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Si dans l'établissement d'un programme d'endiguement on se gardait contre cet état-limite, il ne semble pas y avoir de raison pour que l'on ait des surprises occasionnées par l'exhaussement du lit du cours d'eau, d'autant plus que la majoration des montées se traduit par un accroissement des profondeurs d'eau dans le lit mineur; les vitesses moyennes d'écoulement sont augmentées en proportion et ont une plus grande tendance à creuser le lit, c'est-à-dire à augmenter sa section.

L'établissement d'un réseau de digues et son entretien ultérieur sont d'ailleurs les entreprises les plus délicates et les plus ingrates qui puissent échoir à des ingénieurs et ceux qui y consacrent toute leur activité ont un grand mérite.

Sir William Wilcox a rappelé dans un congrès aux États-Unis l'ancienne tradition de Babylone suivant laquelle on jetait les ingénieurs dans les brèches des digues qu'ils n'avaient pas pu empêcher de se rompre, mais il n'est pas besoin de la menace d'un pareil châtiment pour leur donner la conscience de leurs lourdes responsabilités.

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L'annonce des crues est basée sur la conviction qu'en connaissant les cotes sur une échelle déterminée on peut en déduire les cotes sur les échelles placées en aval.

Les calculs que nous avons faits justifient cette conviction, puisque nous avons montré qu'une intumescence dont les hauteurs h sont connues en un point x, en fonction du temps ne peut se propager que d'une seule manière vers l'aval, de sorte que le problème est complètement déterminé.

Dans la pratique on cherche, en général, une relation simple entre les cotes à l'échelle x。 et les cotes à une échelle x placée à l'aval et on se sert ensuite de cette relation. Cette manière de procéder ne peut donner des résultats un peu précis que pour les crues longues et régulières, c'est-à-dire pour celles dont la vitesse de propagation est voisine du minimum et dont la forme ne présente pas de changements rapides qui se propagent avec une vitesse très différente de celle de la masse générale de la crue.

Nous avons vu, en effet, que les intumescences régulières mais pas très longues ont des vitesses de propagation très variables et croissantes à mesure que la durée du phénomène se réduit. Nous avons vu, en outre, que les discontinuités à l'origine, les pointes, les changements de régime rapides apportés par l'arrivée d'un affluent se propagent avec la vitesse maxima et s'atténuent suivant une loi dont les effets sont beaucoup plus prompts que pour l'atténuation de l'intumescence principale. Après un certain parcours, l'intumescence principale se débarrasse donc de toutes ces singularités pour avoir une forme à courbures très lentement variables; c'est à cette forme épurée et allongée que l'on peut appliquer des lois simples de propagation.

Il est à peine besoin de signaler que l'on ne peut guère recommander, dans la pratique, le mode de prévision que nous avons indiqué plus haut et qui consiste à développer l'intumescence en série de sinus et de cosinus dont on suit la propagation vers l'aval.

Le développement doit être fait dans un intervalle de temps qui déborde largement la durée de l'intumescence avant son début et après son passage, de façon que les périodes voisines n'influencent pas sensiblement la période que l'on étudie. Mais lorsque la crue est passée depuis plusieurs jours en x。 et que l'on a fait les longs calculs nécessaires, son maximum a déjà dépassé les points intéressants situés à l'aval et la prévision n'a plus aucun intérêt pratique. En outre, les calculs supposent que le lit mineur et le lit majeur sont, en moyenne, assez exactement définis, ce qui n'a pas toujours lieu.

Pour éclairer ce que nous venons de dire nous allons donner trois exemples de singularités, les deux premiers tirés de l'observation directe, le troisième tiré d'une application numérique de nos calculs.

Lorsque l'on suit les courbes de crues du Mississipi pendant le premier semestre 1913 on voit qu'il y a eu deux crues principales correspondant à des ondes d'une longueur voisine de 60 jours et une crue secondaire placée entre ces deux crues principales et dont la durée a été voisine de 18 jours.

