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apportant certaines modifications au décret de 1910 on permettrait à l'Office de remplir dans de meilleures conditions le rôle qui lui est dévolu. Charguéraud fut chargé, en conséquence, de rédiger un nouveau projet de décret qui avait pour objet, notamment, d'orienter l'activité de l'Office vers l'étude de la question hôtelière et, d'une façon générale, vers les questions de pur tourisme.

A la suite de cette instruction, le Gouvernement promulgua, le 5 août 1916, un règlement d'Administration publique, qui apporta un certain nombre de changements au décret de 1910 et dont l'application donne entière satisfaction aux intéressés.

Les lois sur l'expropriation. - Il n'est pas une question que Charguéraud ait étudiée avec plus de soin et d'esprit de suite que celle du rajeunissement et de l'amélioration de la loi du 3 mai 1841 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Trois lois successives, promulguées en 1914, 1918, et 1921, modifièrent celles des dispositions de la législation de 1841 qui paraissaient incomplètes ou trop restrictives. Charguéraud prit une part prépondérante à la rédaction des propositions soumises aux délibérations de la Chambre et du Sénat. Il fut chargé, en qualité de Directeur, d'intervenir, avec le titre de commissaire du Gouvernement, dans les discussions que les ministres eurent à soutenir dans les enceintes législatives. Mais ce qu'il convient surtout de remarquer, c'est que le ministre des Travaux Publics. lui confia pour la troisième fois, en 1920, les fonctions de commissaire du Gouvernement, bien qu'à ce moment il eût abandonné la Direction depuis plusieurs années. Était-il possible de rendre un hommage plus significatif à la compétence éprouvée de Charguéraud et à la valeur des services qu'il avait rendus ?

Par un décret du 5 décembre 1910, une Commission interministérielle avait été chargée d'étudier les modifications à introduire dans la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique. La Commission, tout en concluant au maintien des principes posés en 1841, proposa la modification de 27 articles de la loi en vigueur; mais, en 1911, le Gouvernement fut conduit

à ne demander au Parlement qu'une réforme restreinte de la législation existante. Il déposa un projet qui est devenu la loi

du 21 avril 1914.

Cette loi a eu seulement pour effet de donner au magistrat directeur la présidence du jury (ce qui procure à l'expropriant comme à l'exproprié une nouvelle garantie), et d'obliger le jury à prononcer distinctement à l'égard du préjudice purement éventuel, alors que le législateur de 1841 avait omis de stipuler que l'indemnité ne devait comprendre que la réparation du préjudice actuel et certain causé par l'expropriation.

Mais ni l'Administration, ni le Parlement ne pouvaient se désintéresser des points restés en souffrance et le Sénat fut saisi, en 1917, de propositions nouvelles dont la discussion aboutit à la loi du 6 novembre 1918. A côté de modifications accessoires, relatives à la notification du jugement d'expropriation, à l'établissement de la liste du jury, au paiement des indemnités et des impositions, ou rendues nécessaires par l'organisation de l'expropriation par zone, c'est cette dernière modalité de l'expropriation qui constituait l'innovation essentielle de la loi de 1918. L'Administration a désormais la faculté, à laquelle Charguéraud attachait tant de prix, d'exproprier, outre les immeubles compris dans le périmètre des ouvrages projetés, tous ceux qui sont reconnus nécessaires pour assurer à ces ouvrages leur pleine valeur, ou bien ceux auxquels les ouvrages projetés pourront procurer une plus-value supérieure à 15 p. 100. La loi de 1918 donne aussi le moyen à la collectivité expropriante de récupérer les plus-values qu'acquerront certains immeubles par suite de la réalisation des travaux projetés.

Quant au projet de loi présenté en 1919 et qui a abouti à la loi du 17 juillet 1921, il portait exclusivement sur le régime de l'expropriation conditionnelle.

Le plus sérieux obstacle à l'exécution des grands travaux publics, c'était beaucoup moins l'élévation souvent excessive des allocations accordées à l'exproprié, que l'incertitude qui pesait sur les décisions des jurys. Le Gouvernement ne cherchait pas d'ailleurs à diminuer les garanties données par la loi aux pro

priétaires. Il demandait simplement qu'il fût possible aux administrations expropriantes de renoncer à leurs projets lorsque la réalisation de ces projets devait les entraîner à des dépenses dépassant leurs moyens financiers. Le Parlement est délibérément entré dans ces vues, et l'article 2 de la loi de 1921 règle dans tous ses détails la procédure de « l'expropriation conditionnelle ». En outre, l'article 1er comporte une certain nombre de dispositions d'ordre administratif ou juridique concernant, notamment, la publication des avertissements relatifs au dépôt des plans parcellaires, le paiement des acquisitions dont la valeur ne dépasse pas 1.500 francs, la formation du jury et de la liste de session, la fixation de l'indemnité de plus-value, etc.

Tous ceux qui ont suivi les débats sur l'expropriation, ainsi que les pourparlers antérieurs à ces débats, savent combien la collaboration intime et confiante de Charguéraud avec les rapporteurs parlementaires a facilité le vote rapide par les deux Chambres des excellentes dispositions qui ont maintenant force de loi.

