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chainement une carte à grande échelle, par courbes de niveau, mettant en évidence les résultats que nous venons d'indiquer. Mais un nouveau lever du terrain aux abords du lac est nécessaire.

La forme du lac, en effet, est en harmonie avec celle des montagnes qui l'entourent. Là où celles-ci sont plus élevées, le lac est plus profond. Les rivières qui débouchent dans le lac prolongent sous l'eau leurs cônes de déjection, comme nous l'avons vu pour la Dranse. Les moraines qui sillonnent la contrée émergée se retrouvent au fond du lac. La représentation du lac seul serait une œuvre intéressante sans doute, mais incomplète.

La carte d'état-major, faite il y a près de trente ans, est insuffisante et même erronée; une revision s'impose, avec la publication d'une nouvelle carte à une échelle notablement plus grande que le 1/80000. La Suisse a entrepris un travail analogue qu'elle est sur le point de terminer, elle va nous livrer prochainement des documents précieux pour la publication de la carte du lac Léman. Nous faisons tous nos vœux pour que l'état-major français ne reste pas en arrière.

Thonon, Juillet 1890.

N° 14

NOTE

SUR LES SONDAGES DU LAC D'ANNECY

Par MM. A. DELEBECQUE et L. LEGAY, Ingénieurs

des ponts et chaussées.

EXPOSÉ GÉNÉRAL.

Dans le printemps de l'année 1890 nous avons exécuté dans le lac d'Annecy des opérations de sondages analogues à celles du lac Léman. Nous avons été secondés par M. Garcin, conducteur adjoint et Magnin, commis des ponts et chaussées, qui ont conduit ces opérations, souvent délicates, avec beaucoup d'entrain et d'habileté. Nous leur adressons ici tous nos remercîments.

La méthode employée est la même que celle dont nous avons fait usage pour le lac Léman; mais ici nous n'avions plus la triangulation suisse, qui nous avait été d'un si grand secours dans nos précédentes opérations; nous avons été obligés de nous servir de la triangulation française, fort défectueuse en Savoie, et nous avons dû passer beaucoup de temps à la compléter.

La largeur du lac étant peu considérable (3,500 mètres au maximum), nous n'avons pas eu à faire grand usage du sextant. Le nombre des points sondés a été de 3.339, ce qui donne une moyenne de 123 points par kilomètre

carré; pour le Léman cette moyenne n'avait été que de 20. Les coups de sondage étant plus rapprochés au bord du lac qu'au milieu, on conçoit facilement que, plus un lac est étroit, plus le nombre des points sondés par kilomètre carré doit augmenter.

HISTORIQUE.

Jusqu'au commencement de l'année 1890, le lac d'Annecy n'était que fort imparfaitement connu. De Saussure y avait fait en 1780 quelques recherches. En 1860, l'abbé Boltshauser avait sondé le lac sur 47 points différents et était arrivé à quelques résultats intéressants. Des études zoologiques et thermométriques avaient été faites, notamment par M. Forel, le savant professeur de Morges, et M. Mangé, architecte de la ville d'Annecy. Mais les légendes les plus extravagantes couraient sur le relief du lac; les habitants d'Annecy parlaient de trous insondables, de gouffres communiquant avec le Léman ou avec le lac du Bourget. Beaucoup de personnes, même instruites, ont une tendance à exagérer la profondeur des lacs. Il faut bien se rappeler qu'elle est presque nulle, comparée à la hauteur des montagnes qui les environnent. Dans peu de temps, dans quelques milliers d'années, tous les lacs des Alpes seront comblés par les alluvions. L'histoire des lacs n'est qu'une phase insignifiante de l'histoire du globe.

FORME GÉNÉRALE DU LAC.

Le lac d'Annecy est une nappe d'eau d'une superficie de 27 kilomètres carrés, située à une altitude de 446,525 à l'étiage; sa longitude moyenne est de 3°51′; sa latitude moyenne de 45° 51'.

Ce lac (voir la Pl. p. 412bis) se compose de deux

Annales des P. et Ch. MÉMOIRES.

TOME I.

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Uor M

bassins. Celui du nord a une longueur d'environ 10 kilomètres, une largeur maximum de 34,5 et une profondeur de 64m,70, à l'exception d'un trou dont nous parlerons plus bas; celui du sud a une longueur d'environ 4 kilomètres, une largeur maximum de 1,5 et une profondeur de 55m,2. Ces deux bassins sont séparés par une barre extrêmement peu saillante sur laquelle la profondeur est de 49m,3. L'inclinaison des talus latéraux de cette barre est de 2 à 5 millimètres par mètre.

Tout d'abord nous avons une remarque importante à faire sur la position de cette barre. Si l'on jette les yeux sur la carte d'État-major (feuilles d'Annecy et d'Albertville) ou mieux encore sur la carte sarde au 1/50000 (feuille d'Annecy), où le lac a l'avantage d'être compris dans une seule feuille, on voit que la montagne dite de Duingt s'avance dans le lac en y formant un promontoire aigu sur lequel s'élève le pittoresque château de Duingt. Ce promontoire plonge jusqu'à une profondeur de 17 mètres et se relève ensuite à 200 mètres de la côte pour former le haut fond du Roselet, qui est à découvert quand les eaux sont basses. En ce point le lac subit un rétrécissement important la distance de Duingt à la pointe de Talloires n'est que de 800 mètres.

Il semblait (et c'était une opinion généralement admise) que la montagne de Duingt devait se prolonger suivant toute la largeur du lac en y formant une barre. La barre existe bien, mais elle est excessivement aplatie, et de plus elle est rejetée à 1 kilomètre au nord-ouest (*).

(*) Ce phénomène de rejet n'est pas particulier au lac d'Annecy. Il se rencontre dans d'autres lacs alpins et d'une façon frappante au lac des QuatreCantons. A peu près au milieu de la longueur de ce dernier lac se trouve un étranglement très prononcé (détroit des Nases) où la largeur du lac n'est que de 825 mètres. La barre qu'on s'attendait à rencontrer sur l'axe de cet étranglement est rejetée 800 mètres au nord-ouest; elle est d'ailleurs beaucoup plus accentuée que celle du lac d'Annecy.

Dans le même lac des Quatre-Cantons, on trouve, au milieu d'un bassin de

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