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gnies françaises. En 1878, une commission nommée en France par le Ministre des travaux publics a examiné la question, mais le rapport rédigé par M. Vicaire ne conclut pas en faveur de l'un ou l'autre système. Après ce rapide examen historique, MM. Bemelmans et Bruneel étudient l'état actuel de la question.

La forme du rail doit être calculée en vue de sa résistance quand il est à sa limite d'usure, contrairement à ce qui avait lieu à l'époque où les rails étaient en fer. La section autrement calculée aurait dans le cas du rail vignole des dimensions insuffisantes; il faut en pratique augmenter encore l'épaisseur et la largeur indiquées par la théorie pour le patin; aucune sujétion de ce genre n'existe avec le rail à coussinet, qui peut par suite être tracé identique au profil théorique. D'un autre côté, comme l'ont déjà fait remarquer M. Gruner en 1881 et plus tard M. Cazes, le patin du rail tend à se criquer ou au moins se trempe pendant le laminage, de sorte que l'on est obligé de prendre un acier moins dur et par conséquent moins résistant pour les rails vignoles que pour les rails à coussinets. En 1885, M. Sandberg, chargé de recevoir en Europe des rails destinés aux compagnies américaines, exprimait la même idée dans une note lue à l'Engineer Institute de Londres, et signalait la difficulté de donner au patin une largeur en rapport avec la hauteur du rail, sans exagérer son épaisseur.

On peut donner aux deux systèmes de rails des surfaces d'appui équivalentes en faisant reposer les rails à patins sur des selles métalliques; mais l'inclinaison est alors donnée par le sabotage de la traverse, ce qui exige une grande précision de la part de l'ouvrier, à moins que la selle ne donne elle-même l'inclinaison comme cela a lieu sur les chemin de fer de l'État néerlandais. Il faut remarquer que, dans ce cas, il est très difficile de modifier ultérieurement l'inclinaison du rail.

L'exposé rappelle ensuite les recherches de MM. Brière, Jules Michel et Coüard sur les efforts verticaux, transversaux et longitudinaux exercés par le matériel roulant sur les rails. Les premiers peuvent s'élever au double de la charge statique et se réduire au quart de cette charge. L'effort vertical peut même, d'après M. Considère, représenter sur un éclissage défectueux, par exemple, près du triple de la charge statique.

M. Brière a reconnu que le rail de l'Orléans soumis à une charge verticale de 3.000 kilogrammes par traverse se renversait sous l'action d'un effort transversal de 12.250 kilogrammes, et que le même effet se produisait avec un effort de 8.680 kilogrammes quand le rail était déversé déjà de 0.02 vers l'extérieur. La pression au bord intérieur du patin s'élève dans les mouvements de lacet de la machine à 206 kilogrammes par centimètre carré avec le rail vignole du nord; elle n'est que 26 kilogrammes pour le rail à coussinets du London and North Western Railway. En courbe avec une action transversale de 7 à 8.000 kilogrammes, qui se présente souvent, la pression sur la traverse près de l'arête extérieure du patin est de 2.000 kilogrammes ou de 48 kilogrammes suivant qu'il s'agit du premier ou du second des rails ci-dessus indiqués.

M. Couard a constaté que, par suite du déversement, la voie vignole se rétrécit en alignement et s'élargit en courbe; que, dans les courbes de 1.000 mètres de rayon, la file du petit rayon se déverse le plus à l'extérieur de la voie; qu'en alignement droit, la file de l'accotement se déverse le plus à l'intérieur de la voie; qu'enfin, dans les courbes, la selle diminue le déversement du rail extérieur dans un rapport variable de 60 à 90 p. 100.

La principale objection de M. Couche contre la voie à coussinets était l'emploi des coins qu'il considérait comme un moyen de serrage peu efficace et peu sûr.

MM. Bemelmans et Bruneel montrent que cette crainte est sinon illusoire du moins très exagérée et que les nouveaux coins en acier appliqués par les chemins de fer de l'État en France donnent d'excellents résultats à ce point de vue. Le coin à l'avantage de s'opposer au déplacement longitudinal de la voie et le rail à coussinets est d'un remplacement facile et rapide. Le mode d'attache du rail vignole l'emporte par la simplicité et par l'économie de premier établissement. Mais les traverses de la voie à coussinets ne sont mises hors d'usage habituellement que pour cause de pourriture générale; elles peuvent être faites en bois tendres équarris qui répartissent de la manière la plus favorable la pression sur le ballast.