Ces crues sont venues principalement du bassin de l'Ohio et

sont entrées dans le fleuve principal à Cairo; en les suivant jusqu'à Vickburg, à 1.000 kilomètres en aval, on remarque que la première crue principale a mis 16 jours pour franchir cette distance, la crue secondaire a mis 6 jours et la deuxième crue principale a mis une vingtaine de jours.

L'écart entre les deux crues principales tient en grande partie à ce que des ruptures importantes de digues se sont produites pendant la seconde, tandis que la première, un peu moins haute, était passée en ne produisant qu'une seule rupture voisine de Vicksburg.

Mais pour la crue secondaire, sa durée voisine de 18 jours lui assignerait une vitesse de propagation peu différente de celle des grandes crues si on ne remarquait pas qu'en raison de sa faible hauteur elle n'est presque pas sortie du lit mineur et que, par suite, le retard occasionné par le lit majeur ne l'a presque pas influencée. La singularité que nous venons de signaler tient donc beaucoup plus à la forme du lit qu'à celle de la crue.

Prenons maintenant un phénomène d'un autre ordre. Une crue très brutale s'est manifestée dans le Fleuve Rouge, à Yeu Bay, en 1918; la montée avait été de 2 mètres en 24 heures et elle avait été suivie d'une brusque décrue formant une pointe marquée au maximum; le changement brusque de régime que marquait la pointe a franchi en trois heures environ la distance de 75 kilomètres qui sépare Yeu Bay de Phu-to, la vitesse moyenne étant ainsi de 7 mètres à la seconde, tandis que la partie régulièrement ascendante de la crue a mis 12 heures à se propager sur la même distance, la vitesse moyenne étant ainsi de 1 m. 75 seulement. Enfin si l'on prend une intumescence en forme de cosinus.

avec

T

T

t variant de

à +

2

2

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, que l'on développe z en série de sinus

et cosinus dans un intervalle 3T débordant largement le phénomène et que l'on suive la propagation du développement ainsi obtenu, on voit que le maximum de l'intumescence se propage

avec une vitesse peu différente de celle de l'onde de période T et s'atténue à peu près de la même manière.

La discontinuité placée à l'origine se propage avec la vitesse maxima

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et les points de la partie ascendante de la crue se propagent avec des vitesses régulièrement décroissantes jusqu'au maximum.

En ce qui concerne la décrue, elle a un retard notable sur la montée et elle s'allonge de façon à pouvoir absorber le volume laissé disponible par l'atténuation du maximum.

Ces résultats des calculs coïncident, d'ailleurs, avec les observations que l'on peut faire directement.

N° 15

NOTE

SUR LA

RUPTURE DU BARRAGE DE GLÉNO

Par M. DEGOVE,

Ingénieur en chef d'es Ponts et Chaussées.

La rupture du barrage de Gléno survenue en Italie, le 1er décembre 1923, vers 7 heures du matin, a provoqué partout une vive émotion. Le flot créé par la vidange rapide du réservoir de 8 millions de mètres cubes s'est précipité dans la vallée étroite du Dezzo, sans qu'on ait pu donner l'alarme. Il a surpris dans leurs maisons les habitants dont beaucoup étaient encore couchés; seuls ont réussi à se sauver ceux qui ont eu l'impression d'un danger imminent par le souffle et le grondement précédant l'avalanche liquide. Ce flot violent, survenant soudainement à une heure aussi matinale au travers des villages de Dezzo, Mazzuno, Darfo, a fait plus de 500 victimes et détruit de nombreux bâtiments. Si les conséquences terribles de ce désastre ont pu susciter une certaine frayeur des barrages-réservoirs, il ne faut pas qu'elles contribuent à rendre suspects ces ouvrages en général.

La connaissance des causes de l'accident est de nature à dissiper les craintes qu'une si douloureuse catastrophe a pu inspirer. Comme plusieurs revues françaises (1), ou étrangères ont déjà publié à ce sujet des articles pour éclairer et rassurer l'opinion, nous avons cru intéressant de documenter également les lecteurs des Annales.

Le barrage de Gléno est situé près de Vilminore (province de Bergame). Le fond de la gorge est aux environs de la cote 1500

(1) Voir notamment le Genie Civil du 12 avril 1924.

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