Page images
PDF
EPUB

de Paris, à partir du règne de Philippe Auguste. Le petit nombre d'ouvrages publics qui exigeaient des travaux s'entretenaient presque exclusivement au moyen de péages. Quelquefois on y pourvoyait au moyen d'impositions spéciales sur les habitants des localités intéressées, ce qu'on appelait alors des crues sur les aides, les gabelles, les tailles, ce que nous appellerions aujourd'hui des centimes additionnels aux contributions directes ou indirectes.

La grande occupation de l'autorité publique était de veiller à ce que le produit des péages fùt employé à l'entretien des ouvrages pour lesquels ils étaient établis; car il arrivait souvent que les ouvrages étaient tombés en ruine et que les péages étaient toujours exigés des passants.

Pendant les quatorzième et quinzième siècles, on voit de nombreux édits qui condamnent cet abus et qui enjoignent aux officiers de justice, prévôts, baillis et autres de les réprimer et, au besoin, de faire exécuter les travaux au moyen des deniers qu'ils auront saisis. Parfois, des commissaires du roi sont spécialement désignés pour cette mission. Le prévôt de Paris en était investi pour tout le ressort de la vicomté de Paris.

Mais, au commencement du seizième siècle, de nouveaux officiers sont spécialement chargés, à titre permanent, de la surveillance des voies publiques. Un édit du 15 octobre 1508, énumérant toutes les fonctions des trésoriers de France, leur attribue qualité à l'effet de « voir ou faire voir et visiter tous chemins, chaussées, ponts, pavés, ports et passages du royaume, et eux informer et faire informer et enquérir de l'état en quoi ils sont; et s'il y en a aucuns èsquels, pour le bien de nous et de la chose publique, il soit besoin de faire réparations et emparements, de les faire

faire de nos deniers, au regard de ceux qui sont en notre charge, et des autres qui sont en la charge d'autrui, et qui pour ce faire ont et prennent péages, pavages, barrages et autres trens ou devoirs, qu'ils les contraignent, en leur regard, à les faire faire selon qu'ils y sont tenus. >>

Qu'étaient-ce que les trésoriers de France?

C'étaient primitivement des officiers de la maison du roi, chargés de la gestion de ses domaines. Il n'y en avait d'abord qu'un seul. Le roi Jean en avait porté le nombre à quatre. Dès les premières années du quatorzième siècle, ils étaient administrateurs souverains du domaine du roi, et ordonnateurs de toutes les dépenses de sa maison et de toutes celles qui n'avaient pas la guerre pour objet. En outre, ils étaient juges de tout le contentieux du domaine. royal.

Ils résidaient à Paris. Mais ils faisaient dans tout le royaume des chevauchées annuelles, chacun dans le département qui lui était attribué.

Peu de temps après l'édit de Louis XII, qui leur attribuait le pouvoir de surveiller les voies publiques, leurs offices furent unis à ceux des généraux des finances qui existaient depuis 1355, avec la mission de veiller à la répartitition et au recouvrement des impôts, d'en ordonner l'emploi et d'en recevoir les comptes.

En même temps, une transformation grave s'opérait dans leur situation. L'édit de janvier 1551, qui opérait cette réunion, portait à dix-sept le nombre des trésoriers et généraux, un par chaque généralité. Les généralités étaient des circonscriptions spéciales créées en 1542 pour le service financier. Désormais les trésoriers et généraux devaient résider non plus à Paris, mais dans le chef-lieu de leur géné

ralité, et, au lieu d'être souverains dans l'administration du domaine du roi et des impôts, ils devaient rendre compte de leurs opérations à quatre intendants des finances, primitivement appelés commissaires du Louvre, c'est-à-dire gardiens du trésor royal (le roi résidait au Louvre), au-dessus desquels fut bientôt placé, en 1573, un contrôleur général des finances, puis un surintendant général.

Depuis cette époque, le nombre de ces officiers a fréquemment varié. On l'augmentait, on le diminuait, on divisait les offices de trésoriers et ceux des généraux des finances et on les réunissait de nouveau, sans autre motif que celui de procurer de l'argent au trésor public par la vente de leurs offices.

Il serait inutile de signaler dans leurs détails ces vicissitudes. Il est bon seulement d'indiquer que, en vertu d'un édit du 7 juillet 1577, les trésoriers, plus ou moins nombreux, de chaque généralité, ont été constitués en bureau des finances, jouant ainsi le rôle d'une administration collective et d'un tribunal spécial.

