Il est encore permis de douter que le commerce de la Pologne par la Mer-Noire, celui surtout des provinces échues à l'Autriche et à la Prusse, devienne aussi considérable qu'il promettait de l'être avant l'anéantissement de cet antique royaume.

CHAPITRE XXXV.

Mort de Catherine II. Avénement de Paul Ier, au trône de Russie.

Promulgation d'un nouveau tarif de douanes. - Déclaration de guerre à la France.

CATHERINE II ne survécut que deux ans à l'anéantissement de la Pologne : elle mourut presque subitement d'une attaque d'apoplexie, le 9 novembre 1796.

Le grand-duc, son fils, lui succéda sous le nom de Paul Ier.

Cet Empereur fit publier le 12 octobre 1797, un nouveau tarif général des douanes pour toute la Russie.

Il différait dans plusieurs dispositions du tarif de 1782. Elles étaient plus rigoureuses, et tendaient à rétrécir le commerce par un surcroît de droits et de prohibitions nouvelles. Ce tarif prescrivait de payer la

douane d'entrée dans tous les ports de Russie, sans excepter ceux de la Mer - Noire, en risdales effectives de Hollande, qui seraient reçues pour 140 copecks, quoique cette monnaie coûtât beaucoup plus. Il établissait un droit additionnel de 2 pour 100 sur la valeur du droit payé à l'importation. La douane des marchandises de France y était fixée à un taux bien plus fort qu'auparavant; enfin, ce tarif révoquait la faveur de la réduction du quart des droits, accordée par Catherine II au commerce de la Mer-Noire.

Le commerce de cette mer souffrit un nouveau préjudice par la rupture qui eut lieu le 13 septembre 1798, entre la Porte et la France. Cette puissance avait conservé la paix avec les Turcs au milieu de la guerre qu'elle soutenait contre la plupart des États de l'Europe; mais il importait trop à l'Angleterre de détruire de fond en comble le commerce français dans les Échelles du Levant, cet objet éternel de sa jalousie, pour laisser échapper l'occasion où ses tentatives, à cet égard, étaient enfin susceptibles d'un succès complet.

Le cabinet de Londres s'unit donc avec ceux de Pétersbourg et de Vienne pour exciter la Porte à entrer en guerre avec la France,

lui laissant entrevoir clairement que l'Angleterre, la Russie et l'Autriche deviendraient ses ennemies si elle ne cédait pas à leurs insi

nuations.

Ils faisaient servir de prétexte à leur animosité contre les Français, la conquête de Corfou et des autres îles ioniennes, enlevées à la république de Venise, et dont la possession leur paraissait faciliter l'entrée de la Morée aux armées françaises. Ils profitèrent enfin du ressentiment des Turcs, au sujet de la conquête de l'Egypte par le général Bonaparte, pour les déterminer à déclarer, selon leurs vœux, la guerre à la France.

Le jour même de cette déclaration, la Porte fit arrêter et conduire au château des SeptTours, M. Ruffin, chargé d'affaires de France; elle fit mettre sous le scellé tous les papiers de l'ambassade et de la chancellerie; elle considéra et traita comme prisonniers de guerre tous les Français établis dans l'Empire ottoman, soit consuls, soit négocians, navigateurs ou artistes. Elle les fit en conséquence renfermer dans des prisons, et ordonna le séquestre, plus tard la confiscation à son profit de toutes les marchandises, de toutes les créances et du mobilier qui leur appartenaient.

Pour en obtenir une juste déclaration, les

gouverneurs de plusieurs échelles éloignées de la capitale firent essuyer à nos malheureux compatriotes des vexations, des tortures et des cruautés. Je ne dirai pas que cette férocité, à laquelle on suppose les Turcs naturellement portés, exercée par eux envers leurs plus anciens alliés, était attisée par les ennemis de la république française ; mais je dirai qu'elle se ralentit avec le temps, et que l'humanité reprit enfin ses droits, trop long-temps

méconnus.

Peu de jours après la déclaration de guerre, on vit des vaisseaux russes se réunir, sous les Sept-Tours, à des vaisseaux ottomans, et cette flotte russo-turque faire voile pour Corfou, afin d'obliger les Français à évacuer cette

île.