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en 1658, au moment de l'élection à l'empire de Léopold I. Lyonne avait toujours fait preuve de la plus grande capacité diplomatique, et Saint-Amant termine le poème de la « Suspension d'armes », en glorifiant les qualités de ce ministre vraiment remarquable, mais un peu trop éclipsé par le génie de Mazarin :

Noble et parfait Lyonne, à qui ma voix s'adresse,
Homme dont la vertu, la prudence et l'adresse
T'ont rendu si fameux, t'ont élevé si haut
Auprès de ce soleil sans tache et sans défaut;
Toi, dis-je, qui, montant au grave ministère,
En possédais l'honneur avant le caractère,
Et fis voir aussitôt, par la comparaison,
Qu'au choix de ton mérite éclatait la raison;
Enfin toi que j'honore et que depuis cinq lustres
On a vu réussir en tant d'emplois illustres,
Tantôt aux bords sacrés du grand fleuve romain
Où vit son premier jour cet homme plus qu'humain ;
Tantôt sur les sablons du riche Mancanare,
Que doit quitter la Nymphe et si belle et si rare;
Et tantôt près du cours où le Main renommé
De l'empire allemand le chef a proclamé ;
S'il te souvient encor, si j'ose encor te dire
Qu'autrefois tu te plus aux hauts sons de ma lyre,
Si tu ressens toujours quelque amitié pour moi,
Si par de beaux motifs tu m'en gardes la foi;
Daigne approuver ces vers de ma muse chenue,
Mais qui de quelque ardeur est encor soutenue,
Ces vers, dis-je, formés sur la Suspension,

Sans songer que le mot en rime à pension.

Etait-ce réellement le besoin qui engageait le poète à écrire ce mot pension? On ne le pense pas. L'épître à Marolles, le ton de la « Seine extravagante » et celui de la « Suspension d'armes » ne donnent pas l'impression d'une personne dans la gêne et portent plutôt à croire qu'en cette circonstance, Saint-Amant imitait Scarron et beaucoup d'autres beaux esprits dont une des occupations favorites était de chercher des rimes à pension. Il n'y a certainement pas dans ce dernier poème de Saint-Amant la verve et l'entrain des œuvres de sa jeunesse, mais cependant étant donné ses soixante-six ans, la versification en est élégante et facile.

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« La Suspension d'armes » parut à Paris en 1660, en vertu du privilège que Saint-Amant avait obtenu en 1653 de publier ses différentes œuvres, la date de « l'achever d'imprimer » n'est pas mentionnée. Après cette publication, on reste sans aucun document sur son existence jusqu'à sa mort arrivée le 29 décembre 1660 ou 1661, sans qu'il soit possible pour le moment de préciser l'année. La date de 1660 est portée par le grand dictionnaire de Moreri, édition de 1735, par le dictionnaire de Bayle, par l'histoire de l'Académie Française de Pellisson, continuée par l'abbé d'Olivet, par une nole de l'édition de Boileau donnée en 1747 par Saint-Marc, enfin par la plupart des dictionnaires biographiques. Ce qui tendrait à la faire considérer comme exacte, c'est qu'il est généralement admis que l'abbé Cassagne, successeur de Saint-Amant au vingt-quatrième fauteuil, entra à l'Académie en 1661 et prononça cette année-là la harangue d'usage. Or il serait matériellement impossible si Saint-Amant n'était mort que le 29 décembre 1661, que son successeur ait pu être élu avant 1662. Les registres de l'Académie et les Procès-verbaux abrégés de ses séances pourraient seuls trancher la question, malbeureusement d'après les renseignements qu'a bien voulu donner M. Pingard, Secrétaire de l'Institut, il n'existe plus de documents antérieurs à 1672.

La date de 1661 parait résulter de deux documents dont on ne saurait nier l'importance. C'est d'abord une note curieuse extraite d'un journal de Colletet le fils, rapportée par M. Ch. Livet, d'après une communication du savant M. Rathery de la bibliothèque du Louvre : « Le jeudi 29 me décembre 1661, jour de Saint-Thomas de Cantorbéry, mourut chez Monsieur Monglas, son ancien hôte, qui était décédé huit jours avant, le sieur de Saint-Amant âgé de soixante-quatorze ou soixante-quinze ans, après une maladie de deux jours. Il reçut les sacrements et mourut un peu devant midi. Monsieur l'abbé de Villeloin l'assista en ce dernier moment et lui rendit ce dernier devoir. Il est inhumé à........ (Incomplet),

Les vers suivants de la gazette de Loret, lettre du vendredi 30 décembre 1661, ne sont pas moins explicites:

Cet esprit qui de bonne grâce
Courtisait les sœurs du Parnasse,
Cet illustre et fameux Normand,

Ce bon Monsieur de Saint-Amant,
Dont la muse gaillarde et belle
A rendu sa gloire immortelle,
Passa l'autre jour par les mains
De Clothon, l'horreur des humains;
Sa muse était d'un noble étage,
Ayant fait pour dernier ouvrage,
Sur la naissance du Dauphin
Un poème excellent et fin,
Et de construction charmante,
Intitulé Lune parlante »,

