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droit, il ne doit pas la trancher; il ne doit pas non plus surseoir à statuer jusqu'à ce qu'elle soit tranchée par l'autorité compétente, ainsi que cela est de principe devant toutes les autres juridictions. La nécessité de permettre à l'administration d'arriver, dans un bref délai, à prendre possession des terrains nécessaires pour les travaux publics, a fait établir ici une règle spéciale. Le jury doit fixer les indemnités, indépendamment de ces litiges, et, par exemple, fixer à telle somme l'indemnité pour le cas où tel droit serait reconnu, à telle autre somme pour le cas où le contraire serait jugé (art. 39, § 4, art. 49). Sa décision doit pourvoir à toutes les éventualités.

S

La décision du jury est remise par le président au magistrat directeur (art. 41).

Elle doit être signée des membres qui y ont concouru. Toutefois l'omission de la signature de plusieurs jurés n'entraînerait pas la nullité de la décision si le procès-verbal constatait que tous ceux qui avaient été appelés à siéger ont pris part à la délibération 1.

813. Le magistrat directeur rend la décision exécutoire (art. 41). Il envoie l'administration en possession de l'immeuble, à la charge par elle de verser préalablement le montant de l'indemnité dans les conditions, fixées par les articles 55, 54 et suivants.

Il statue en outre sur les dépens. L'article 40 a posé les bases de la condamnation aux dépens. Les frais du procès sont à la charge des parties, si l'indemnité allouée par le jury ne dépasse pas l'offre de l'administration. Si l'indemnité est égale à la demande des parties, l'administration

Arr. cassation, 26 mars 1879 (de Lauriston). Dalloz, 1879, I, p. 207.

doit, au contraire, supporter les dépens. Enfin, si l'indemnité est à la fois supérieure à l'offre de l'administration et inférieure à la demande des parties, les dépens sont compensés, de façon à être supportés par les parties proportionnellement à la différence qui existe entre leurs prétentions et la décision. Enfin les indemnitaires, qui n'ont pas répondu aux offres de l'administration dans le délai de quinzaine prescrit par l'article 24, sont condamnés aux dépens, quelle que soit l'estimation du jury. C'est une sorte de pénalité qui leur est infligée pour le retard qu'ils ont apporté dans les opérations.

La liquidation des dépens est faite conformément au tarif contenu dans l'ordonnance du 18 septembre 1833'.

814. La décision du jury, relative au chiffre de l'indemnité, est souveraine. Elle ne peut pas être l'objet d'un appel, pas plus que le jugement d'expropriation. Il en est de même de l'ordonnance du magistrat directeur qui rend la décision du jury exécutoire.

La loi n'autorise à attaquer les décisions que par un recours devant la Cour de cassation, qui n'est pas suspensif; encore ce recours ne peut avoir lieu que pour violation de certaines dispositions de la loi expressément indiquées dans l'article 42. Nous reviendrons sur ces dispositions. Il était seulement essentiel de signaler ici que le législateur a pris soin, tout en donnant des garanties aux parties pour assurer l'observation de la loi, de supprimer les obstacles à la marche de l'expropriation.

815. Enfin arrive la quatrième série des opérations : le payement.

Voir la circulaire du ministre des Travaux publics en date du 20 février 1868.

L'administration ne peut se mettre en possession sans avoir payé préalablement les ayants droit (art. 53).

Mais il se peut que le payement souffre quelques difficultés. Ainsi les ayants droit, pour rester en possession, peuvent se refuser à recevoir l'indemnité; ou bien l'administration peut craindre d'être exposée à payer deux fois, parce que le propriétaire a des créanciers qui ont droit au prix de son immeuble, en vertu d'inscriptions hypothécaires; ou bien encore elle peut contester le droit de tel ou tel prétendu intéressé à toucher l'indemnité. Dans ces différents cas, aux termes des articles 55 et 54, l'administration se libérerait en déposant la somme due à la caisse des dépôts et consignations, ou à la caisse des trésoriers-payeurs généraux des départements, qui sont correspondants de cette caisse.

