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eût été au moins plus aisée [on a même proposé, à la fin de 1911, un massif d'enrochements entre (14) et (3,00) pour reprendre, par d'autres procédés, le balisage de Rochebonne].

En supposant même ces difficultés résolues, on ne devra pas oublier, encore et surtout, qu'il faudrait pouvoir trouver, au moment voulu (en morte eau dans l'espèce), afin de ne pas compromettre en un instant le fruit de plusieurs années de travail et de dépenses, 6 jours consécutifs au moins (1) de calme presque absolu succédant à une embellie déjà assez longue pour détruire la houle océanique, et qu'une telle circonstance est aussi rare en pleine mer, dans la situation climatérique et hydrographique de cette partie du golfe de Gascogne, que difficile à prévoir, malgré la T. S. F., en l'état actuel de la météorologie.

La pointe sous-marine de Chanchardon (122) est un plateau assez régulier rattaché à l'île de Ré. Pour l'éclairer avec sécurité(2) il convenait d'asseoir l'ouvrage de balisage vers la cote (— 4,00) à (5,00); ces circonstances justifiaient donc une fondation par caisson pour laquelle la mer déjà brisée par les îles, amortie par la remontée des fonds, d'autre part, la moindre distance de La Rochelle-La Pallice (12 milles) autorisaient, à côté des difficultés rencontrées à Rochebonne, tous les espoirs de succès.

Après la reconnaissance de l'avancée sous-marine, qui se révéla suffisamment plate (avec une déclivité totale de o m. 25 sur la largeur du caisson) pour dispenser de tous travaux d'arasement longs et coûteux, le caisson fut conduit sur place (à l'allure de 2 nœuds et demi) et coulé le 26 juin 1913, à 19 h. 30, en morte eau, par jolie brise de W.-N.-W. variable et petite houle.

Le lendemain (journée de 16 heures), on débarrassa le pont du caisson de sa protection, on démonta les panneaux du fond et on commença à les sortir de la chambre de travail, tandis qu'on détachait les avant-becs en bois.

(1) Le bétonnage de la chambre de travail a demandé ensuite 7 à 8 jours de travail effectif, par beau temps, à Chanchardon.

(2) La plongée très douce de ces côtes plates des Pertuis ne permet pas de guider suffisamment la navigation par des ouvrages situés, comme ailleurs, plus près de terre, ou sur un écart émergeant du littoral; car la distance entre le repère et les fonds praticables serait trop grande pour être mesurée à l'estime.

Les jours suivants, les scaphandriers nettoyèrent la roche sous la chambre de travail, ce qu'on n'avait pas cru devoir faire auparavant, afin de ne pas retarder l'immersion; ils enlevèrent les premiers flotteurs qui se démontèrent aisément, sauf en morte eau où leur tendance à émerger n'était pas assez franche pour provoquer leur décollement..

C'est la liaison du caisson avec le fond qui fut la partie vraiment épineuse de la construction; il est donc intéressant de la résumer en vue d'autres tentatives semblables.

Les scaphandriers avaient constaté que le couteau pénétrait (sur o m. 15 au plus) dans la roche sur les deux tiers environ du pourtour (non sur un périmètre continu, mais avec deux interruptions). Ailleurs la flèche du porte-à-faux mesurait jusqu'à o m. 25.

Le remplissage de la chambre de travail ayant été prévu, à Rochebonne, en ciment pur, on avait ménagé, dans sa muraille verticale, 16 soupiraux, de o m. 80 x 0 m. 80, pour l'évacuation des laitances, également pour la meilleure tenue du caisson à la mer pendant les remorques.

Quand on voulut entreprendre le remplissage, on comprit, seulement alors, que ces soupiraux étaient le siège d'un courant alternatif violent (2 à 3 mètres de vitesse); une levée de la mer à peine perceptible à l'extérieur se traduisait, dans la chambre de travail, par une dénivellation de 30 à 40 centimètres (correspondant à un débit de 35 ou 40 mètres cubes d'eau).

Aucun grillage métallique, même des sacs de ciment, ne pouvaient résister à ces courants.

On imagina d'obturer les vides par de fortes grilles, à mailles de 10 à 15 centimètres et fers de 7 mm., recouvertes de toile à voile, appliquées intérieurement, non seulement contre les soupiraux, mais aussi au droit des porte-à-faux de la tranche; elles étaient retenues et manœuvrées à la demande par des filins d'acier de 8 mm. passant par les gaines ou sous le couteau et remontant à l'extérieur jusque sur le pont supérieur (fig. 25). En outre, un fort cordon de gros moellons calcaires, descendus dans des bennes, fut constitué sur le pourtour intérieur de la chambre

pour contrarier le courant et maintenir les grilles (1); des sacs de ciment comblaient les soupiraux (8 à 10 par orifice, derrière les tas de moellons). On admettait que le bétonnage général de la chambre de travail noierait les moellons dans un bain de mortier ou de ciment précipité en poudre et que, la tranche inférieure du béton ayant bloqué le vide sous le couteau, on substituerait une toile métallique fine aux grilles des soupiraux, ou qu'on manœuvrerait celles-ci pour l'évacuation plus normale des laitances.'

