Page images
PDF
EPUB

« La science de la procédure s'étend à tout ce qui compose l'administration de la justice, à la juridiction des différents tribunaux, à leur compétence, à cette complication et à cette immense variété d'affaires qui se forment dans la région orageuse des intérêts humains.

<«< Sans la procédure, la loi civile ne serait qu'une lettre morte. La procédure, en l'animant, s'unit intimement à ses vues et à ses fins. Comme la loi civile, elle s'élève aux grandes théories du droit naturel, les organise et scelle, par l'autorité des jugements, les principes conservateurs de l'ordre et de la paix publique.

« Une pareille matière mérite d'être étudiée.....

« L'étude des lois consiste surtout dans la recherche de leur esprit et de leur raison.

«Ne savoir que leurs termes, c'est les connaître mal.

« Il n'est plus indispensable de chercher à de grandes profondeurs le fond de la pensée du législateur; nous avons des secours qui manquaient autrefois, les exposés des motifs et les rapports.....

<< Autant il était pénible de s'épuiser en conjectures sur la raison d'un vieux texte, autant il est facile de saisir l'esprit d'une loi contemporaine, donnée avec le commentaire du législateur lui-même.

« Il est permis de s'enorgueillir des facilités que cette alliance du pouvoir qui sanctionne les lois, et de la sagesse qui les explique, fournit chez nous à l'étude et à l'application du droit, lorsqu'on jette les yeux sur la législation de nos voisins.

<< Blackstone a dit que de son temps l'étude des lois anglaises exigeait vingt-cinq années.

<< Il en faut bien davantage aujourd'hui.

« Les Anglais ont une loi écrite dans les statuts du royaume (statute law), dans le droit romain (civil law), dans le droit canon (ecclesiastic law) et dans les règlements du commerce (law merchant). Leur loi non écrite, qu'ils appellent la loi commune (common law) est une masse informe et indigeste d'us et de coutumes, dont les recueils de jugements sont l'unique dépôt. Leur jurisprudence n'est pas la science du droit; elle n'est, à vrai dire, que la mémoire des précédents. Ils ne s'attachent point, dans la discussion d'une affaire, à examiner la loi et à en développer les principes, mais seulement à rechercher ces précédents et à prouver que l'espèce actuelle est la même que celle jugée par tel arrêt, ou qu'elle en est entièrement différente.....

« Promulguer les lois anglaises telles qu'elles sont à présent, soit les décisions antérieures des juges, soit <«< même les statuts des parlements, ce ne serait rien << faire pour le public, a dit Bentham. Que sont des recueils qu'on ne peut entendre? Qu'est-ce qu'une encyclopédie « pour ceux qui n'ont que des moments fugitifs de loi<< sir? Un point n'a pas de parties, disent les mathéma<<< ticiens; un chaos n'en a pas non plus. >>

« Passant aux diverses branches d'un système de promulgation, le même écrivain a placé dans le plus beau jour les avantages de la promulgation des raisons des lois. (Traité de Législation, t. III.)

«Si les lois étaient constamment accompagnées d'un « commentaire raisonné, dit-il, elles rempliraient mieux, « à tous égards, le but du législateur; elles seraient plus «< agréables à étudier, plus faciles à concevoir, plus aisées << à retenir.

« C'est un repos ménagé dans une carrière fatigante « et aride; ce sera un moyen de plaisir si, à chaque pas « qu'on fait, on trouve la solution de quelque énigme; si « on entre dans l'intimité du conseil des sages; si on << participe aux secrets du législateur; si, étudiant le livre « des lois, on y trouve encore un manuel de philosophie <«<et de morale. C'est une source d'intérêt que vous faites << jaillir du sein d'une étude dont l'ennui repousse aujour<«<d'hui tous ceux qui n'y sont pas attirés par la nécessîté « de leur condition. >>

« La lettre de la loi doit être courte et précise. Elle est l'expression nue d'un commandement. C'est pour l'exécuter mieux que l'intelligence de celui qui la lit aspire à se mettre en communication avec l'intelligence de celui qui l'a faite. La lettre de la loi se grave plus profondément dans la mémoire quand le raisonnement sert de burin.