Quelquefois les propriétaires se laissent déposséder avant payement, moyennant le payement des intérêts. L'administration a recommandé aux préfets de ne pas suivre cette pratique, qui augmente les charges de l'État1.

Voilà la marche normale de l'expropriation.

816. Cette série d'opérations peut être modifiée de deux façons 1° en cas d'accord avec le propriétaire; 2° dans le cas où il y a urgence à prendre possession des immeubles.

Traitons d'abord des cessions amiables. La loi voit avec faveur l'accord avec les propriétaires, la cession amiable qui évite les frais et les pertes de temps. Elle a donc admis que la cession amiable pouvait intervenir dans le cours des opérations et à des moments différents, soit après la déclaration d'utilité publique et la publication du plan parcellaire, soit après le jugement d'expropriation.

1 Circulaire du 12 juin 1847.

La cession amiable, qui intervient après la déclaration d'utilité publique, peut contenir à la fois consentement à la dépossession et accord sur la fixation de l'indemnité, ou bien ne contenir que le consentement à la dépossession.

Dans le premier cas, l'administration est dispensée de faire prononcer le jugement d'expropriation et la décision du jury. Dans le deuxième cas, il lui reste à faire statuer le jury. Le tribunal, au lieu de rendre un jugement d'expropriation, donne acte du consentement et désigne le magistrat directeur du jury (art. 14, § 5).

La cession amiable, qui intervient après le jugement d'expropriation, dispense de la convocation du jury.

Mais il est à remarquer que ces cessions amiables, qui se produisent dans le cours de la procédure d'expropriation, ont le même caractère que les opérations qu'elles auraient remplacées, à très-peu d'exceptions près (art. 19).

L'une des améliorations introduites par la loi du 3 mai 1841 a consisté précisément à faciliter ces cessions amiables pour les biens des incapables, des mineurs, interdits, femmes mariées et pour les biens de l'État, des départements, communes et établissements publics.

La déclaration d'utilité publique qui émane du chef de l'État garantit l'utilité de l'aliénation et couvre la responsabilité des représentants des incapables; aussi les formalités sont-elles simplifiées. Aux termes de l'article 13, s'il s'agit de biens de mineurs ou autres incapables, les tuteurs, ceux qui ont été envoyés en possession provisoire des biens des personnes déclarées absentes et tous représentants des incapables peuvent consentir amiablement à l'aliénation après autorisation du tribunal, donnée sur simple requête présen

tée par un avoué', en la chambre du Conseil, le ministère public entendu. Le tribunal ordonne les mesures de conservation ou de remploi qu'il juge nécessaires. Les mêmes dispositions sont applicables aux immeubles dotaux et aux majorats.

Si les biens appartiennent à des départements, il suffit d'une délibération du conseil général; s'ils appartiennent à des communes, hospices et autres établissements publics, il suffit d'une délibération du conseil municipal ou de la commission administrative approuvée par arrêté du préfet, pris en conseil de préfecture2.

Enfin le ministre des finances est autorisé à consentir à l'aliénation des biens de l'État. Il en était de même pour l'administrateur des biens de la couronne, d'après l'article 15 de la loi.

Lorsque la cession amiable intervient après le jugement d'expropriation, après la notification des offres faites par l'administration, les mêmes formes sont applicables, d'après les articles 25 et 26, pour les biens des mineurs, des autres incapables, de l'État, des départements, des communes et des établissements publics.

Enfin, aux termes de l'article 56, les contrats de vente, quittances et autres actes relatifs à l'acquisition des terrains peuvent être passés dans la forme des actes administratifs; la minute reste déposée au secrétariat de la préfecture et

1 Voir la circulaire du ministre des Travaux publics en date du 17 septembre 1856.

A l'époque où l'article 13 de la loi de 1841 est intervenu, il réalisait de grandes simplifications dans les formalités relatives à l'aliénation des biens des départements, communes et établissements publics. Les réformes faites dans le sens de la décentralisation administrative en 1852, 1861, 1866, 1867, 1871 et 1884 ont enlevé presque tout intérêt à ces dispositions de l'article 13.

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