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Quelque temps après cette inscription d'hypothèque générale, les époux Peters se proposent d'acheter

une maison.

Cette maison est grevée d'hypothèque, au profit de Kauffmann : elle ne pouvait être vendue, du moins adhéritée aux nouveaux acquéreurs, sans être purgée d'hypothèque : cependant les époux Peters n'en avaient pas le moyen, au contraire, il leur fallait encore une somme d'argent.

Kauffmann leur prête une nouvelle somme, et consent à l'adhéritance de la maison, sans libération de son hypothèque, à condition que Forlifesy lui cédera la priorité d'hypothèque pour le tout, et se contentera 'du second rang.

Forlifesy accède à cette proposition : il déclare, le 26 mars 1789, devant la cour de justice, vouloir laisser la préférence à Kauffmann, et ne venir qu'après lui pour sa créance: en conséquence, il en est dressé acte le même jour, et la maison est aðhéritée aux époux Peters.

La loi du 11 brumaire an VII, concernant les hypothèques, est publiée. Forlifesy s'empresse de faire inscrire son titre de créance dans les trois mois de sa publication, savoir, le 29 floréal an VIII.

Kauffmann reste dans l'inaction jusqu'au 17 pluviôse de l'an X, jour auquel il fait inscrire le pacte du 26 mars 1789.

Il n'existe pas d'autre inscription que celles de Forlifesy et Kauffmann, sur les biens des époux Peters; mais ces biens sont beaucoup diminués de valeur,

et ne paraissent plus suffisans pour le paiement de

ces deux créances.

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Contestation devant le tribunal de première instance de l'arrondissement de Bonn, sur la préférence d'hypothèque entre Forlifesy et Kauffmann.

Jugement qui maintient Kauffmann dans la préférence, en vertu du pacte judiciaire du 26 mars 1789, nonobstant son inscription faite à tard.

Appel.

L'appelant a dit : j'ai cédé la préférence d'hypothèque à Kauffmann et déclaré vouloir venir après pour ma créance.

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Je ne me suis obligé à rien de plus; c'était donç à Kauffmann à faire les diligences nécessaires pour la conservation du droit que je lui avais cédé.

Si fancien ordre des choses avait 'continué de subsister, il n'aurait eu aucune nouvelle démarche à faire, le pacte judiciaire du 26 mars 1789 lui aurait suffi amplement pour me primer.

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"

Mais la loi du 11 brumaire an VII est survenue.

L'article 38 de cette loi nous a imposé de nouvelles formalités à remplir pour la conservation de nos droits antérieurs : nous devions faire inscrire nos titres dans les trois mois de sa publication, et, quoique l'un ou Pautre eût été moins diligent, son an cien rang lui serait néanmoins resté, pourvu qu'il eût fait inscrire ses titres dans les trois mois, n'eût-ce été que le dernier jour.

L'article 39 de la même loi nous a averti, que nous perdrions nos hypothèques, et qu'elles n'auraient plus d'effet que du jour de leur inscription, si nous laissions écouler le délai fixé par l'article 38, sans prendre inscription au bureau des hypothèques.

J'ai satisfait à la loi : mon hypothèque n'a donc pas été interrompue.

L'intimé à laissé écouler le délai de trois mois ; il n'a fait inscrire son titre de créance que le 17 pluviôse an X: son hypothèque ne date donc que de cette époque il a volontairement renoncé à ses anciens droits, puisqu'il n'a pas fait ce que la loi lui prescrivait pour les conserver il doit supporter la peine de sa négligence, l'interruption de son ancienne hypothèque, et l'extinction du droit de préférence qui y était attaché.

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Que l'intimé ne dise pas, qu'ayant renoncé une fois à mon droit de préférence, je n'ai plus pu le récupérer dans la suite; que je dois toujours me contenter du second rang: ce raisonnement, bon dans l'ancienne législation, n'est pas conciliable avec la législation actuelle, et autant vaudrait-il prétendre, que mon inscription au bureau des hypothèques a dù profiter à Kauffmann, et pas à moi, que de soutenir un pareil systême.

Sous la législation ancienne, je n'avais plus rien à faire, le pacte du 26 mars 1789 me réduisait au second rang; mais pour conserver l'ordre de mon bypothèque dans la législation actuelle, je devais prendre une nouvelle inscription dans les trois mois je l'ai prise; mais l'intimé a-t-il aussi conservé son hypothèque et son rang? Non, sans doute.

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Or, pour raisonner dans son hypothèse, sa négligence aurait singulièrement compromis mes droits car, supposons que d'autres créanciers se fussent présentés, et eussent pris des inscriptions avant lui, n'aurais-je pas été déplacé? Cependant je ne lui avais cédé ma place que pour prendre la sienne, qui était la deuxième.

Sa prétention est donc ridicule et mal fondée..

Il m'accuse de dol, parce que je veux le primer; mais la loi m'y autorise. Vigilavi, meliorem meam conditionem feci, jus civile vigilantibus scriptum est, dit la loi 24 ff., quæ in fraudem creditorum, etc., et nullus videtur dolo facere, qui suo jure utitur, porte la loi 55 ff. de regulis juris. Au contraire, c'est l'intimé qui se trouve dans le cas de la loi 203, ibidem. Quod quis ex culpá sud damnum sentit, non intelligitur damnum sentire.

Il a conclu à l'infirmation du jugement dont est appel, et à ce que l'intimé fût débouté de sa demande en préférence d'hypothèque, et condamné aux dépens.

L'intimé a répondu, que le seul exposé des faits suffit déjà pour démontrer l'injustice de la prétention de l'appelant.

En effet, sans ce pacte judiciaire du 26 mars 1789, la maison ne serait jamais entrée dans le domaine des époux Peters. Quelle aurait donc été la sûreté de l'appelant, puisque cette maison fait la majeure partie de leur fortune immobilière?

L'appelant a par conséquent augmenté son hypothèque par l'arrangement du 26 mars 1789

ce

pendant il cherche à primer l'intimé pour s'enrichir à ses dépensil agit de lucro captando; l'intimé, au contraire, agit de damno vitando sa condition est plus favorable aux yeux de la justice.

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s'il peut rompre le pacte du 26 mars

Il était libre de céder ou de ne pas céder la préférence d'hypothèque; mais une fois cédée, le contrat ne pouvait plus être rompu que du consentement mutuel des parties contractantes jamais l'intimé 'n’a consenti à la résiliation du pacte; il subsiste dans toute sa force, et la loi postérieure ne pourrait le dissoudre, sans un effet rétroactif.

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Les lois anciennes et nouvelles s'expliquent posi♪ tivement à cet égard.

La loi 5, cod. de obligat. et action., dit: sicuti initio unicuique libera potestas est, habendi vel non habendi contractus; ita renunciare semel constitute obligationi adversario non consentiente nemo potest, qua propter intelligere debetis, voluntariæ obligationi semel vos nexos ab hac non consentiente, altera parte, de cujus precibus fecistis mentionem, minime posse discedere.

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Les articles 1134 et 1135 du code civil ne s'expriment pas moins clairement; ils portent :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu << de loi à ceux qui les ont faites.

con

<< Elles ne peuvent être révoquées que de leur con

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