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UN ACADÉMICIEN DU XVIIEME SIÈCLE

SAINT-AMANT

Rom Fang.

Wanthon 3-11-37 33636

Le hasard seul m'a amené à écrire les pages suivantes. Il y a près de dix ans, fouillant un jour dans un tas de vieux livres épars sur le sol de la place publique de Montauban, un petit volume, couvert d'un parchemin jauni et racorni par le temps, me tomba sous la main. C'était : « Les Euvres du sicur de Saint-Amant, augmentées de nouveau, 1613. » Comme bien d'autres sûrement, je tenais alors ce poète pour un rimeur ridicule, un être famélique et je ne me félicitai guère de ma trouvaille.

Quelles furent ma surprise et ma satisfaction, lo. sque le soir, je lus l'Ode au Soleil levant, la Nuit, la Pluie, le Contemplateur, la Solitude. Voulant mieux connaître cette « victime de Boileau » je ne tardai pas à m'apercevoir que son existence était mêlée de près ou de loin à tous les événements importants qui se sont accomplis dans une des périodes les plus agitécs de notre histoire, le règne de Louis XIII et la régence d'Anne d'Autriche.

Prenant alors Saint-Amant comme point central d'une étude qui m'a entraîné à bien des recherches, j'ai vu défiler sous mes yeux les plus grands personnages de ce temps, et j'ai essayé de reconstituer une époque. « D'autres l'ont fait avant vous » me

dira-t-on avec La Bruyère. C'est possible, mais peut-être l'ai-je tenté d'une manière différente; ce sera là mon seul mérite, si mérite il y a.

L'année dernière, pour être agréable à un ami, je publiai quatre chapitres extraits de ce travail, où je suivais Saint-Amant dans les guerres d'Italie et l'expédition maritime de la reprise des îles de Lérins. Cette petite brochure me valut des encouragements précieux et la bonne fortune de me mettre en relation avec M. F. Lachèvre, qui s'intéresse particulièrement aux poètes du XVIIème siècle. Ayant dans sa bibliothèque du Vésinet, les éditions originales des Euvres de Saint-Amant, il fut assez aimable pour me communiquer certaines pièces qui ne figurent pas dans l'édition donnée en 1855 par M. Ch. Livet. A la suite d'une correspondance qui m'a été des plus utiles, sans compter les renseignements précieux qu'elle m'a apportés, M. Lachèvre a bien voulu me prêter pour la révision de cet ouvrage, un concours dont je ne saurais trop le remercier. De plus il m'a promis sa collaboration pour une nouvelle édition des Euvres « choisies» de Saint-Amant qui paraîtra prochainement.

Montauban, Septembre 1897,

CHAPITRE I

Enfance et Jeunesse de Saint-Amant 1594-1616.

C'est par l'étude de ses œuvres et des événements importants auxquels il s'est trouvé mêlé, bien plus que par les documents qui en restent, que l'on arrive à reconstituer l'existence si originale, si mouvementée, si pleine d'intérêt, de Marc-Antoine de Gérard, sieur de Saint-Amant, Ecuyer du roi, Gentilhomme ordinaire de la Reine de Pologne, l'un des membres fondateurs de l'Académie française, vaillant soldat, intrépide marin, voyageur infatigable dans l'un et l'autre hémisphère, qui parlait l'anglais, l'italien, l'espagnol, l'allemand aussi facilement que sa langue maternelle, musicien, enfin poète remarquable et qui mériterait d'être mieux connu.

Sa vie a été une véritable Odyssée, dont les diverses phasès ne se retrouvent que dans ses poésies. Elles nous transportent tour à tour de la cour de Louis XIII à celle de Philippe IV à Madrid, de Charles I à Londres et à Oxford, du pape Urbain VIII à Rome, de MarieLouise de Gonzague, reine de Pologne, à Varsovie et de Christine de Suède à Stockholm. A Paris, Saint-Amant vécut dans l'intimité des plus illustres familles : des Retz, des Liancourt, des Longueville, des d'Arpajon, des Mortemart, des Séguier; il fut un assidu de l'hôtel de Rambouillet et un des familiers de Gaston, duc d'Orléans, ce qui ne l'empêcha pas de s'oublier trop souvent dans les cabarets de la capitale et d'être considéré comme un de ses principaux chefs par la Société des Joyeux vivants, qui s'appelaient eux-mêmes les Goinfres

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