Page images
PDF
EPUB

une expédition en est transmise à l'administration des domaines.

817. Il nous reste à signaler le mode de procéder spécial au cas d'urgence, qui est réglé par les articles 65 à 75 de la loi de 1841. Ce n'est pas sans difficulté qu'il a été introduit dans cette loi. Il avait déjà été organisé par la loi du 30 mars 1831 pour les travaux des fortifications; mais on ne l'avait pas étendu en 1835 aux travaux civils. Le gouvernement faisait remarquer que la procédure habituellement suivie dure environ soixante jours; qu'il pouvait être désirable, nécessaire dans certaines occasions, de hâter la prise de possession des terrains1. Il avait proposé un système trèsrapide, mais qui n'a pas paru donner assez de garanties; quand il a consenti à donner plus de garanties, par exemple, en substituant une décision du chef de l'État à une décision du préfet, on lui a reproché de ne pas rendre la procédure aussi rapide que cela pouvait être nécessaire.

Voici, en quelques mots, le système qui a fini par être adopté. C'est seulement après le jugement d'expropriation que commencent l'abréviation des délais et la simplification des formalités. L'urgence est déclarée spécialement par un décret du chef de l'État qui peut intervenir à toute époque, mais dont on ne peut user qu'autant que le jugement a été rendu. Il est de plus à remarquer que la déclaration d'urgence ne peut s'appliquer qu'aux terrains non bâtis (art. 65).

Les propriétaires et les détenteurs des terrains reçoivent notification de l'acte qui déclare l'urgence et du jugement. Ils sont assignés devant le tribunal civil pour discuter l'offre

1 Voir les observations présentées par M. Legrand, à la Chambre des pairs, le 24 avril 1841 (Moniteur du 25 avril, p. 1108).

que leur fait l'administration (art. 66). Le tribunal fixe une indemnité provisoire qui doit être déposée à la caisse des consignations (art. 68). La consignation doit comprendre, outre le principal, la somme nécessaire pour assurer, pen dant deux ans, le payement des intérêts à 5 p. 100 (art. 69). Sur le vu du procès-verbal de consignation, le président ordonne la prise de possession (art. 70).

Puis l'indemnité définitive est fixée par le jury dans les formes déjà indiquées (art. 75).

818. Nous avons maintenant à étudier les règles spéciales qui ont été établies pour certains travaux exécutés soit pour l'État, soit pour les départements, les communes et les autres personnes morales dont les travaux sont considérés comme des travaux publics.

D'abord il y a des dispositions spéciales pour des travaux de l'État les travaux militaires et ceux de la marine nationale. La loi du 30 mars 1831 a réglé les formes à suivre pour les expropriations des terrains nécessaires aux travaux des fortifications militaires et même pour les occupations temporaires, en cas d'urgence. La loi du 5 mai 1841, dans ses articles 75 et 76, a modifié les dispositions de la loi de 1831. Nous avons déjà parlé des occupations temporaires. En ce qui concerne l'expropriation, les lois de 1851 et de 1841 créent pour les travaux militaires et pour ceux de la marine nationale un régime spécial à plusieurs égards.

D'abord les formalités prescrites par les titres I et II de la loi du 3 mai 1841, pour la première et la seconde enquête, ne sont applicables ni aux travaux militaires, ni aux travaux de la marine nationale. C'est un décret qui, dans tous les cas, détermine les terrains qui sont soumis à l'expropriation.

Pour les travaux des fortifications il y a, en outre, d'après la loi de 1831, un régime spécial à trois points de vue : l'avertissement à donner aux propriétaires et autres intéressés de la levée du plan parcellaire par un expert; la fixation par le tribunal civil d'une indemnité provisoire, enfin la mise en possession de l'administration. Mais la loi du 3 mai 1841 dispose (art. 76, § 2) que, dans le cas où les propriétaires ou autres intéressés n'auraient pas accepté les offres de l'administration, le règlement définitif de l'indemnité aura lieu par le jury conformément aux articles 21 à 52 de cette même loi. Elle déclare aussi applicables à ce cas les articles 16 à 20 et 56 à 64.

819. Des règles spéciales ont été établies également pour certains travaux autres que ceux de l'État. Divers articles de la loi du 3 mai 1841 ou de lois postérieures ou antérieures modifient les règles établies pour la déclaration d'utilité publique, pour les enquêtes, pour la constitution du

jury.

