neutralité du petit royaume belge une attitude plus forte, une considération encore plus grande. Les chambres et le pays applaudirent à cette union pleine d'espérance. Marie-Henriette-Anne d'Autriche fut reçue par les Belges avec une cordialité enthousiaste qui se reflète fidèlement dans les discours suivants prononcés à cette occasion avant et après l'accomplissement du mariage.

(1) L'histoire étrangère occupe, cette année, avant l'histoire de France, une place trop importante pour que nous ayons eu à donner à l'histoire intérieure des divers pays son développement accoutumé. L'Annuaire de 1854, n'ayant pas à retracer les origines de la lutte enropéenne, reprendra dans tous leurs détails les questions intérieures de chaque État, sur lesquelles d'ailleurs l'Appendice

contient des documents nombreux et étendus.

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