«<< Pénétrez un homme de bon sens, étranger aux affaires, de l'idée principale d'un titre de la procédure, de celui des Ajournements, par exemple.

« Dites-lui On ne peut condamner celui qui ne peut se défendre.

« Pour qu'il puisse se défendre, il faut qu'il soit appelé devant le juge.

«Cela ne suffit pas. Il est indispensable qu'il sache ce qu'on lui demande et sur quoi l'on se fonde; qu'on lui indique le juge devant lequel il devra comparaître ; qu'on lui donne le temps de chercher les titres qu'il pourra opposer et de faire ses dispositions pour se rendre au Tribunal.

« Il faut qu'on lui désigne clairement celui qui le fait

assigner; qu'il ne soit pas exposé à le prendre pour un autre, et qu'il puisse le trouver au besoin. Le même motif exige qu'il connaisse l'avoué qui représentera son adversaire.

« Il n'y a rien là qui ne soit essentiellement nécessaire pour assurer et protéger le droit sacré de la défense. On pourra bien rencontrer des cas particuliers où l'utilité de quelques-unes de ces précautions se fera moins sentir, mais la loi dispose pour ce qui arrive le plus ordinairement, et nous serions bientôt envahis par l'arbitraire et livrés au danger des surprises, si chaque cas particulier obtenait la faveur d'une dispense.

« Ce n'est pas tout. Celui contre lequel l'action est intentée ne se présente point; le condamner, tant qu'il n'apparaît pas qu'il ait été réellement appelé serait une révoltante iniquité.

« A qui le juge s'en rapportera-t-il? Dans la plus haute antiquité, le demandeur sommait lui-même le défendeur de le suivre au Tribunal, ou l'y traînait de force, ou prenait des témoins. On conçoit que cette brutale simplicité n'est plus dans nos mœurs. La preuve testimoniale a beaucoup perdu de son crédit; on ne l'admet plus guère que lorsqu'il n'est pas possible d'en avoir une autre. Il faut donc confier à des officiers revêtus d'un caractère spécial le droit de citer devant les Tribunaux et de certifier par écrit le fait de la citation avec toutes ses circonstances. Voilà une garantie légale pour la conscience du juge.

« L'officier chargé de donner la citation la laissera-t-il au premier venu si celui auquel elle est destinée n'est pas à son domicile? Quelle sûreté y aura-t-il de la

remise de cette citation à l'assigné, si elle n'est pas déposée entre les mains d'une personne de sa maison, que les liens étroits ou les rapports journaliers d'habitation attachent à ses intérêts?

« L'homme de bon sens à qui vous tiendrez ce langage comprendra parfaitement votre principe et ses conséquences; il ira au devant de vos doutes, il les résoudra. Mais, sur la voie, il esquisserait lui-même les articles d'un règlement; il aviserait, en y réfléchissant, aux difficultés que vous auriez omises ou aux moyens de prévenir les fraudes. Il voudrait que l'officier public fût tenu de se faire connaître et, pour ainsi dire, de se légitimer; il trouverait l'expédient de faire remettre la citation à un voisin ou au maire, dans les cas que le législateur a prévus.

<«< On objectera que, si le bon sens indique la nécessité d'un délai dans telle circonstance donnée, le raisonnement ne fera pas deviner la durée de ce délai, dont le terme fatal peut être fixé à dix jours, comme à huit ou à quinze, sans que les principes de la loi naturelle en soient blessés; qu'il en est ainsi de beaucoup d'autres règles de détail où la lettre de la loi est tout.

<< Chaque délai a dû être calculé en raison des distances, suivant la nature des actes et la position des parties. Un terme était surtout nécessaire, et le terme le plus conforme à ces vues a été fixé. Les points purement réglementaires ont beaucoup d'importance pour le palais, et fort peu pour l'école. Les plus intrépides praticiens ne manquent pas d'ouvrir le Code et de le tenir sous leurs yeux, lorsqu'ils ont à commencer et à conduire une procédure neuve et compliquée. On aura donc recours au

« PreviousContinue »