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Fig. 25. — Tour de « Chanchardon » (122). — Dispositif pour le remplissage de la chambre de travail.

Ce bétonnage (dosage de 500 kgs de ciment par mètre cube de béton, doublé sur o m. 10 au contact du rocher) fut entrepris dans ces conditions; pour éviter le grand délavage qui eût résulté d'un long traînage du béton sur le fond, on avait pris le parti de le monter en tas là où les bennes descendaient sous les panneaux, et on comblait les intervalles ensuite.

Malgré les précautions susvisées et un brossage énergique aux reprises, on eut peine à chasser les laitances. On ménagea deux

(1) On avait même envisagé un moment de remplir toute la chambre de moellons, et de les relier ensuite par des injections de liant, tant on redoutait la difficulté d'un parfait remplissage de cette chambre; on y renonça sagement, de peur de ne réaliser qu'une liaison vraiment trop incomplète avec le fond.

séries de tubes, de o m. 15 et o m. 06 de diamètre, pour les remplissages complémentaires et injections ultérieures.

La construction, infrastructure et superstructure, s'acheminait normalement vers le couronnement (le feu fut mis en service en 1919, malgré les difficultés résultant de la guerre et une inter ruption des travaux en 1917 et 1918), lorsqu'on s'aperçut, en 1915, avec une certaine stupeur, que la masse entière oscillait sur sa base sous l'action des lames, voire même de la plus faible agitation; on observait aisément ces mouvements aux jumelles, par forte houle, du pont du vapeur mouillé à 300 mètres de l'ouvrage; on put le vérifier à l'aide d'un burin tenu sous le couteau par un scaphandrier, et en mesurer l'amplitude par l'usure des têtes de rivets tracée sur les moellons enveloppant le caisson.

On se rendit vite compte que cette situation était due au bourrage incomplet de la chambre de travail, au manque d'homogénéité de ce massif intérieur, à l'impuissance des injections à refouler l'eau ou les laitances pour pénétrer les vides inférieurs.

Peut-être les oscillations mêmes du caisson, dont on ne s'était pas avisé tout d'abord, avaient-elles empêché la prise du béton de s'effectuer normalement, c'est-à-dire en le bloquant sur la roche; peut-être celle-ci s'était-elle entaillée peu à peu davantage, sous une pression trop inégalement répartie.

Quoi qu'il en soit, il fallait remédier à cet état d'instabilité, qui ne mettait probablement pas la construction en péril, du moins immédiatement, eu égard à la configarution du plateau rocheux et à sa défense propre contre les lames, mais qui pouvait être une source d'inquiétude pour l'avenir, à l'heure de la dissociation des parties métalliques ou de la décomposition éventuelle des mortiers et qui demeurerait, en tous cas, une circonstance très nuisible au bon fonctionnement d'un feu.

On envisagea tout d'abord divers procédés de calage au scaphandre avec des vérins ordinaires, des cales en chêne, puis en ciment pur (1 m. × 0,40 × 0,20) sous le couteau. On espérait faire tenir un bourrelet extérieur fiché jusque sous la chambre. Mais les aventures commencèrent avec des cassures dans le calage, ou avec la disparition des cales, avec plusieurs desserrages Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1924-I.

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insolites des vérins ; on remplaça ceux-ci par des engins spéciaux, plus larges de base et indévissables (clefs emprisonnées dans un massif de ciment coulé ad hoc). Ces précautions ne suffirent encore pas pour empêcher le décollement du bourrelet entrepris; les tempêtes décalaient chaque fois le tout.

A la faveur d'une de ces opérations effectuée par petite houle, le scaphandrier s'aperçut qu'après avoir cru caler à bloc le caisson par ses vérins, il pouvait encore le soulever sur eux, par moments, d'une certaine quantité. On comprit alors que la masse n'était pas libre seulement d'osciller dans un sens, mais qu'en raison de l'existence des deux zones de porte-à-faux constatées après sa pose, elle était capable, outre des oscillations assez amples et aisées d'un bord sous l'effet de la plus faible houle, d'oscillations secondaires au delà d'une position d'équilibre rela

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Fig. 26. Oscillations du caisson de Rochebonne à Chanchardon (122). tif (fig. schématique 26) si elle la dépassait sous l'action de plus fortes lames; c'est évidemment au passage de ces dernières que le scaphandrier réussissait à accentuer le soulèvement du caisson.

Mieux renseigné sur le mystère des aventures passées, le personnel orienta définitivement le chantier vers la solution convenable; on ne devait plus hésiter à chercher, jusque sous les consoles qui supportaient les flotteurs de lancement, le point d'appui nécessaire pour arcbouter le caisson sur la roche (fig. 27).

On noya partiellement ces importantes armatures dans une risberme de 2 m. de largeur et de 1 m. 40 de hauteur, coulée en béton dans une enceinte de toile métallique.

On avait dû, au préalable, creuser de nombreuses cavités sous le couteau pour pouvoir y engager des vérins suffisants (1), vu la

(1) 1 vérin à 8 têtes, 1 vérin à 4 têtes, 4 vérins à 2 têtes.

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