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On entend par biens toutes les choses que l'homme peut s'approprier pour en tirer une jouissance, un profit.

Un homme peut avoir, à l'exclusion des autres hommes, des droits de différentes natures.

490. Il y a deux grandes catégories de droits, qu'il est impossible de ne pas définir, quand on fait une théorie juridique. Ce sont les droits réels et les droits personnels.

Celui qui a un droit réel a la faculté de s'attribuer, à l'exclusion de toute autre personne, l'utilité totale ou partielle d'une chose. Il a sur cette chose un pouvoir direct, sans intermédiaires. Ainsi le droit de propriété sur un champ, sur une maison, sur une somme d'argent, est un droit réel.

Celui qui a un droit personnel a seulement la faculté d'exiger que telle ou telle personne lui procure un avantage, soit en faisant, soit en s'abstenant de faire une chose. Ainsi le droit d'obtenir d'un ouvrier qu'il exécute un travail déterminé qu'il s'est engagé à faire est un droit personnel.

Le droit réel est opposable à tout le monde; — le droit personnel n'est opposable qu'à certains individus déterminés. C'est une distinction qui a des conséquences pratiques considérables que nous retrouverons plus tard.

491. On distingue les biens en deux grandes classes, les immeubles et les meubles. C'est encore une distinction qui domine toute la législation civile. Ainsi les règles relatives à la transmission de la propriété et à la protection des droits des incapables ne sont pas les mêmes pour ces deux catégories de biens. Cette distinction a, en outre, des conséquences en matière de procédure.

Les immeubles sont, avant tout, les choses qui, par leur propre nature ou par le fait de l'homme, sont immobiles, ne

peuvent être déplacées. Mais la loi civile place en outre dans cette catégorie les choses qui se rattachent par leur destination à un immeuble, dont elles deviennent l'auxiliaire et l'accessoire.

Les immeubles par leur nature sont : 1° les fonds de terre, 2o les bâtiments, 3° les moulins à vent et à eau fixés sur piliers ou faisant partie du bâtiment, 4° les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou un fonds de terre, 5° les récoltes pendantes par les racines ou les fruits des arbres non encore récoltés, 6° les bois, taillis ou futaies, tant que les arbres ne sont pas abattus. Le Code civil en fait l'énumération dans les articles 518 à 521.

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Les immeubles par destination sont les objets mobiliers. que le propriétaire du fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds. Ainsi, aux termes de l'article 524 du Code, «< sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds les animaux attachés à la culture; les ustensiles aratoires; les semences données aux fermiers ou colons partiaires; - les pigeons des colombiers; les lapins desgarennes; les ruches à miel; - les poissons des étangs; -les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes; — les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines; - les pailles ou engrais. aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. » Aux immeubles par nature et par destination, le Code ajoute, dans l'article 626, des immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent ; c'est-à-dire des droits sur des immeubles : par exemple, l'action qui tend à réclamer la propriété d'un immeuble.

Sont

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Enfin certains objets qui sont meubles par leur nature : par exemple, des actions de la Banque de France peuvent être immobilisées par la déclaration de la personne qui les possède.

Quant aux meubles, il y en a qui ont ce caractère par leur nature, et d'autres qui le tiennent de la détermination de la loi.

Il pourrait suffire, à la rigueur, de dire que tout ce qui n'est pas immeuble, d'après les définitions précédemment données, est meuble, et de renvoyer aux définitions que le Code civil a données dans les articles 531 à 556, soit pour écarter des conséquences inexactes qu'on aurait pu être tenté de tirer de la théorie des immeubles par destination, notamment en ce qui touche les moulins et bains sur bateaux, soit pour éviter les difficultés que ferait naître la différence du langage juridique et du langage usuel.

Mais il importe de signaler spécialement les objets qui sont meubles par la détermination de la loi, d'après l'article 529. Le législateur y a mis non seulement les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, mais les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appar tiennent aux compagnies. Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé seulement, tant que dure la société.

