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et de payer à cette dernière une rente viagère et annuelle de 474 francs, franche et libre de toute retenue quelconque.

La demoiselle Louise H*** accepta avec reconnaissance ladite donation, et se soumit à acquitter toutes les charges qui lui avaient été imposées

Le 15 vendémiaire de l'an XII, second acte notarié entre les mêmes parties; la demoiselle P*** y déclare: « Que tous ses meubles, marchandises, adettes et effets quelconques, le commerce, rien « réservé ni excepté, et généralement tout ce qui reposait dans sa maison lors de cet acte, ont été compris dans la cession, qui fait l'objet de cet << acte; que son intention a été telle, et qu'elle l'est << encore, à la réserve cependant des meubles qui << sont dans sa chambre à coucher, et dont l'inven

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taire sera fait par les parties; qu'elle a même en<< tendu céder et abandonner, comme elle fait itéarativement et surabondamment par les présentes, «à la demoiselle Louise H*** sa maison de commerce; en sorte que toutes les affaires faites de< puis l'époque de l'acte susdaté, et celles qui seront faites à l'avenir, l'ont été et le seront pour le « compte de la demoiselle Louise H***, etc, : ce « que celle-ci a déclaré accepter. >>

Vers la fin du mois de brumaire de la même année, la demoiselle P*** se repentit d'avoir passé les deux actes, dont nous venons de parler; alors la bonne intelligence, qui avait existé entre ces deux femmes, cessa; la demoiselle P*** crut avoir été lésée; elle annonça que des insinuations étrangères l'avaient engagée à se dépouiller de tout ce qu'elle

possédait; elle quitta la maison qu'elle occupait avec -la demoiselle Louise H, et elle réclamà l'appui des tribunaux, pour faire annuller l'acte du 15 vendémiaire, et pour faire déclarer que les objets cédés seraient bornés à ceux compris dans l'acte du 20 thermidor précédent.

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La demoiselle Louise H*** s'opposa à cette conclusion, et elle demanda subsidiairement que, dans le cas où elle serait accueillie, les deux actes fussent mis au néant, et qu'elle, défendéresse", fût désinté

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Le tribunal de première instance déclara les deux actés nuls et comme non avenus; il mit, en conséquence, les parties dans le même état où elles 'étaient avant l'époque desdits contrats.

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La demoiselle Louise H***, donataire, proposait deux moyens contre la décision du premier juge.

1.o Les actes de donation dont il s'agit, 'n'en ont que le nom; ils sont véritablement des actes à titre onéreux ainsi, ils ne sont point sujets aux formalités des donations.

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2.o La nullité attachée, par l'article 948 du code, à l'omission d'un état estimatif des effets donnés, est purement relative, étant introduite en faveur des héritiers auxquels la loi accorde une réserve: elle ne peut être invoquée par la donatrice, pour anéantir sa libéralité.

Il suffit, dit-elle par l'organe de son défenseur,

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de jeter un coup d'œil sur ce qui s'est passé entre les parties avant l'époque des actes qualifiés donations, pour se convaincre qu'elles ont voulu respectivement vendre et acheter, et non donner et recevoir.

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En effet, l'on voit, d'une part, une femme qui, fatiguée de son commerce, veut à tout prix s'en debarrasser une femme qui offre à plusieurs personnes de leur en faire la cession; de l'autre, la demoiselle Louise H***, qui lui fait des conditions plus avantageuses, et qui," par ce motif, obtient la préférence.

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Quel bienfait, qu'elle faveur remarque-t-on dans cette convention? aucune au contraire, la donatrice ne préfère à d'autres la demoiselle Louise H***, que parce qu'elle lui offre de plus grands avantages.

Comment pourrait-on donc placer ce contrat au rang des actes à titre lucratif, lorsque les obligations contractées par la défenderesse constituent un véritable prix, lorsque ce prix se trouve en exacte proportion avec les objets cédés?'

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Si l'on met d'un côté les charges imposées, la rente viagère et toutes les dettes passives de la demoiselle P et de l'autre tous les objets cédés, ainsi que les créances à recouvrer, mais dont la plus grande partie est irrécupérable; si l'on compare les valeurs respectives, l'on verra, sans doute que cette convention ne présente point un grand avantage pour la demanderesse, et qu'elle est improprement appelée donation..

Puisque la convention dont il s'agit n'a point les caractères d'une donation; il n'était donc point nécessaire de se conformer aux formalités pres crites par l'art. 948 du code.

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Cependant, en supposant encore que ce contrat soit une donation, il n'appartiendrait point sans doute à la donatrice d'en demander l'annullation: cette donation est le résultat de sa libre volonté elle ne renferme ni fraude, ni dol, ni violence; ainsi, tous les principes se réunissent pour repousser sa demande. Il serait, en effet, contraire à la justice et à la saine raison, qu'un des contractans pût faire annuller son obligation, sous prétexte que dans la rédaction on aurait négligé une formalité que ce contractant eût lui-même dû faire observer.

Un pareil systéme doit être d'autant plus rejeté, qu'il est évident que la disposition de l'article 948 ne contient qu'une nullité relative; nullité qu'il n'est point permis au donateur de faire valoir, et qui ne fut introduite qu'en faveur des héritiers du donateur, pour conserver leurs droits, lorsque la portion déclarée non-disponible aurait été atteinte par la donation; mais la donatrice ayant la libre disposition de tous ses biens, elle ne peut tirer avantage de cette disposition, pour anéantir une convention qu'elle a librement consentie.

Du reste, ajoutait-elle, ma conclusion subsidiaire doit être accueillie, vu que les deux actes n'en font qu'un, que le second est, l'explication du premier, et que sans cet acte explicatif je serais énormément lésée.

L'avocat de la demoiselle P*** disait, pour faire confirmer la décision du premier juge, que les actes du 20 thermidor an XI, et 15 vendémiaire an XII, ne contenaient pas un contrat de vente, mais bien une donation entre-vifs, puisqu'ils énoncent expressément qu'une personne donne et que l'autre ac cepte avec reconnaissance ;

Qu'à la vérité, la donataire avait été chargée de payer une rente viagère à la donatrice, et d'acquitter toutes les dettes de commerce précédemment contractées, mais que ces charges n'altéraient point la nature du contrat, et n'avaient pu transformer un acte, qualifié donation par les parties, en un contrat de vente, principalement si l'on considère que la donatrice se dépouillait de tous ses biens; car, dans ce cas, le donataire s'impose de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation expresse, l'obligation de payer toutes les dettes contractées par le donateur, jusqu'à l'époque de la donation;

Que, quant à la rente viagère, elle n'était, en effet, qu'une pension alimentaire, puisqu'elle se pré sente comme la seule ressource qui restait à la donatrice, et qu'ainsi, quand même elle n'eût point été stipulée, elle serait due comme alimens: tout donataire les doit à son donateur qui en a besoin.

Loin donc que de telles conditions puissent altérer la nature de la donation : elles sont ouver tement autorisées par les lois, et leur inexécution peut même faire annuller toute donation. Art. 953 du code civil

La donatrice soutenait ensuite, en point de fait,

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