Que l'on vend, je crois, chez Sercy;
Duquel ouvrage jusqu'ici,

On m'a dit que la renommée

N'est pas encor beaucoup semée,
Mais qui doit bien plaire au Lecteur
Puisqu'il vient de ce rare auteur.
C'est donc une place vacante
Parmi cette troupe savante,
Dont le jugement aujourd'hui,
Décide des œuvres d'autrui,
Et travaille avecques courage
A corriger notre langage.
Après son lugubre tiépas,

On ne désigne encore pas

A quel homme de grand mérite

On garde la place susdite,

Mais je jugerais bien par ma fui,

Que ça ne sera pas pour moi.

Le fait qui pourrait diminuer le degré de confiance que doivent inspirer les vers de Loret, c'est le passage relatif à la « Lune parlante», racontar qu'absolument rien ne vient corroborer et dont il a été fait justice.

Il est également difficile de concilier la note de Colletet et la Gazette de Loret. Si Saint-Amant est mort le Jeudi 29 décembre 1661, il est impossible que son décès ait été annoncé avec les termes suivants : « Passa l'autre jour par les mains », dans une feuille qui paraissait le 30 décembre, ou plutôt sous la date du 30 décembre, c'est-à-dire imprimée sinon écrite au moins la veille ou l'avant-veille.

Au fond, on ne saurait s'étonner que la disparition de Saint-Amant

déjà vieux et presque complètement retiré du monde, soit passée inaperçue, quand on songe à l'oubli dans lequel était tombé au moment de sa mort en 1684, le grand Corneille lui-même.

Ceux qui ont bien voulu lire les pièces qui viennent d'être étudiées dans ces chapitres, sont en état de se prononcer en connaissance de cause sur la valeur comme poète de Marc-Antoine de Gérard de SaintAmant; quant à son caractère, on peut accepter sans crainte l'appréciation qu'il en donne lui-même dans son Epitre dédicatoire à la princesse Palatine en 1658, lorsqu'il était arrivé à un âge, soixante-quatre ans, où l'on ne songe plus à feindre: « Ce n'est point, Madame, dit-il, par la bouche de l'intérêt que je parle; ce n'est point mon faible, Dieu merci, et j'oserai dire avec une honorable fierté soutenue d'un aussi honorable dédain, que ceux qui me connaissent jusqu'au fond du cœur me tiennent assez généreux et assez détaché de la fortune pour n'avoir jamais offert l'encens à son idole, pour ne lui avoir jamais lâchement sacrifié mes soins et mes peines, et enfin pour n'en avoir jamais voulu faire le moindre de mes désirs. Non, non, Madame, ce n'est point l'amour des richesses qui me touche, elles n'ont point d'appas pour mes yeux, c'est la seule gloire qui m'attire et la seule vertu qui me prend ».

Et cette gloire, la postérité l'accordera-t-elle à Saint-Amant en dépit des critiques inexactes et malveillantes de Boileau qui pèsent depuis deux siècles sur la mémoire de ce poète?

Il est si difficile de détruire les légendes qu'on n'ose se prononcer.

FIN.

INDEX ALPHABETIQUE

DE

TOUS LES NOMS PROPRES/CITÉS DANS CET OUVRAGE.

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Lord Adington, Chapitre 23.
Le sieur Albiran. 20.
Jeanne d'Albret. 17.
Mathias d'Albuquerque. 47.
Alexandre VII. 24.

Alexandre le Grand. 13. 16. 17.
Amurat 1V, l'Intrépide. 15.
Andronic II Paléologue. 22.
Le duc d'Angoulême. 5. 13.
Charles d'Anjou. 22.
François d'Anjou. 1.

Jean d'Annebaut. 1.

Catherine d'Aragon. 46.
Aristophane. 6.

Aristote. 23. 24.

Arnauld d'Andilly. 2.

Le comte d'Arpajon. 1. 14. 12.
Coypeau d'Assoucy. 23.
Antoine Aubéry. 45.

L'abbé d'Aubignac. 24.

Agrippa d'Aubigné. 19.

Georges d'Aubusson. 17.
Pierre d'Aubusson. 17.
Henri d'Audiguier. 14.
L'empereur Auguste. 22.
Ausone. 24.

Albert d'Autriche. 4.

Anne d'Autriche. 5. 8. 10. 13. 16.

18. 19. 20. 21. 23. 24. 25.

Elisabeth d'Autriche. 4. 2.
Léopold d'Autriche. 20. 21.
Jean d'zémar. 5. 12. 23.
Pierre d'Azémar. 4. 5. 12. 23.
Thibault d'Azémar. 5.

B.

Etienne Bachot. 2.
François Bacon. 16.

Guez de Balzac. 8. 11.
Gustave Bannier. 15.
Le sieur Earbin. 20.
Pierre Bardin. 4. 44.
Balthasar Baro. 16. 47.

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