Pendant longtemps notre législation civile a attribué beaucoup moins d'importance aux biens meubles qu'aux biens immeubles. Cela tient à ce que c'est dans notre siècle seulement que le développement des sociétés de commerce et d'industrie et la multiplication des emprunts faits par les États ont

donné un essor considérable à la richesse mobilière. Mais, si difficiles que puissent être les évaluations de la richesse de la France, il est incontestable aujourd'hui que les propriétés mobilières représentent, d'après les évaluations les plus prudentes, une somme de 79 à 86 milliards de francs, tandis que la propriété foncière représente de 96 à 102 milliards'. On a fini par reconnaître que les règles posées en présence d'un état économique si différent de celui au milieu duquel nous vivons ne pouvaient subsister sans les plus graves inconvénients. Sur plusieurs points, des lois nou

Il faut consulter principalement sur ce point deux études récentes. La première, due à M. de Foville, chef du service de la statistique au ministère des finances, professeur au Conservatoire des arts et métiers, a été publiée en 1883 dans le Journal de la Société de statistique de Paris, sous ce titre : La fortune de la France. Il y résume des travaux antérieurs insérés par lui dans le journal l'Économiste français de 1878 à 1882. Il discute les évaluations indiquées par d'autres publicistes et arrive à proposer le chiffre total de 205 ou 215 milliards, dont 80 milliards environ pour la richesse mobilière.

La seconde, publiée par M. Paul Leroy-Beaulieu, de l'Institut, dans le journal l'Économiste français, en 1884 (livraisons des 14, 21 et 28 juin), arrive aux conclusions suivantes (tome I, p. 591):

En résumé, la richesse de la France, en supposant que l'on puisse comprendre dans la richesse la dette publique, se compose, déduction faite des doubles emplois, des éléments suivants :

1° Propriété non bâtie

2° Propriété bâtie . .

75 à 80 milliards. 21 à 22

5 Capital d'exploitation agricole autre que celui qui, sous le nom d'inventaire, est compris dans la valeur vénale des domaines. 12 4° Valeurs mobilières françaises et étrangères autres que les fonds publics, déduction faite de la partie de ces valeurs qui représente des immeubles ou des créances sur des immeubles.

5° Fonds publics français

6 Fonds publics étrangers.

7° Fonds de roulement et matériel des commerces et industries qui ne sont pas constitués sous la forme de Sociétés anonymes. . 8 Mobilier, bijoux, collections, argenterie, voitures et chevaux de luxe, etc.

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9 Moitié du stock métallique, l'autre moitié étant comprise dans les évaluations précédentes.

Total.

12

22 à 23

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L'ensemble de la richesse de la France peut être évalué à 180 milliards environ. Si l'on admettait que la dette publique n'est pas une richesse, il faudrait s'arrêter au chiffre de 160 milliards environ. >>

velles ont donné les garanties nécessaires à la propriété mobilière.

492. Après avoir ainsi défini les biens quant à leur nature, le législateur traite des biens dans leurs rapports avec ceux qui les possèdent. C'est par là qu'il complète les notions générales préalables à la définition du droit de propriété et des démembrements de la propriété.

Les biens peuvent appartenir soit à des personnes privées, à des particuliers, soit à des personnes publiques, c'est-àdire l'État, les départements, les communes, les établissements publics et les établissements d'utilité publique.

Les définitions du Code civil sur les biens appartenant aux personnes publiques sont assez incomplètes. Quelquefois même elles sont inexactes. Voici le résumé des notions établies par la doctrine et la jurisprudence, que nous aurons plus tard à approfondir en revenant au droit administratif.

493. Le domaine national se divise en deux classes: le domaine public, le domaine de l'État. Sous les gouvernements monarchiques, on y ajoute le domaine de la couronne qui, avant 1789, absorbait le domaine national.

494. Et d'abord qu'est-ce que le domaine public?

:

Parmi les biens appartenant à la nation, il y en a qui, par leur nature et leur destination, ne diffèrent en rien de ceux qui appartiennent à des particuliers des terres, des bois, des maisons, qui peuvent sans inconvénient passer des mains de l'État dans les mains des particuliers et qui, sauf certaines règles spéciales à leur administration et à leur aliénation, sont soumis au même régime que les propriétés privées. Il y en a d'autres qui ne sont pas susceptibles de propriété privée, qui sont, par leur nature ou par leur destination, affectés à un usage commun, par exemple les

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