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On soutint que la demande était prématurée, et par jugement du 17 brumaire an XIII, le tribunal civil de l'arrondissement de Mons, dans la persuasion que, d'après les clauses du bail, l'emploi du fumier ne pouvait concerner le fermier entrant qu'à l'expiration de Fancien bail, déclara la dame Paulée non-recevable quant à présent.

Il y eut appel.

La dame Paulée dit, que suivant le bail, les pailles provenant des fruits de la ferme, laissée ǎ la D.lle Dufrasne, devaient être entièrement converties en fumier pour l'engrais des terres;

Que le fumier produit de ces pailles, au mois de thermidor, était donc destiné à l'engrais de ces mêmes

terres ;

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Qu'à cette époque, il ne restait plus de culture à faire à la fermière, et que le fumier qui était déposé dans la basse-cour lui était inutile, tandis qu'il recevrait sa destination naturelle, par l'emploi qui en serait fait sur les jachères;

Que tel était le sens raisonnable de la clause du bail;

Que s'il était possible de lui donner un autre effet, les fruits d'automne seraient semés sans engrais;

Que cette interprétation était contraire à l'intérêt général de l'agriculture,

Préjudiciable au propriétaire, ou au fermier entrant, et ne pourrait être justifiée que par un refus opiniàtre, et sans aucun motif d'intérêt, procédé que la justice et l'équité repoussent également ;

Elle invoquait la maxime : Quod tibi non nocet, et mihi prodest, etc.;

Enfin, elle observait qu'un bail de biens ruraux n'expire pas tout-à-coup, et pour tous les objets qui en dépendent, mais que son effet est subordonné à l'ordre de la culture, et aux règles de l'exploitation, de manière que telles choses sont déjà consommées avant le jour marqué pour la fin du bail, tandis que d'autres lui survivent, comme en étant la suite et la dépendance.

Pour la D.lle Dufrasne, on répondait, que si elle s'était obligée à convertir en fumier, les pailles provenant des fruits de la ferme, il était dit en mêmetemps que le tout serait constaté à la fin du bail.

Qu'avant cette époque elle restait propriétaire du fumier, et que l'inexécution de la clause donnait lieu à dommages-intérêts à sa charge, mais qu'elle n'autori serait pas d'avance son successeur à disposer de l'engrais qui était en dépôt dans les basses-cours de l'habitation, dont elle avait droit de jouir jusqu'à sa sortie.

Que, pour que l'enlèvement du fumier put être conpût sidéré comme une action légitime pendant la durée du bail, il faudrait que le cas fût prévu par le contrat, ce qui n'existe pas.

La Cour a pensé,

Que, dans le sens du bail, les pailles devant être converties en fumier pour l'engrais des terres de la ferme, et que le fermier sortant étant saus intérêt pour s'opposer à ce que le fumier déjà produit fût employé sur les jachères, son refus ne pouvait être considéré

que comme une opiniâtreté nuisible à l'intérêt général de l'agriculture, et à l'intérêt particulier de la propriété dont la jouissance sortait de ses mains;

Que les objets dépendans d'un bail de biens ruraux, ne se règlent pas précisément par le jour de l'expiration du bail, mais qu'ils sont subordonnés à leur destination qui peut suivre ou précéder l'époque marquée pour la sortie, selon l'ordre de l'agriculture.

par

En conséquence elle a infirmé le jugement de première instance, déclaré que le refus, fait la demoiselle Dufrasne, de laisser conduire le fumier qui lui était inutile, sur les jachères de la ferme, avait été mal fondé, et l'a condamné aux domages-intéréts, etc.

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Du 19 fructidor, an XIII. Chambre des vacations,

Plaidans: MM. Truffart et Girardin.

ARBITRE.

UN arbitre qui, depuis son acceptation, agit en qualité de procureur fondé au nom d'une des parties contre l'autre, et pour l'objet qui a fait la matière du compromis, peut-il rester juge sans un nouveau consentement, et participer validement à la décision arbitrale?

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RÉSOLU NÉGATIVEMENT.

CHARLES DEHEYDER et Auguste-Marie Prevost, convinrent, le 21 frimaire an XII, de soumettre à deux arbitres le différend qui existait entr'eux.

Le compromis désignait les deux arbitres.

L'un d'eux accepta, le 23 germinal suivant, une procuration de Prevost, et cita, au nom de ce dernier, Charles Deheyder devant un juge de paix de Bruxelles, pour se concilier sur la demande qu'il se proposait de former contre lui. ·

L'objet de cette demande était le même que celui qui avait motivé l'arbitrage.

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L'épreuve de conciliation n'eut aucun succès.

Le 5 prairial an XII, jugement rendu par les deux arbitres au désavantage de Charles Deheyder.

Ce jugement, revêtu du visa du tribunal de première instance, fut mis à exécution.

Heyder forma opposition, et demanda la nullité du jugement arbitral.

Il motivait la nullité sur ce que l'arbitre, qui, postérieurement au compromis ou à son acceptation, était devenu mandataire de l'une des parties, avait abdiqué ses pouvoirs, et s'était rendu inhabile à rester arbitre;

Que la décision à laquelle il avait concouru, était nulle;

Que l'opinion d'un mandataire n'est plus libre;

Qu'il n'a pu agir dans l'intérêt de son commettant, sans l'aider de ses conseils : qu'il s'est donc, pour ainsi dire, identifié avec l'une des parties;

Que déjà il était censé avoir dépouillé son caractère par les poursuites dirigées au bureau de paix ;

Que son commettant était lui-même censé avoir renoncé au compromis, en prenant une marche qui annonçait que son intention était de rentrer dans la ligne des procédures ordinaires;

Que le jugement, porté le 5 prairial, est d'autant plus étonnant, qu'il n'y avait plus lieu à s'y attendre, d'après la conduite d'un des arbitres et de la partie qu'il avait représentée ;

Qu'il est évident que, pour conserver ses pouvoirs, il avait besoin d'un nouveau consentement des deux parties, consentement que Deheyder se serait bien gardé de lui renouveler après avoir été témoin de ses démarches en faveur de son adversaire.

Prevost soutenait que le jugement arbitral était valable;

Que la mission, confiée à l'un des arbitres, n'avait eu pour but que de concilier les parties;

Que jusque-là le mandataire n'avait point été dans le cas d'ouvrir son opinion, puisqu'il ne sagissait que de tenter un arrangement qui aurait dispensé de la voie de l'arbitrage;

Que la citation au bureau de conciliation n'avait pas eu pour objet, de poursuivre l'affaire devant les tribunaux; que l'événement l'avait bien démontré, puisque postérieurement elle fut décidée par les arbitres.

Le 15 thermidor an XII, jugement du tribunal de Bruxelles qui déboute Deheyder de son opposition et de sa demande en nullité du jugement arbitral.

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