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étaient joints à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 10 mars.

» Ces Mémoires ont été rédigés dans la vue d'obtenir de la France, pour les sujets du Grand-Seigneur, la permission de commercer avec les Indes orientales sous le pavillon du Roi, par la route du Cap de Bonne-Espé

rance.

» Je favoriserai toujours les entreprises qui pourront donner de l'extension à la navigation et à l'industrie des sujets de Sa Majesté.

» Vous avez vu par l'ordonnance du 3 mars de cette année, que le Roi permet aux étrangers de se servir de bâtimens français pour faire le commerce du Levant. Cette disposition, dont l'objet principal est d'augmenter notre marine, vous annonce que Sa Majesté accordera sans difficulté aux sujets du GrandSeigneur la permission d'employer les bâtimens de ses sujets pour faire le commerce de l'Inde. Je suis même déterminé à leur faire obtenir la facilité de venir en droiture de l'Inde à Marseille avec les bâtimens français qu'ils auront frétés, d'y transborder leurs cargaisons, et d'y acquitter les différens droits qui pourront être dus, en déterminant les précautions qu'il sera nécessaire de prendre

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pour éviter le versement des marchandises.

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» Je verrai avec plaisir tenter un essai dont le succès ferait diminuer le commerce de nos rivaux dans l'Inde.

» Pour me mettre à portée de bien apprécier l'avantage qu'il y a d'exploiter par Constantinople le commerce de l'Inde, en doublant le Cap de Bonne-Espérance, je vous prie de m'envoyer des états exacts et détaillés de tous les frais et de tous les droits que supportent les marchandises de l'Inde, depuis leur départ du Bengale jusqu'à leur arrivée à Constantinople, soit qu'elles passent par Bagdad, soit qu'elles soient expédiées par Bassora, Alep et Alexandrette. Vous voudrez bien observer de me mettre à portée de connaître la relation qu'il y a entre le montant de ces frais et de ces droits, et la valeur des marchandises. Je vous serai également bien obligé de joindre à ces états des itinéraires, par lesquels je puisse juger des difficultés, des embarras et des dangers que présentent ces routes au commerce, et calculer le temps qu'il faut pour le faire. »

CHAPITRE LIII.

Notions sur Obitochney ou Nogaïsk, ville nouvellement fondée sur la côte septentrionale de la mer d'Azow.

LA côte septentrionale de la mer d'Azow est habitée par trente à trente-deux mille Tartares nogaïs, qui s'y sont établis en 1791. Ils occupent soixante-dix à soixante-quinze villages, cultivent les terres environnantes, et en recueillent beaucoup de blé. Les bestiaux de toute espèce qu'ils élèvent dans les vastes pâturages de cette grande et fertile contrée, y prospèrent, et leur fournissent plusieurs objets d'échange. Le blé dur, dit arnaout, qu'ils cultivent, est d'un bon produit, et n'est point sujet, dans les greniers ni dans le transport par mer, à se gâter autant que les blés rouges et tendres d'Odessa : aussi sème-t-on à présent cette qualité dans la Russie méridionale, préférablement aux autres, d'autant qu'elle se vend à un prix plus élevé.

Les Tartares nogaïs ont un commandant russe, qui dépend du gouverneur - général établi à Odessa. Il réside à Obitochney, ville bâtie depuis peu d'années, sous la direction de M. le comte Maison, général français, au nord de Taganrok, à l'embouchure et sur les bords de la rivière Obitochney. Elle en porte le nom, et s'appelle aussi Nogaïsk, par rapport aux Tartares nogaïs qui l'occupent en majeure partie et forment le fond de sa population, déjà devenue assez importante. La latitude d'Obitochney est de 47 degrés 20 minutes, et la longitude de 55-20.

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Il est à regretter qu'il n'existe pas, le long de cette côte, un endroit assez profond ou assez éloigné des barres ou bancs de sable pour y faire arriver des bâtimens de commerce d'un tirant d'eau convenable de dix à douze pieds, et servir de port d'un accès et d'une sortie faciles. Il est connu que la mer d'Azow est entourée et remplie de bas-fonds: on est en conséquence réduit à faire transporter les denrées d'Obitochney à Taganrok et à Kosolow (1), sur des alléges ou des petits navires, afin de les y vendre pour la réexportation;

(1) Ce port de la Crimée ou de la Tauride est nommé présentement par son ancien nom grec Eupatorie.

ce qui prive toute cette côte des avantages qu'elle obtiendrait pour son commerce, si l'on y trouvait un bon mouillage et un débarquement facile pour la marine marchande.

Obitochney ou Nogaïsk a été fondée essentiellement pour y établir la résidence du commandant du pays, et centraliser l'administration des colonies de ces Tartares nogaïs, disséminés dans plusieurs villages envi

ronnans.

Quant au commerce, les petites embarcations se multiplient; d'ailleurs, les transports par terre peuvent y suppléer, le prix en étant très-modéré. Ainsi se réaliseront les espérances conçues de ce nouvel établissement, dû particulièrement aux soins bienfaisans de M. le comte Maison.

CHAPITRE

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