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principes, et sa tendre et singulière estime et dévotion envers Marie, où elle avoit fait ses premiers exercices de zèle, et où elle avoit entendu pour la première fois la voix de Dieu qui l'appelloit en Canada. Nous en avons parlé dans la seconde partie de cette vie.

C'est dans l'une de ces lettres que cette digne Supérieure fait le détail de bien des circonstances sur l'origine, et sur les premières années de la vie de la Sœur Bourgeois, dont nous avons aussi parlé en son lieu. Voici comment elle s'explique dans une de ces lettres, adressée aux Sœurs de la Congrégation de Montréal, en datte du 17 Février, 1701.

"Nous avons toujours considéré ma Sœur Bourgeois, 66 votre digne Supérieure, comme une sainte- Nous "n'avons pas manqué de lui rendre nos devoirs, en "priant Dieu pour elle, quoique nous soyons très per "suadées qu'elle jouit de Dieu, auprès duquel elle nous 66 sera une puissante Avocate. Nous avons toujours le souvenir de ses vertus, et de l'estime qu'elle s'est ac"quise dans ce pays par ses manières édifiantes."

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Dans une autre lettre de la même mère de Blaigni, écrite à un Ecclésiastique de sa connoissance, qui demeu roit en Canada, elle lui dit: "la mort de notre très chère

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Sœur Marguerite Bourgeois, ne pouvoit être que très précieuse, après une si sainte vie que celle qu'elle a "menée. Sa vertu est en vénération dans ce pays, où "il se trouve encore des personnes qui l'ont pratiquée : "mais je suis persuadée que vous en avez vu plus que je ne pourrois vous en dire. Il ne me reste donc plus qu'à 46 vous prier très humblement, que nous puissions avoir "la consolation de voir le recueil que vous ferez d'une 46 si sainte vie."

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Nous pouvons encore ajouter les éloges funèbres, qu'ont prononcés en son honneur, Messrs. François Dollier, et de Belmont, qui ont été témoins de ses vertus, de ses grandes actions et entreprises, et des fruits qui en ont rét sulté en faveur de la Religion.

Abrégé du Discours prononcé dans l'Eglise des Sœurs par Mr. de Belmont, Supérieur du Séminaire de Montréal, à l'Inhumation du cœur de la vénérable Sœur

MARGUERITE

BOURGEOIS.

Le 11 Février, 1700; trente jours après son décès.

Le texte est pris de ces paroles de la première Epitre de St. Paul, aux Corinthiens.

Imitatores mei estote, sicut et ego Christi. C'est-à-dire, imitez-moi dans le soin que j'ai eu moimême d'imiter Jésus-Christ.

Ensuite après avoir fait remarquer dans sou exorde, qu'à la mort de nos proches et de nos amis, la nature exige des larmes que la Religion ne condamne pas, pourvu qu'elles soient modérées, et sur tout, qu'elles soient sanctifiées par des prières et des sacrifices, dont on doit toujours les accompagner; il avertit les Sœurs qu'en finissant cette cérémonie de l'inhumation du cœur de la Sœur Bourgeois, il est temps qu'elles mettent fin à l'un et à l'autre de ces devoirs de la nature et de la piété à l'égard de leur mère ; máis que si elles ont perdu sa présence sensible, dépositaires de son cœur, elles doivent la ressus. citer en esprit, en faisant revivre en elles et parmi elles, les vertus dont elle leur avoit donné l'exemple: que c'est pour cela que le Seigneur avoit permis le partage de ses dépouilles naturelles, parce qu'il falloit que son cœur et son esprit demeurasɛent là où étoit sou trésor ; et qu'elle ne fut jamais plus efficacement, leur Supérieure et leur modèle, que dans le soin qu'elle avoit eu toute sa vie d'imiter Jésus-Christ. Imitatores mei estote. &c. &c.

En suite pour diviser son discours, parmi la multitude comme infinie des vertus de la Sœur, il en choisit trois principales, qui paroissent avoir fait le caractère particulier du cœur de Jésus-Christ, et qui doivent spécialement caractériser les Sœurs de la Congrégation, sçavoir: 1o.

L'amour de la Croix. 2°. Le zèle pour le salut des âmes. 3. Le courage et la persévérance dans le service de Dieu. Ce sont les trois parties du discours.

ler. Foint.

Dans la première partie, pour prouver et faire sentir l'amour qu'elle a eu pourla Croix, il commence par faire une allusion assez ingénieuse de la Croix avec quelques autres vertus, qui ont paru avec un éclat singulier dans cette ame d'élite, et dont il forme la croix qu'elle a portée pendant toute sa vie, l'humilité, la pauvreté, et la mortification. L'humilité, dit-il, fait le pied de la Croix, qui s'enfonce profondément dans la terre, et qui rend les vertus solides: la pauvreté et la mortification, en sont comine les deux bras, qui embrassent une infinité de pratiques saintes et sanctifiantes.' Puis en parcourant en abrégé, tous les différents traits de sa vie, tels que nous les avons rapportés plus au long, il n'étoit pas difficile à l'orateur de faire voir combien la Seur Bourgeois a' excellé dans toutes ces différentes vertus, et par conséquent dans l'amour de la Croix.