[ocr errors]

Et d'abord la déclaration d'utilité publique, en ce qui concerne les travaux des départements et ceux des communes, est toujours, en règle générale, faite par le chef de l'État. La loi du 27 juillet 1870 a laissé subsister, à l'égard de ces travaux, le système établi par l'article 4 du sénatusconsulte du 25 décembre 1852. Il a d'ailleurs été jugé que l'avis préalable du Conseil d'État n'était nécessaire, d'après ce sénatus-consulte, que dans les cas pour lesquels l'article 5 de la loi du 3 mai 1841 exigeait une loi'. D'après un autre arrêt, l'avis de la section de l'intérieur du Conseil d'État, qui est demandé en vertu d'une tradition très

1 Arr. Cons. 27 mars 1865 (de Pommereu), 16 août 1882 (de Legge).

ancienne, n'est pas obligatoire à peine de nullité'.

[ocr errors]

Π a toutefois des exceptions à cette règle en matière de chemins de fer d'intérêt local et de chemins vicinaux.

Pour les chemins de fer d'intérêt local, la loi du 11 juin 1880 a réservé exclusivement au législateur le droit de prononcer la déclaration d'utilité publique.

Pour les travaux d'ouverture et de redressement des chemins vicinaux, la déclaration d'utilité publique n'est pas faite en général par le chef de l'État. Aux termes de l'article 16 de la loi du 21 mai 1836, c'était exclusivement au préfet qu'il appartenait d'autoriser l'exécution des travaux. Les pouvoirs attribués, en ce cas, au préfet par la loi du 21 mai 1836, appartiennent désormais, d'après les articles 44 et 86 de la loi du 10 août 1871, au conseil général du département en ce qui concerne les chemins vicinaux de grande communication ou d'intérêt commun, et à la commission départementale, en ce qui concerne les chemins vicinaux ordinaires. Il y a plus: d'après l'article 15 de la même loi, en cas d'élargissement d'un chemin vicinal, l'arrêté du préfet équivaut non seulement à la déclaration d'uti lité publique, mais même au jugement d'expropriation. Il attribue au chemin vicinal les parcelles riveraines, et le droit des riverains se transforme en droit à indemnité.

Cette exception a été restreinte, dans une certaine mesure, par l'article 2 de la loi spéciale du 8 juin 1864. Le pouvoir attribué par la loi de 1856 au préfet est limité, pour les deux cas, à la dépossession des terrains nus. Quand il y a un bâtiment à exproprier, soit dans l'intérieur des agglomérations communales, soit en dehors de ces aggloméra

↑ Arr. Cons. 25 mars 1881 (Trescazes).

tions, il faut un décret qui déclare l'utilité publique de l'ouverture, de l'élargissement ou du redressement du chemin. Le Conseil d'État a jugé qu'un jardin dépendant d'une habitation et compris dans la même clôture doit être considéré comme partie intégrante d'une propriété bâtie 1.

820. Il existe des règles spéciales pour les enquêtes quand il s'agit de travaux communaux; et ici les travaux des chemins vicinaux y sont compris. On a simplifié la procédure pour ce cas. Les règles à suivre pour la première enquête sont tracées dans une ordonnance royale du 27 août 1835.

Les règles à suivre pour la deuxième enquête sont fixées par l'article 12 de la loi de 1841. Le conseil municipal délibère sur l'enquête: il n'y a pas de commission; mais l'arrêté du préfet, dit arrêté de cessibilité, est pris en conseil de préfecture. C'est une garantie pour les parties.

Une difficulté s'est élevée sur l'application de cet article. Il dispose, dans le dernier alinéa, que le préfet, en conseil de préfecture, et sauf l'approbation de l'administration supérieure, prononcera comme il est dit à l'article 11. On s'est demandé s'il était nécessaire que l'approbation de l'administration supérieure intervînt dans tous les cas. Pendant longtemps, la tradition a été établie en ce sens. Mais on a reconnu que l'approbation de l'autorité supérieure ne devait intervenir que dans les conditions prévues par l'article 11, c'est-à-dire si le conseil municipal était d'avis de modifier le plan adopté par le préfet ou par l'autorité supérieure'.

1 Arr. Cons. 31 mars 1882 (Chastenet).

Circulaire du ministre de l'Intérieur en date du 11 janvier 1869, conforme à un avis du Conseil d'État.

« PreviousContinue »