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CHAPITRE XIV.

Arrivée à Versailles. Compte rendu des démarches faites en Russie et en Pologne.-Mémoires, notices et observations remis au ministre des affaires étrangères, à celui de la marine et au contrôleur-général, sur les obstacles à lever, les facilités à accorder, et les encouragemens à donner pour établir promptement de grands rapports de commerce entre Marseille et Cherson,

Dès mon arrivée à Versailles, j'eus l'honneur de mettre sous les yeux de M. le maréchal de Castries, ministre de la marine, et de M. le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, la copie des Mémoires que j'avais présentés en Russie et en Pologne. J'y joignis un exposé succinct de ma conduite, et une notice de l'opinion que j'avais con

çue des nouveaux rapports de commerce à établir avec ces puissances.

L'utilité que pouvaient en retirer nos relations commerciales et notre politique, fut vivement sentie par ces ministres. Ils m'exhortèrent à m'occuper des moyens d'effectuer ce projet, m'assurèrent qu'ils en protégeraient l'exécution, et qu'ils m'accorderaient toutes sortes de facilités et d'encouragenens.

Aussitôt que ces dispositions favorables me furent connues, je me rendis chez M. le prince Bariatinskoy, pour lui remettre la lettre de M. le général Hannibal; mais ce ministre de l'Impératrice ne se crut point suffisamment autorisé par cette dépêche à permettre que mes navires arborassent le pavillon russe, et reçussent leurs expéditions des consuls de Sa Majesté impériale. I m'exprima son regret sur le délai qu'il mettait à satisfaire à ma demande; il me promit de solliciter de sa Cour une prompte réponse, et de lui représenter qu'il jugeait mon entreprise digne, par sa nature et ses conséquences, de la faveur qui paraissait m'avoir été accordée.

M. le comte de Vergennes eut la bonté d'informer M. le marquis de Vérac du retard que me faisait éprouver l'instruction plus

formelle desirée par M. le prince de Bariatinskoy. Il lui recommanda d'agir auprès de M. le prince Potemkin pour que le ministre de Russie près notre Cour reçût promptement la confirmation de la dépêche de M. le général Hannibal.

J'appris, peu de temps après, que l'on avait rempli à Constantinople mes intentions pour l'achat d'un bâtiment ; que M. de Bulhacow, envoyé de la Cour de Russie près la Porte, avait consenti qu'il naviguât sous le pavillon russe, d'après une lettre écrite par M. le général Hannibal à ce ministre, et semblable à la lettre remise à M. le prince Bariatinskoy. Ce vaisseau se rendit à Cherson avec une cargaison de denrées turques, et il en repartit tout de suite chargé de marchandises de Russie.

La réponse de M. le prince Potemkin parvint, au commencement du mois de mars, à M. le prince Bariatinskoy. Le Prince lui adressait trois patentes, numérotées 1, 2, 3, chacune desquelles devait servir pour un de mes bâtimens : ce sont les premières qu'ait délivrées ce principal ministre. Il y disait :

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Qu'en conformité du très-haut commande»ment de Sa Majesté impériale, par lequel

» il était autorisé à donner aux sujets de Sa » Majesté des pavillons pour leurs navires » de commerce qui s'expédient pour la Mer» Noire et la Méditerranée, il m'était il m'était per

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>> mis, à moi, habitant de Cherson, de com» mercer dans lesdites mers, d'arborer le pa>> villon russe sur mon vaisseau, nommé afin que de cette ma»nière je pusse avoir une navigation libre » dans lesdits ports, y exercer le commerce » sans aucun empêchement, etc. »

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Le nombre des navires que j'armais, et ceux dont je projettais encore l'acquisition, exigeant d'autres patentes, les ministres de l'Impératrice à Paris en firent successivement la demande pour moi à M. le prince Potemkin. Il eut la bonté d'envoyer, en 1784 et 1785, à M. Peschier, consul de Russie à Marseille, huit de ces passe-ports; mais l'effet de ceux-ci était limité à trois ans, à compter du jour où ils avaient été signés.

Le pli adressé à M. le prince Bariatinskoy, qui renfermait les trois premières patentes pour mes navires, avait été remis à M. le marquis de Vérac. Cette attention de M. le prince Potemkin fut remarquée avec sensibiM. le comte de Vergennes : il fut, par

lité

par

ce moyen, le premier instruit que nul obstacle ne s'opposait désormais à l'exécution de mon entreprise.

Il ne s'agissait plus que de la voir facilitée par des mesures bienfaisantes de la part du Gouvernement; et ces mesures ne pouvaient être déterminées que par des motifs d'une grande utilité, et en raison des difficultés et des entraves que mon zèle et mes efforts ne pouvaient seuls surmonter.

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Les Mémoires que j'eus l'honneur de présenter à ce sujet à M. le maréchal de Castries, à M. le comte de Vergennes et à M. d'Ormesson, portaient en substance : « Que Cherson était une colonie naissante, où tout était à faire, tant pour le commerce que pour la navigation; que les négocians qui s'y établiraient, seraient obligés d'y bâtir des maisons pour se loger, des magasins pour y entreposer leurs marchandises; d'acheter des bâtimens pour le service de leur négoce, d'envoyer et de salarier des agens qui possédassent les talens propres aux diverses branches de ce commerce, principalement pour celles des mâtures, des bois de construction, des viandes salées et de la fonte des graisses.

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Je faisais remarquer ensuite que ces dispositions primitives exigeaient des fonds consi

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