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CHAPITRE LII.

Commerce de la Perse et des Indes avec Constantinople par la MerNoire.

Il serait d'autant plus à desirer qu'une route nouvelle s'ouvrît pour des relations de commerce par la Mer-Noire avec la Perse et les Indes, que Constantinople et d'autres Échelles du Levant, qui en ont de considérables avec ces contrées, feraient usage de cette voie préférablement à celle de terre (1), laquelle est longue, dispendieuse, peu sûre, et expose les marchandises à des avaries.

Je cite à l'appui de ces assertions les Mémoires que j'ai rédigés pendant ma résidence à Constantinople, et présentés en 1781 à l'ambassadeur de France (M. le comte de Saint-Priest), qui les transmit à M. le maréchal de Castries.

La réponse favorable de ce ministre de la marine, transcrite à la suite de ce Mémoire,

(1) Cette voie a été encore suivie en 1819.

parvint à M. le comte de Saint-Priest après mon départ de Constantinople, pour l'exécution de mes projets de cominerce dans la Mer-Noire. M. de Castries, qui les avait approuvés, ne pouvait encore être instruit de mon départ, effectué quelques mois auparavant.

Je ne puis mieux faire connaître l'importance des relations de l'Inde avec Constantinople et les autres Échelles du Levant, que par la transcription du Mémoire présenté sur cet objet à M. le comte de Saint-Priest.

Pour mettre cet ambassadeur à portée de satisfaire aux demandes de M. le maréchal de Castries, mes fondés de pouvoirs à Constantinople lui fournirent les renseignemens que leur donnèrent les négocians arméniens, avec lesquels je devais effectuer l'entreprise projetée ; mais mon absence en fit abandonner l'exécution.

Elle deviendrait plus praticable que jamais, si une communication pouvait s'établir par la Mer-Noire entre Constantinople, la Perse et les Indes. Elle a existé jadis par le golfe de Suez et d'Alexandrie. Il est notoire que les agens de la compagnie anglaise dans l'Inde en ont fait usage quelques années avant notre révolution, pour l'emploi d'une partie de leur

fortune, en marchandises qu'ils avaient fait passer à Alexandrie, d'où elles avaient été expédiées par mer à Constantinople. Ils étaient ainsi parvenus à soustraire la valeur de ces effets aux recherches de la compagnie des Indes, autorisée à empêcher ce trafic de ses agens; mais une ou deux caravanes parties de Suez pour le Caire et Alexandrie, ayant été détroussées par les Arabes, cette route fut abandonnée : on ne l'a reprise que deux fois depuis cette époque (1).

Quoique les principaux avantages de la nouvelle route à frayer soient pour la Russie et la Turquie, le pavillon et le commerce de la France n'y participeront pas moins; et il est d'autant plus intéressant pour cette puissance de ne pas demeurer totalement étrangère au commerce de la Perse et des Indes,

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(1) En 1818, une maison de commerce anglaise, établie à Smyrne, reçut d'Alexandrie, voie de mer, une forte quantité de café de Moka, qui y était parvenue de Suez et qu'on présumait appartenir à la compagnie. des Indes d'Angleterre. Des lettres de Salonique, de fraîche date, portent qu'il y était arrivé du café de Java par Suez et Alexandrie, mais que sa couleur et ses gros grains rebutaient les gens du pays, ce qui obligerait les propriétaires à en baisser le prix pour en trouver le débouché.

que celui qu'elle faisait avec ces États est considérablement réduit, depuis que, par un traité, la cession de l'île de France a été consentie en faveur des Anglais. Telle est l'opinion émise à ce sujet par M. le comte Chaptal, dans son utile et savant ouvrage sur l'Industrie française, tome I, page 129, chapitre XX, intitulé: Du Commerce français dans les Indes orientales.

MÉMOIRE Sur la permission et les facilités à accorder par la France aux sujets du Grand-Seigneur pour commercer avec les Indes orientales, sous son pavillon, par la route du Cap de Bonne-Espérance. (Présenté en 1781 à M. l'ambassadeur de France à Constantinople.)

« Le Roi, en suspendant, par l'arrêt du 13 août 1769, les priviléges exclusifs de la compagnie des Indes, a accordé en même temps à tous ses sujets la liberté de naviguer et de commercer au-delà du Cap de BonneEspérance, mais aux conditions que tous les vaisseaux qui partiront pour les mers des Indes ne pourront s'expédier qu'à la faveur d'une permission délivrée au nom de la compagnie; qu'ils seront obligés de faire leur

retour

retour dans le port de l'Orient, exclusivement à tout autre, et que toutes les marchandises provenant des Indes paieront un droit d'indult, fixé à cinq pour cent par un second arrêt du 30 septembre 1769.

» Il paraît par ces dispositions, que le commerce des Indes orientales sous le pavillon français n'est permis qu'aux sujets du Roi; et comme un arrêt de Sa Majesté, du 2 février 1735, défend aux négocians français d'adresser des marchandises à des étranétablis dans les Échelles du Levant, ce gers ne serait qu'autant que Sa Majesté dérogerait à l'un et à l'autre, quant au commerce des Indes orientales seulement, que ce commerce pourrait prendre la route proposée, telle qu'elle est tracée dans le plan présenté au sieur de Serpos, et dont copie est jointe à ce Mémoire.

L'utilité qu'elle doit procurer aux sujets du Grand-Seigneur est solidement démontrée dans ce plan. Il contient un tableau exact et circonstancié de l'exploitation actuelle de ce commerce par la voie de terre, lequel, mis en parallèle avec les moyens dont cette exploitation peut se faire, voie de mer, sous pavillon français, prouve évidemment la supériorité et les avantages de cette voie-ci sur

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