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Mais, dès 1842, elle a admis que, toutes les fois qu'une occupation de terrain avait été irrégulièrement consommée, il appartenait à l'autorité judiciaire de statuer sur les dommages-intérêts auxquels ce fait anormal pouvait donner lieu'.

C'est d'ailleurs au tribunal civil et non au jury qu'il appartient de fixer l'indemnité, alors même que la dépossession serait maintenue. La Cour de cassation a reconnu que la compétence du jury était limitée au cas d'accomplissement de toutes les formalités de la loi de 1841'.

De plus, à partir de 1855, le Conseil d'État a reconnu, par plusieurs décisions formelles, que l'autorité judiciaire pouvait, en outre, ordonner la discontinuation des travaux qui auraient été entrepris irrégulièrement, en vertu des ordres de l'administration3. Le tribunal des conflits a statué dans le même sens*.

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Le seul droit que le Conseil d'État ait persisté à ne pas reconnaître à l'autorité judiciaire, c'est celui d'ordonner la destruction des travaux ordonnés par l'administration". Assurément, on peut dire que le respect dû au droit de priété exigerait, à la rigueur, que les travaux exécutés sur un terrain dont le propriétaire a été indùment dépossédé, sans une indemnité préalable, réglée dans les conditions de la loi de 1841, fussent détruits, de façon que les lieux pus

Ordonnances sur conflit des 29 et 5 septembre 1842, 4 juillet et 15 décembre 1845, déjà citées. Décret sur conflit, 25 mars 1852 (Mathieu).

Arr. cassation, 2 mai 1860 (chemin de fer de la Méditerranée), bre 1883 (Gelee). Dalloz, 1861, I, p. 79,

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1885, I, p. 175.

5 Décrets sur conflit du 7 juillet 1853 (Robin),

19 décem

du 15 décembre 1858 Sellenel,

du 15 avril 1865 (commune d'Allauch c. Gerbe).
* Décision du 12 mai 1877 (veuve Dodun c. l'État).

5 Décision du tribunal des conflits, 29 avril 1850 (de Brouquens). Décrets sur conflit du 29 mars 1852 (Mathieu), — du 15 mai 1858 (chemin de fer du Midi, du 30 décembre 1858 (de Novillars), — du 27 mai 1865 (Ducruet), du 7 décembre 1867 (Danide).

sent être remis dans l'état primitif. Mais, comme l'administration les rétablirait presque aussitôt, à la suite d'une expropriation régulière, cette application judaïque de la lei n'aboutirait qu'à imposer au Trésor public un sacrifice inutile. Aussi la Cour de cassation s'est-elle ralliée à cette doctrine et le tribunal des conflits l'a consacrée1.

Il nous semble que la jurisprudence, qui attribue à l'autorité judiciaire le pouvoir d'ordonner la discontinuation immédiate des travaux, de fixer l'indemnité due au propriétaire pour la dépossession de son terrain et même d'y ajouter des dommages-intérêts à raison de l'irrégularité des actes de l'administration, donne à la propriété privée toutes les garanties nécessaires.

Enfin, si les travaux n'avaient pas été autorisés ou ne l'avaient pas été dans les conditions prévues par la loi, l'autorité judiciaire aurait le droit d'en ordonner la destruction. C'est ce que le tribunal des conflits a décidé à l'occasion des travaux de lignes télégraphiques'.

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Tribunal des conflits, 12 mai 1877 (reuve Dodun c. l'État). Voir aussi Arr. cassation, 11 août 1856 (Charlet), 8 novembre 1864 ville de Crest), 21 juillet 1874 (chemin de fer du Midi), - 15 mars 1881 (commune de Vaison). Dalloz, 1856, I, p. 361, 1865, I, p. 62, — 1875, I, p. 184, I, p. 355.

--

Tribunal des conflits, 19 décembre 1884 (Neveux).

- 1881,

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867. Distinction des bénéfices directs et des bénéfices indirects.

868. Notions historiques sur la législation relatives aux bénéfices directs.

869. Théorie générale de la législation actuelle.

taires. Action de l'autorité administrative.

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870. Des associations syndicales. - Leur origine.

871. Leur constitution avant la loi du 21 juin 1865.

d'associations.

