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vite on court à sa perte. Tyran cruel, que veux-tu donc faire de moi? Exigeras-tu, qu'oubliant mes anciennes souffrances, je fasse, de mon dernier jour indispensable pour l'expiation de mes fautes, celui de ma perdition et de ma honte éternelle ?

Chanson née entre les glaces de l'âge et le feu de la passion, si tu rencontres l'Amour prêt à me faire la guerre, dis-lui, s'il veut obtenir une victoire sur moi, qu'il y a peu de gloire à triompher de celui qui est déjà

vaincu.

SONNET

SUR LA MORT DE VITTORIA COLONNA.

Lorsque, par l'ordre du ciel, la mort ravit ce qui m'a

E chi più segue quel che 'l senso apprezza,
Colui è quel ch'a più suo mal più corre.
Tiranno Amore, ove mi vuoi tu porre?
Vuoi ch' obbliando i miei sofferti affanni
L'ultimo, appo i tuoi inganni,
Giorno, che per mio scampo mi bisogna,
Sia quel del danno e quel della vergogna?

Canzon, nata tra il ghiaccio al fuoco appresso,
Se incontri Amor ch'alla mia guerra s'armi,
Cerca pace impetrarmi ;

Dilli, s'egli di me desia vittoria,

Ch'l vincer chi già cadde è lieve gloria.

SONETTO

IN MORTE DI VITTORIA COLONNA.

Quando il principio dei sospir miei tanti

fait tant soupirer; la nature, qui ne fit jamais un plus beau visage, en ressentit de la honte, et ceux qui l'avaient vu versèrent des larmes.

O destin contraire à mes désirs amoureux ! Espérance trompeuse! O esprit dégagé de tous liens, où es-tu maintenant? La terre a recueilli ton beau corps, et le ciel tes pensées saintes.

En vain la mort dure et inattendue, crut pouvoir éteindre jusqu'au renom de tes vertus. Le Léthé n'engloutira pas ta mémoire; privé de toi, le monde possède mille écrits qui t'immortalisent, et ses regrets s'adoucissent en pensant que le ciel ne pouvait te donner asyle, qu'en te faisant passer par la mort (1).

(1) Je rappellerai aux amateurs de la poésie italienne l'élégante traduction que M. A. Varcollier a donnée des poésies de Michel-Ange. Paris, 1826.

Fu per morte dal ciel al mondo tolto,
Natura, che non fè mai si bel volto,
Restò in vergogna, e chi lo vide in pianti.
O sorte rea dei miei desiri amanti,

O fallaci speranze, o Spirto sciolto,

Dove se' or ? La terra ha pur raccolto

Tue belle membra, e 'l ciel tuoi pensieri santi.

Mal si credette Morte acerba e rea

Fermare il suon di tue virtuti sparte,

Ch' obblio di Lete estinguer non potea;

Che spogliato da lei, ben mille carte
Parlan di te; nè per te 'l cielo avea

Lassù, se non per morte, albergo e parte (1).

Ce dernier sonnet de Michel-Ange vient de faire résonner le nom d'une femme occupant une place importante parmi ceux des poètes de l'Italie, qui, durant le XVIe siècle, chantèrent encore l'amour chaste, épuré, et divin même.

Fille de Fabrice Colonne, grand connétable du royaume de Naples, Vittoria est née en 1490 et morte en 1547. A dix-sept ans, elle épousa Ferdinand-François d'Avalos, marquis de Pescaire, né la même année qu'elle. Leur union, dont la durée a été de trente-cinq ans, jusqu'à la mort de l'époux en 1525, après la bataille de Marignan, fut constamment heureuse.

Vittoria Colonna et Pescaire avaient été fiancés dès l'âge le plus tendre; et il ne sera pas superflu de rapporter ici que le jeune promis, âgé de seize ans, ayant été fait prisonnier à la bataille de Ravennes, composa, pendant sa captivité, un Traité de l'Amour, genre d'ouvrage fort en vogue dans ce temps, qu'il dédia et envoya à sa chère fiancée Vittoria.

Quant à elle, son goût pour la poésie se manifesta de très-bonne heure, et son noble et vaillant époux, si souvent favorisé par la victoire, entretenait sa verve. Entre les poètes qui l'aidèrent de leurs conseils, on cite Bernard, père du grand Torquato Tasso, Molza et le cardinal Bembo.

A l'imitation de Dante, de Pétrarque et de Laurent des Médicis, Vittoria Colonna a composé et divisé le recueil de ses vers, en deux parts. L'une renferme tous les Sonnets qu'elle a écrits pour exprimer l'amour et l'admiration que lui inspira son époux tant qu'il vécut ; l'autre, qu'elle ne commença que cinq ou six ans après la mort de Pescaire, et lorsqu'elle se retira du monde,

est un recueil de Poésies spirituelles, où les regrets de celui qu'elle a aimé, apparaissent bien encore quelquefois, mais toujours subordonnés à la résignation religieuse et à l'amour de Dieu, qui fait le sujet principal de cette dernière partie de son recueil (1).

En lisant les poésies de Vittoria, il est facile de s'apercevoir que cette dame vivait au milieu d'une société de poètes et de savants beaux esprits, versés dans le platonisme. Les locutions de cette école lui sont familières; elle les reproduit fréquemment dans la première partie de son Chansonnier, et on les retrouve encore, mêlées à celles de la dévotion et du myticisme, dans ses Poésies spirituelles. Mais quelques passages des OEuvres de Vittoria feront connaître la manière de ce poète, mieux que des appréciations toujours vagues et incomplètes, et je vais reproduire quatre de ses Sonnets qui, même après ceux de Pétrarque, peuvent être lus avec grand plaisir. Écoutons-la d'abord parler de son époux, puis on saura comment elle s'exprime en s'adressant à Dieu.

(1) Rime di Vittoria Colonna, Marchese di Pescara, colla vità della medesima, scritta da J. B. Rota. In Bergamo, 1760.

SONNET 79.

(1re partie).

C'est ici que mon beau Soleil (son époux), victorieux, chargé de riches et royales dépouilles, se présenta à moi à son retour. Hélas! avec quelle douleur je revois ces lieux où il rendit tout si resplendissant pour moi! Environné de gloire, arrivé au comble de l'honneur, sa mâle figure et le calme de ses paroles confirmaient tout ce que j'avais entendu dire de glorieux sur lui. Vaincu par mes instances, il me montrait ses nobles cicatrices, et me disait quand, comment et combien de fois il avait été victorieux. Ah! quel chagrin me cause aujourd'hui ce qui alors me donnait tant de joie; et comme partagée

SONETTO 79.
(1 parte).

Qui fece il mio bel Sole a noi ritorno
Di regie spoglie carco, e ricche prede!

Ahi con quanto dolor l'occhio rivede

Quei lochi, ov' ei mi fea già chiaro il giorno!

Di mille glorie allor cinto d'intorno

E d'onor vero alla più altiera sede,
Facean dell' opre udite intera fede
L'ardito volto, il parlar saggio adorno.
Vinto da' prieghi miei poi mi mostrava

Le belle cicatrici, e'l tempo, e'l modo
Delle vittorie sue tante, e sì chiare.
Quanta pena or mi dà, gioia mi dava,

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