Page images
PDF
EPUB

DÉCLARATION

DU CLERGÉ DE FRANCE,

TOUCHANT

LA PUISSANCE ECCLÉSIASTIQUE.

Du 19 Mars 1682.

PLUSIEURS personnes s'efforcent de ruiner les décrets de l'Eglise Gallicane et ses libertés, que nos ancêtres ont soutenus avec tant de zèle, et de renverser leurs fondemens, qui sont appuyés sur les saints Canons et sur la tradition des Pères : d'autres, sous prétexte de les défendre, ont la hardiesse de donner atteinte à la. primauté de saint Pierre et des Pontifes Romains ses successeurs, instituée par JÉSUS-CHRIST; d'empêcher qu'on ne leur rende l'obéissance que tout le monde leur doit, et de diminuer la majesté du Saint

*Dressée par M. Bénigne Bossuet, évêque de Meaux.

Siége apostolique, qui est respectable à toutes les nations où l'on enseigne la vraie foi de l'Eglise, et qui conservent son unité. Les hérétiques, de leur côté, mettent tout en œuvre pour faire paroître cette puissance, qui maintient la paix de l'Eglise, insupportable aux rois et aux peuples; et ils se servent de cet artifice, afin de séparer les ames simples de la communion de l'Eglise. Voulant donc remédier à ces inconvéniens, nous Archevêques et Evêques assemblés à Paris, par ordre du Roi, avec les autres Ecclésiastiques députés, qui représentons l'Eglise Gallicane, avons jugé convenable, après une mûre délibération, de faire les règlemens et la déclaration qui suivent:

I.

QUE saint Pierre et ses successeurs Vicaires de JÉSUS-CHRIST, et que toute l'Eglise même n'ont reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles, et qui concernent le salut, et non point sur

les choses temporelles et civiles; JésusCHRIST nous apprenant lui-même : Que son royaume n'est point de ce monde ; et en autre endroit : Qu'il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, et qu'ainsi ce précepte de l'apôtre saint Paul, ne peut en rien être altéré ou ébranlé: Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures; car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c'est lui qui ordonne celles qui sont sur la terre. Celui donc qui s'oppose aux puissances, résiste à l'ordre de Dieu. Nous déclarons en conséquence, que les Rois et les Souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l'ordre de Dieu, dans les choses temporelles; qu'ils ne peuvent être déposés directement ni indirectement, par l'autorité des clés de l'Eglise ; que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l'obéissance qu'ils leurs doivent, ou absous du serment de fidélité; et que cette doctrine,

nécessaire pour la tranquillité publique, et non moins avantageuse à l'Eglise qu'à l'Etat, doit être inviolablement suivie, comme conforme à la parole de Dieu, à la tradition des saints Pères, et aux exemples des Saints.

II.

le

QUE la plénitude de puissance que Saint-Siége apostolique et les successeurs de saint Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle, que néanmoins les décrets du saint Concile œcuménique de Constance, contenus dans les sessions IV et V, approuvés par le Saint-Siége apostolique, confirmés par la pratique de toute l'Eglise et des Pontifes Romains, et observés religieusement dans tous les tems par l'Eglise Gallicane, demeurent dans leur force et vertu; et que l'Eglise de France n'approuve pas l'opinion de ceux qui donnent atteinte à ces décrets, ou qui les affoiblissent en disant que leur autorité n'est pas bien éta

blie; qu'ils ne sont point approuvés, où qu'ils ne regardent que le tems du schisme.

III.

QU'AINSI il faut régler l'usage de la puissance apostolique, en suivant les canons faits par l'Esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume et dans l'Eglise Gallicane, doivent avoir leur force et vertu, et les usages de nos pères demeurer inébranlables; qu'il est même de la grandeur du Saint-Siége apostolique, que les lois et coutumes établies du consentement de ce Siége respectable et des Eglises, subsistent invariablement.

IV.

QUE quoique le Pape ait la principale part dans les questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les Eglises, et chaque Eglise en particulier, son jugement n'est pourtant pas irréformable, à

[ocr errors]
« PreviousContinue »