Initiative des propri

Diverses espèces

872. Des associations formées sans le concours de l'administration.

873. Des associations forcées ou volontaires organisées par l'administration. 874. Autorités qui instituaient ces associations syndicales.

875. Organisation des syndicats.

876. Objet de la loi du 21 juin 1865.

Leurs rapports avec l'administration.
Division du sujet.

867. Les travaux publics, qui ne peuvent guère s'exécuter sans causer des préjudices à un certain nombre de propriétaires, apportent avec eux des bénéfices. Ils en apportent d'abord à l'ensemble des habitants du pays. Tout le monde connaît aujourd'hui les progrès de l'industrie, du commerce, de la valeur des terres, qui sont dus à la facilité des transports.

Mais, de plus, certaines propriétés profitent plus spécialement des travaux d'utilité publique. Et, ici, il faut distinguer les bénéfices directs des bénéfices indirects.

Il y a des travaux exécutés exclusivement en vue de procurer des avantages à une série de propriétés, par exemple,

-

les travaux de défense contre la mer, les fleuves, — les travaux de curage des cours d'eau, les travaux de desséchement des marais. Voilà des bénéfices directs dont il est diffile propriétaire recueille les fruits sans contribuer aux frais des travaux.

cile

que

Il y a d'autres travaux qui ont un but d'utilité générale, mais qui n'en profitent pas moins d'une manière plus spéciale à telle propriété qu'à telle autre; par exemple, des maisons qui étaient riveraines d'une rue étroite se trouvent, par suite de la démolition de l'autre côté de la rue, situées sur une large rue ou sur une place ornée d'un jardin. Elles en retirent une grande augmentation de valeur. Il est vrai que ce n'est pas pour ces maisons que ce travail a été fait, mais elles en profitent plus que d'autres. Voilà un bénéfice indirect. Le propriétaire qui recueille ainsi un bénéfice indirect sera-t-il tenu de payer à l'administration une contribution à raison de cet avantage ? C'est une question que nous posons ici, que nous aurons à résoudre plus tard.

Étudions d'abord les règles relatives aux bénéfices ou plus-values directes.

Nous avons à nous demander tout d'abord dans quelle mesure l'administration peut intervenir, soit pour procurer des avantages aux propriétaires par des travaux dont elle leur réclamerait le prix en totalité ou en partie, soit pour autoriser les intéressés à faire, sous sa surveillance ou avec son concours, certains travaux, en mettant à leur disposition les moyens spéciaux et rapides d'action dont elle dispose.

868. La législation a sensiblement varié sur ce point. Elle ne date pas d'aujourd'hui seulement. La nature des choses a conduit forcément le législateur à s'occuper de poser

des règles en cette matière, ou bien a conduit les intéressés à se poser eux-mêmes des règles quand le législateur n'intervenait pas. Mais les graves lacunes qui subsistaient dans la législation d'avant 1789 n'avaient été qu'imparfaitement comblées par les lois intervenues depuis la Révolution, et c'est seulement la loi du 21 juin 1865 qui permet enfin d'établir les bases d'une théorie législative complète sur les bénéfices directs apportés aux propriétés par l'exécution de travaux d'utilité collective.

La législation moderne sur les bénéfices directs apportés aux propriétés privées par des travaux d'utilité collective a, pendant longtemps, consisté à peu près exclusivement dans la loi du 14 floréal an XI et dans celle du 16 septembre 1807'.

La loi du 14 floréal an XI est relative au curage des cours d'eau non navigables ni flottables, et à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y correspondent.

La loi du 16 septembre 1807 porte le titre de loi sur le desséchement des marais; mais bien qu'il ne soit pas exact de la qualifier, comme on l'a fait quelquefois, code des travaux publics, elle touche à beaucoup d'autres matières que le desséchement. On aurait pu dire assez justement qu'elle constituait le code des règles relatives aux bénéfices et aux dommages résultant de l'exécution des travaux publics. Nous avons déjà signalé un certain nombre de dispositions de cette loi relatives aux dommages causés par les travaux publics. Mais le plus grand nombre des articles de la loi comprend

Il y a lieu toutefois de mentionner une loi du 4 pluviòse an VI, relative à l'entretien des marais desséchés, et un décret du 4 thermidor an XIII, relatif à la construction et à l'entretien des digues dans le département des Hautes-Alpes. rendu applicable an département des Basses-Alpes par un décret du 16 septembre 1806.

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