Puis adressant la parole aux Sœurs, après les avoir félicitées de la gloire de leur mère, il fait rejaillir sur elles une partie de cette même gloire, en leur adressant, de la part de la Seur, les mêmes paroles que Notre Seigneur, aux approches de sa passion, adressoit à ses Apôtres. Vos estis qui permansistis mecum in tentationibus meis. C'est vous, mes chères filles, qui m'avez été fidèles, et qui avez eu part à tout ce que jai eu à supporter de pauvreté, d'humiliations et de souffrances : c'est l'héritage que je vous laisse encore aujourd'hui, en attendant que vous ayez part à ma gloire et ego dispono vobis, &c.

2d. Point.

Il passe de là à la seconde partie et au second caractère de ressemblance que la Seur Bourgeois a eu avec Jsus-Christ. C'est dans son zèle pour le salut des âmes; et il commence encore par une assez jolie pensée. Le zèle, dit-il, doit être le propre caractère de l'institut de la Congrégation: en formant donc le dessein d'un tel

établissement, la Sœur Bourgeois forma en même temps celui de conquérir à Jésus-Christ, au moins la moitié du nronde, en lui acquérant tout son sexe, qu'elle prit pour son partage dans la sanctification des âmes, et par celuici, une grande partie de l'autre.

Il fait voir ensuite, comme pleine de l'esprit apostolique, elle traversa plusieurs fois les mers, pour l'exécu tion de son dessein, et l'heureux succès qu'il plut à Dieu de donner à ses travaux, auxquels tout le Canada étoit en quelque façon redevable de toutes les bonnes mères de famille, qui s'y trouvoient en grand nombre, et surtout de ce pieux assemblage de Vierges chrétiennee, qui la reconnoissoient pour leur mère. C'est à vous mes chères Sœurs qui m'écoutez ici, (disoit l'orateur,) c'est à vous qu'elle peut encore adresser ces paroles de l'Apôtre aux Corinthiens per Evangelium ego vos genui; c'est moi qui vous ai enfantées toutes en Jésus Christ. vous êtes en même-temps, et le fruit, et la preuve de mon apostolat. C'est moi qui vous ai assemblées pour former une compa. gnie d'Amazones chrétiennes, propres à combatre l'ennemi du salut commun; non seulement dans les retranchemens d'un cloître, et pour vous seules, comme tant d'autres : mais jusqu'au milieu du monde, et dans le centre de son ; empire. Sic state in domino; soutenez la gloire de votre vocation; faites honneur à votre mère, en marchant sur, ses traces, et en perpétuant son ouvrage. C'est pour vous un moyen assuré de devenir semblables et de plaire à Jé. sus Christ votre céleste époux, et de participer comme elle, aux grâces et aux mérites du ministère apostolique. 3e. Point.

Dans le troisième point, il est aisé a l'orateur de faire l'éloge du courage de la Sœur Bourgeois, qui a eu certainement quelque chose de merveilleux et de beaucoup au dessus de la condition ordinaire de son sexe, par sa foi et par sa confiance en Dieu, qui sont comme les deux aîles du vrai courage chrétien, Semblable au fidèle Abraham, comme si elle eut entendu sensiblement la voix du Seigneur qui lui disoit de quitter son pays et ses proches, et qu'il la rendroit mère d'une nombreuse postérité, et d'une nation choisie, Fgredere de terra tud.. faciamque te in gentem magnam. Elle ne belarça pas un moment, et

sans aucun appui temporel, elle se transporta avec coura ge dans un nouveau monde ; bien assurée que celui qui lui en inspiroit le dessein, étoit assez puissant pour le faire réussir contre toute apparence humaine. Vous êtes mes Sœurs, les enfans des saints, dit l'orateur, et comme les prémices de ce nouveau peuple de Dieu, dont elle est l'origine; c'est sur cette souche choisie que vous avez été entées, et que vous devez vous perpétuer.

On ne vous propose pas à imiter votre mère, dans ces grandes entreprises qu'elle a faites, et qu'elle a heureusement exécutées. Jouissez du fruit de ses travaux ; mais imitez-la dans la foi, et dans la confiance qui en ont été le principe. Appuyées sur ce fondement, il n'y a rien que vous ne deviez espérer pour le soutien et pour la perfection de son ouvrage,qui n'est autre que votre perfection, et celle des personnes qui seront confiées à vos soins : vous avez besoin pour cela, d'un secours particulier; Mais ce secours, que vous avez trouvé autrefois dans les instructions et dans les exemples de votre mère,vous le trouverez encore aujourd'hui, plus puissamment que jamais, dans les mêmes sources, et surtout dans sa puissante protecti

on.

CONCLUSION.

Enfin l'orateur conclut son discours par ces paroles qui lui servent de peroraison.

Je laisse donc à cette bonne mère le soin de vous inspirer de plus en plus le goût de cette ressemblance que vous devez avoir avec elle, en l'amour de la Croix, aut zèle pour le salut des âmes, et en la confiauce en Dieu, source du vrai courage.

Toutes les fois qu'assemblées en ce lieu pour faire vos exercices spirituels vous porterez les yeux sur ce cœur, sanctuaire de tant de vertus, et qui a servi autrefois, de tabernacle au Saint Esprit, imaginez-vous l'entendre vous adresser ces dernières paroles de l'Apôtre: "mes filles,ma joie et ma couronne; persistez dans la ferveur ; ayez "goin de votre perfection, et de celle du troupeau qui vous est confié, et faites ensorte par là, que comme nous avons été unies sur la terre, par les beaux liens

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