430. En 1599, survient un événement important. Henri IV crée un office de grand voyer qu'il confie à Sully et qui lui attribue « la surintendance, tant sur les réparations nécessaires aux ponts, portes, murailles, ports, passages, pavés, turcies et levées, chaussées, voyes, chemins et autres ouvrages publics, que sur tous les voyers établis dans le royaume. >>

Sully, bien qu'il fût en quelque sorte accablé de fonctions diverses, qu'il fût, comme il le dit lui-même dans ses Mémoires, «< conseiller du roi en tous ses conseils, surintendant des finances, fortifications, bâtiments, ports, canaux et navigation des rivières, grand maître de l'artil

lerie, etc., >> prit à cœur ses fonctions de grand voyer. A dater de l'année 1600, le budget des ponts et chaussées fut créé, c'est-à-dire que, à partir de cette époque, les dépenses exigées par les travaux de construction et d'entretien des voies publiques ont cessé d'être exclusivement payées avec les produits des péages ou des impositions établies spécialement sur les localités intéressées.

Désormais, une somme plus ou moins considérable a été allouée, chaque année, sur les fonds du trésor royal pour les frais de ces travaux 1.

Pour l'année 1600, nous ne trouvons qu'une somme de 6,000 livres tournois, c'est-à-dire 17,520 francs. Mais à dater de 1605, à partir du moment où l'autorité de Sully s'est assise, où ses agents dans les provinces sont institués, les fonds s'élèvent à 595,469 livres tournois, soit 1,758,769 francs. En 1608, ils montent jusqu'à 3,394,527 francs.

Il est vrai qu'à partir de 1616 ils sont tombés à 37,492 francs, et que, jusqu'à 1656, ils ont été plus souvent au-dessous qu'au-dessus de 100,000 francs.

Mais ce qui s'est passé après que Sully a quitté le pouvoir ne peut enlever à ce grand ministre le mérite d'avoir placé le service des ponts et chaussées au nombre des services publics qui devaient être défrayés sur les deniers de l'État.

La trace de son influence subsiste d'ailleurs encore aujourd'hui. Parmi les règlements et édits qu'il a préparés, nous ne pouvons omettre de citer l'édit de décembre 1607,

1 M. Vignon a complété, par une note publiée dans les Annales des ponts et chaussées, 1867, p. 109, et reproduite dans le tome IV de son ouvrage, les renseignements qu'il avait donnés à ce sujet dans le tome I de ses Études sur l'histoire des voies publiques en France.

qui pose des règles, qu'on applique encore, sur la construction et la réparation des bâtiments le long des rues et chemins.

431. Au mois d'octobre 1615 et d'août 1616, après la mort de Henri IV et la retraite de Sully, sont créés de nouveaux offices, et dans ces conditions bizarres que pouvait seul imaginer le génie de la fiscalité surexcité par les besoins du trésor: ce sont trois offices de conseillers, trésoriers et receveurs généraux des ponts, passages, chemins, voiries, chaussées pour faire la recette et l'emploi des deniers affectés aux travaux de cette espèce, et trois offices de contrôleurs. généraux pour le même objet. Mais les officiers investis de ces charges devaient exercer leurs fonctions alternativement. de trois ans en trois ans. On voit ici apparaître des comptables et les inspecteurs de ces comptables. Les contrôleurs généraux avaient en outre le pouvoir de surveiller les travaux ; mais ils ne remplissaient pas cette partie de leur mission qui leur fut enlevée en 1713.

Les trésoriers de France, relégués dans leurs généralités, se rappelaient avec regret le temps où ils étaient souverains dans l'exercice de leurs attributions financières et administratives. Ils obtinrent, en 1626, la suppression de la charge de grand voyer et la confirmation du pouvoir qui leur avait été donné en 1621 « d'ordonner des deniers (c'est-à-dire disposer des deniers) destinés pour les ponts et chaussées, suivant l'ordre et le fonds qui leur en serait baillé par les états qui leur seraient envoyés, et d'ordonner des ouvrages publics royaux. »>

A ces fonctions vint s'ajouter, en 1627, « la juridiction en première instance de la voirie, circonstances et dépendances d'icelle ».

« PreviousContinue »