A la fin de leur exposé, les rapporteurs citent quelques conclusions du mémoire de MM. Sartiaux et Bandérali sur l'étude du matériel à adopter pour les chemins de fer corse et du rapport de M. Martin, inspecteur général des ponts et chaussées, sur les mesures propres à assurer la stabilité de la voie dans les courbes de petit rayon.

MM. Sartiaux et Bandérali recommandent la voie lourde à coussinets pour les lignes à gros trafic et à trains rapides, le rail vignole pour les lignes à voie étroite et à faible trafic. M. Martin affirme la supériorité de la voie à coussinets à large base au point de vue de la stabilité, surtout en courbes de faible rayon, et fait remarquer que l'économie résultant de la suppression du coussinet est à peu près compensé par l'obligation d'employer des traverses en chêne à l'exclusion des traverses en sapin. Il cite l'exemple de la compagnie d'Orléans qui a des voies des deux systèmes et qui n'a cru devoir laisser circuler des trains rapides sur la ligne de Paris à Toulouse qu'après y avoir remplacé, là où la voie vignole avait été établie, cette voie par la voie à coussinets dans toutes les courbes de faible rayon.

Discussion. La question a donné lieu à une discussion des plus intéressantes. M. Hohenegger, directeur de la construction au chemin de fer du nord-ouest autrichien et jonction sud-nord allemande, a fait remarquer qu'en employant des selles d'une forme convenable comme celle qu'il a proposée, on pouvait donner au rail vignole une base aussi forte sinon plus forte qu'au rail à coussinets. Il reproche à ce dernier système l'usure que l'acier du rail doit nécessairement subir au contact du coussinet en fonte. M. Michel, ingénieur en chef adjoint de la voie au chemin de fer P.-L.-M., trouve que l'on exagère les difficultés de la fabrication au laminoir et du dressage du rail à patins. En donnant au patin une épaisseur suffisante, on évite la trempe de cette partie du rail. L'emploi de la selle est sans doute indispensable pour les lignes à fort trafic, mais on peut par ce moyen faire disparaître toute tendance au renversement. Enfin, avec le rail vignole, on échappe aux inconvénients des coins en bois dont il est difficile de maintenir le serrage d'une manière permanente.

M. Brière répond que la compagnie d'Orléans fait des trains rapides sur la ligne de Paris à Toulouse dont une section de 200 kilomètres comporte des courbes de 300 mètres de rayon et de 16 millimètres de pente. Les rails à double champignon ne pèsent que 36 kilogrammes, et les trains express parcourent cette section avec des vitesses normales de 75 kilomètres à l'heure. L'année dernière, on a même, à titre d'expérience, pu atteindre la vitesse de 90 kilomètres à l'heure sans aucun inconvénient pour la voie. Quant au défaut de serrage des coins en bois, il est bien facile d'y obvier en utilisant les coins en acier David qui coûtent à peine 0',25 et ne se desserrent jamais. Si la compagnie d'Orléans n'a pas adopté ces coins, c'est qu'il lui a paru tout à fait superflu de renoncer aux coins en bois.

M. Sandberg, tout en décrivant une plaque qu'il appelle normale et qui peut être appropriée aux divers types de rails vignoles reconnaît la supériorité du rail à coussinet. La même opinion est exprimée par M. Montegazza, directeur de l'entretien des chemins de fer de la Méditerranée (Italie) qui voit dans le rail à coussinet le rail de l'avenir.

Comme résumé de la discussion, les conclusions suivantes ont été proposées à la section qui les a adoptées, et cette décision a été confirmée par l'assemblée plénière du Congrès.

Conclusions. L'assemblée estime que les voies à coussinets et les voies vignoles fortement constituées offrent toute garantie au point de vue de la sécurité de l'exploitation. Toutefois, la voie lourde, à coussinets à large base, semble devoir être plus spécialement la voie des lignes parcourues par des trains nombreux et lourds, circulant à de très grandes vitesses.

Elle paraît avantageuse encore pour les lignes à sinuosités très accentuées.

La voie vignole, qui, débarrassée des compléments indispensables pour les lignes à grande vitesse, est plus économique de premier établissement que la voie à coussinets peut être préférée pour les lignes à trafic moins lourd et surtout à trains moins rapides.

Toutefois, en cette matière, comme en beaucoup d'autres concernant l'exploitation des voies ferrées, il est difficile de poser des règles qui soient d'application générale et en dehors des considérations intrinsèques inhérentes à chaque système de voie, il faut tenir compte des circonstances spéciales propres au réseau envisagé.

La vitesse plus ou moins grande des trains, l'intensité du trafic, la régularité du tracé, le développement relatif des lignes à grand trafic et des lignes secondaires, la

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