L'autonomie des ports maritimes. -La question qui fait l'objet de la loi sur l'autonomie des ports maritimes de commerce n'était pas nouvelle au moment où Charguéraud fut nommé Directeur de la Navigation. En 1886, MM. Félix Faure et Siegfried demandèrent la remise de l'administration des ports aux mains des Chambres de commerce. Cette idée fut reprise dans deux propositions de lois : l'une de M. Le Cour-Grandmaison (23 janvier 1888), l'autre de M. Siegfried (7 mai 1907). D'autre part, par une résolution du 11 décembre 1906, la Chambre des Députés invita le Gouvernement à étudier la réforme du régime administratif de nos ports, notamment par l'extension des attributions des Chambres de commerce.

Charguéraud n'était pas un chaud partisan de l'autonomie des ports; il estimait que, si les ports français n'avaient pas reçu depuis un quart de siècle tous les perfectionnements qui leur eussent été indispensables pour lutter contre les ports étrangers, cela tenait surtout aux difficultés financières contre lesquelles

le Gouvernement avait eu à lutter. Avec les mêmes crédits budgétaires, déclarait le Directeur de la navigation, des administrations autonomes n'auraient mieux fait qu'à condition d'accroître outre mesure les charges de la navigation maritime. Charguéraud ne méconnaît pas d'ailleurs que, les grands travaux mis à part, beaucoup de questions de détail touchant les ports maritimes gagneraient à être tranchées définitivement sur place; il est d'avis que la création d'organismes tels qu'il en existe dans quelques ports étrangers, formant un lien entre tous les intéressés, offrirait une utilité pratique, mais à la condition que le rôle des représentants de l'État y restât prépondérant, « l'État seul pouvant tenir la balance égale entre les intérêts opposés et éviter que les intérêts locaux soient avantagés au détriment de l'intérêt général ».

Quoi qu'il en soit, M. Millerand, ministre des Travaux Publics, décida, après avoir obtenu l'adhésion de ses collègues intéressés, de répondre à l'invitation contenue dans la résolution de la Chambre des Députés du II décembre 1906 et, à la date du 19 octobre 1909, le Gouvernement saisit le Parlement d'un projet de loi << sur le régime des ports maritimes de commerce ».

Faisant sans doute allusion aux idées personnelles du Directeur de la navigation, M. Millerand, devenu Président de la Ligue maritime française, rappela, neuf ans plus tard, au cours d'une séance du Conseil supérieur des Travaux Publics, que ses collaborateurs du Ministère n'avaient pas vu avec beaucoup de plaisir l'idée nouvelle entrer dans notre législation : « Ils m'ont, ajouta-t-il, et c'était leur devoir, fait leurs observations, après quoi ils ont très correctement et très loyalement suivi les instructions du Ministre et celles du Parlement. >> Charguéraud, qui présidait la séance du Conseil supérieur, fut particulièrement sensible à cet hommage de l'illustre homme d'État qui avait été son chef direct.

Le projet de 1909 devint la loi du 5 janvier 1912, laquelle a prévu la possibilité d'instituer dans un port maritime un régime administratif spécial qualifié, dans le langage courant, d'« autonomie ». Mais la loi de 1912 n'a réglé qu'une seule des questions

qui avaient été soulevées à l'occasion du régime des ports. Elle s'est bornée à transférer à un organisme local la presque totalité des attributions de l'Administration centrale du Ministère des Travaux Publics, et les partisans de l'autonomie constatèrent, avec regret, qu'aucune amélioration n'était apportée à la procédure relative à la déclaration d'utilité publique des grands travaux et qu'aucune tentative n'était faite pour unifier l'action des divers services qui interviennent dans la vie d'un port maritime.

En vue de répondre à cette double préoccupation, M. Claveille, Ministre des Travaux Publics, fit dresser un nouveau projet de loi dont le titre Ier était formé des dispositions de la loi de 1912 modifiées, notamment, par la création d'un organe de direction qui, non seulement aurait pour mission d'exécuter les décisions du Conseil d'administration du port, mais serait le représentant unique des ministres pour la partie du service qui concerne l'exploitation. Quant au titre II, il était relatif à la simplification des formalités préalables à l'exécution des travaux, aussi bien pour les ports restant sous le régime actuel que pour les ports placés sous celui de la nouvelle loi. Ce projet de loi fut examiné et discuté par le Conseil supérieur des Travaux Publics que présidait Charguéraud, et le Gouvernement le transmit, à la date du 3 juin 1919, à la Chambre des Députés, en même temps qu'un exposé des motifs circonstancié rédigé tout entier par Charguéraud. Le Parlement ne tarda pas à voter la loi nouvelle qui porte la date du 12 juin 1920 et qui a été complétée par un règlement d'administration publique du 23 septembre 1921.

Les Chambres de commerce du Havre et de Bordeaux ont récemment demandé l'application, au profit de leurs ports respectifs, de la loi concernant l'autonomie des ports maritimes. Ces demandes ont été soumises aux formalités réglementaires d'instruction, lesquelles ne sont pas encore terminées.

Exécution sur fonds d'emprunt des travaux d'amélioration des ports. Charguéraud fut conduit plus d'une fois à faire ressortir les inconvénients que présentait à ses yeux la méthode financière

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