Page images
PDF
EPUB

- On convenait qu'en vertu du contrat de mariage, la demoiselle Pluncket pourrait être créancière de son mari; mais on déniait qu'elle fut propriétaire des terres de la Hestre et de Haine-Saint-Pierre, parce que les contrats d'acquisitions étaient au nom du mari, et qu'il n'y avait ni déclaration de remploi, ni acceptation de la femme, si ce n'est depuis que le plan de soustraire cette partie de la fortune du sieur de Carondelet à ses créanciers a été concerté entre lui et son épouse.

Quant à l'arrêté de l'administration centrale du département de Jemmappes, Delcroix observait, que l'administration avait plutôt supposé la propriété de la demoiselle Pluncket, qu'il ne l'avait reconnue et jugée;

Que la question de la validité ou de l'existence du remploi appartenait à la connaissance des tribu

naux ;

Q'en tout cas elle n'était pas décidée relativement aux tiers intéressés; que l'arrêté de l'administration centrale n'avait point d'effet au-delà des intérêts de la république, et qu'il ne pourrait être opposé sans injustice à des créanciers non entendus, et qui prouvent que jamais les terres de la Hestre et de Haine-Saint-Pierre ne sont devenues le domaine de la demoiselle Pluncket.

Delcroix prétendait aussi que la renonciation faite par la demoiselle Pluncket, au département du Nord, était nulle; qu'étant domiciliée dans celui de Jemmappes, ce n'était que là qu'elle pouvait régulière

ment renoncer.

Elle était encore nulle, disait-il, parce qu'elle n'avait pas rempli toutes les conditions que lui impo

sait la charte générale du Hainaut, lieu de son domicile.

On devait aussi la regarder comme non avenue, parce que la demoiselle Pluncket avait forfait, en retenant une partie du mobilier de la communauté, comme le linge et l'argenterie, dont elle était restée en pos

session.

La question du remploi était importante, et le défenseur de la demoiselle Pluncket prétendait l'établir en, sa faveur, en suivant la destination qu'il donnait aux deniers dotaux, d'après le contrat de mariage et d'autres pièces produites; mais il se retranchait principalement dans l'arrêté de l'administration centrale de Jemmappes, du 18 thermidor an VI: il l'objectait comme une décision irrévocable sur ce point de la contestation.

Vainement avait-on dit que cet arrêté ne regardait pas les créanciers de Carondelet; que c'est res inter alios judicata.

Les créanciers n'ont pas plus de droit que leur débiteur : leur débiteur, c'était la république, pendant l'émigration du sieur de Carondelet, et ce qui est jugé contre la république, ou contradictoirement avec ses agens légaux, est jugé contre le sieur de Carondelet.

Si l'arrêté était susceptible d'être réformé, ce serait sans doute à l'autorité administrative supérieure qu'il faudrait s'adresser.

La demoiselle Pluncket justifiait sa renonciation, par la circonstance qu'elle avait été forcée de la faire

A l'administration de l'autorité de laquelle son mari avait été inscrit sur la liste des émigrés;

Que c'était là

ses droits;

que devait se faire la liquidation de

Qu'elle n'était point obligée de se conformer à la charte générale du Hainaut, parce qu'elle agissait en vertu d'une loi spéciale sur la matière, savoir : celle du 1.er floréal an III;

Que cette loi a tracé la marche des renonciations à faire par des femmes d'émigrés; qu'elle est circonstancielle, dérogatoire aux statuts qui concernent les renonciations ordinaires, et qu'elle n'a point eu d'au tres règles à suivre que celles qu'elle prescrit.

Elle niait toute espèce de recelé.

Indépendamment du fonds des droits réclamés par la demoiselle Pluncket, elle attaquait de nullité dans la forme la saisie-arrét pratiquée entre les mains des

concessionnaires.

Le titre de créance de Delcroix n'est point exécutoire.

Passé à Valenciennes, avant la réunion de la Belgique à la France, il ne peut être considéré que comme un écrit cédulaire.

On ne saisit pas en vertu d'une cédule: il faut ou un titre exécutoire, ou la permission du juge : aucune loi n'a dérogé à cet usage constant en pratique, et d'ailleurs consacré par plusieurs coutumes.

Delcroix n'a pas pris l'attache du juge; il n'a pas fait déclarer son titre exécutoire : la saisie qu'il a fait pratiquer est donc nulle, indépendamment de ce qu'elle est faite super non domino.... '.

On observait, qu'en Hainaut les saisies-arrêts de deniers n'étaient regardées que comme une simple opposition faite au débiteur, de se dégarnir au préjudice de la saisie, comme une mesure conservatoire, et qu'elles se pratiquaient en vertu d'un titre cédulaire;

Que les chartes n'exigeaient le recours à l'autorité du juge, que dans le cas de saisie-exécution, ce qui résulte de l'article 4, chapitre 69, des mêmes chartes.

La question relative au remploi ne pouvait être soumise à l'examen de la Cour, qu'autant qu'elle n'aurait pas cru être' arrêtée par la décision de l'autorité administrative à l'égard des créanciers de l'émigré : c'était la difficulté principale dans cette affaire : elle fut résolue en faveur de la demoiselle Pluncket, comme on le verra dans les motifs de l'arrêt.

Attendu, y est-il dit, que l'administration centrale de Jemmappes, ayant déclaré, dans son arrêté du 18 thermidor an VI, que les terres de la Hestre et de Haine-Saint-Pierre étaient la propriété de l'intimée, et ordonné qu'elles seraient distraites du séquestre, la question de propriété ne peut, dans l'état actuel des choses (*), être soumise à l'examen de la Cour;

(*) C'est-à-dire, tant que l'arrêté du 18 thermidor an VI ne sera pas rapporté ou modifié par l'autorité compétente.

Attenda

Attendu que le mari de l'intimée, se trouvant inscrit sur la liste des émigés du département du Nord, c'est à l'administration centrale de ce département, dans l'étendue duquel l'inscription supposait son domicile, qu'elle a dû faire sa renonciation, en conformité de la loi du 1.er floréal an III;

Attendu que, pour la validité de sa renonciation, elle n'a dû observer d'autres formes que celles qui sont prescrites par la loi du 1er floréal an III, à l'égard des femmes d'émigrés;

par

Attendu que l'appelant n'a prouvé aucun recelé fait l'intimée, ni posé aucun fait relevant à cet égard;

Attendu, en ce qui concerne les formes de saisie, que l'article 4, chapitre 69, des chartes générales du Hainaut, n'exige le recours à l'autorité du juge que dans le cas d'une saisie-exécution de biens, et nullement pour une simple saisie-arrêt de deniers;

* Attendu qu'en Hainaut une simple saisie-arrêt n'est regardée que comme une mesure conservatoire, ou défense de se dégarnir des deniers, et qu'il suffit, pour la pratiquer, d'être porteur d'un titre cédulaire, pourvu qu'elle soit faite par le ministère d'un huissier;

Attendu que les lois nouvelles n'ont introduit aucune disposition contraire, et que, dans l'espèce, il ne s'agit jusqu'alors que d'un arrêt de deniers;

Attendu les deniers saisis proviennent du reque venu des terres de la Hestre et de Haine-Saint-Pierre, et que ce qui est échu avant la renonciation de l'inTome N. II, 6.

34

« PreviousContinue »