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LA VIE

DE

La Sœur Bourgeois.

PREMIERE PARTIE,

Où il est traité de la découverte et de l'établissement du Canada, et surtout de l'Isle de Montréal et de Ville-Marie.

TOUT le monde sait que l'Amérique est un nouveau. monde, c'est-à-dire, que de toute antiquité elle a été inconnue peut-être à toutes les autres parties du monde, mais surtout à l'Europe. Jusques vers la fin du quinzième siècle le Canada étoit entièrement inconnu; ce n'étoit

qu'une vaste forêt, qui n'avoit pour habitans que des nations Sauvages. Ce fut en 1524, que Jacques Cartier, babile navigateur François, muni d'une commission du Roi, partit de Saint-Malo, avec deux bâtimens de soixante tonneaux, et cent vingt-deux hommes d'équipage, pour venir reconnoître cette partie du nouveau monde. Ce premier voyage de Cartier fut assez heureux. Il prit connoissance, et possession au nom du Roi, des différens postes qui en. vironnent le golfe dans lequel se décharge le grand fleuve du Canada, appellé depuis fleuve Saint-Laurent. Il traita autant qu'il put avec les Sauvages de ces cantons; il s'appliqua à étudier leur caractère, et il crut y apercevoir des dispositions favorables au Christianisme. Plein d'espérance que si le Roi vouloit former un établisseinent dans ces contrées, il seroit également utile au commerce età la religion, il retourna en France pour aller rendre compte à la Cour de ses succès et de ses projets,

Son dessein fut goûté, et il obtint du Roi, pour l'année suivante, une nouvelle commission, avec trois navires

et de bons équipages, dans lesquels plusieurs gentilshommes Bretons voulurent avoir place en qualité de volontaires. On partit de Saint-Malo, au mois de Mai, 1535: mais ce ne fut que le dix du mois d'Août, jour auquel on célébre la fête de Saint Laurent, qu'on entra dans le golfe du Canada, auquel on donna, à cette occasion, le nom de ce Saint. Ensuite étant entré dans le fleuve, il le remonta avec sa petite flotte, jusqu'à la rivière appellée depuis, de son nom, Jacques Cartier, où l'on tient, par tradition, qu'il perdit ou échoua un de ses vaisseaux: sa relation n'en parle pas; peut-être ne fut-il que légèrement endommagé: car cet accident ne le rebuta pas, et il ne laissa pas de continuer sa route pour remonter le fleuve le plus haut qu'il pourroit, et arriva à l'Isle d'Hochelaga, aujourd'hui Montréal, dont il avoit entendu parder comme d'un lieu délicieux, par plusieurs Sauvages qu'il avoit rencontrés sur sa route. Il est vrai qu'au lac Saint Pierre, trois lieues au-dessus des Trois-Rivières, n'ayart pas sans doute trouvé le bon chenal pour faire monter ses vaisseaux, il fut obligé de les laisser là; mais ayant fait armer deux chaloupes, il s'y embarque avec l'élite de ses volontaires, et arriva enfin à Hochelaga, le deux du mois d'Octobre. y trouva un village de Sauvages, qui a été la première origine des Sauvages qui sont aujourd'hui au Lac des Deux-Montagnes. Ce village étoit situé. au pied de la montagne, à peu-près dans le même endroit où est aujourd'hui Ville-Marie. Cartier fut bien reçu des Sauvages, et de sa part il les combla de présens Il fut enchanté de la situation de cette Isle, et s'étant rendu sur la montagne qui étoit auprès du village, surpris de la beauté du point de vue qu'il y trouva, il lui donna le nom. de Mont Royal, et par corruption, Montréal, qui est de meuré depuis à toute l'Isle.

Le séjour de Cartier à Montréal ne fut que de peu de jours. La saison étoit avancée; il en partit,le cinq Oe tobre, pour aller rejoindre sa flotte et repasser au plutôt » en Europe; mais il avoit conçu de cette isle une idée si avantageuse, qu'il la regarda dès lors, et toujours depuis

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comme le lieu le plus propre de tout le pays à former un établissement. C'est sur ce pied qu'il s'en expliqua à la Cour en rendant compte des succès de son voyage. Mais comme dans ce tems-là le grand motif des découvertes que l'on tentoit de toute part dans le nouveau monde, étoit de trouver des mines d'or ou d'argent, et qu'on n'en faisoit aucune meution dans les journaux du voya geur, plusieurs ne firent pas d'abord grand cas de ses dé.

Couvertes

Cependant le 'Roi, en 1540, trouva bon de nommer Mr. François de la Roque, Seigneur de Roberval, gentil. homme Picard, son Vice-Roi et Lieutenant-Cénéral en Canada. Il n'y avoit encore, et il n'y eat long-tems après, que des bois à gouverner. Ce Seigneur y fit quelques

voyages, et tenta quelques établissemens, mais qui a'eureat pour lors aucun succès, et la France occupée d'autres soins parut pendant long-temps avoir oublié le Canada. Ce ne fut qu'en 1598, sous le règne de Henri Quatre, que ce Prince renonvela en faveur de Mr. le Marquis de la Roche, gentil-homme Breton, la même commission que Mr. de Roberval avoit reçue de François Premier, plus de cinquante ans auparavant. Cette nouvelle commission portoit expressément, qu'il auroit principalement en vue d'établir la foi Catholique dans tous les pays soumis à son obéissance. Il eut peu de secours pour faire réusir cette entreprise, et elle échoua comme la précédente.

Ces mauvais succès avoient un peu refroidi la Cour dans ses vues de former des établissemens en Canada, cù l'on n'espéroit plus de trouver des mines: mais pendant les diffé entes tentatives dont nous venons de parler, plusieurs navigateurs et négotians Normans, Bretons, et Saintongeois, avoient pénétré, pour leur compte, dans le fleuve St. Laurent, et y avoient établi plusieurs postes de traite avec les Sauvages, où ils avoient fait des profits assez grands. Cette considération ayant excité l'émulation du Sieur Chauvin, Capitaine de vaisseau, il sollicita par ses amis, et obtint du Roi la continuation des commis

sions accordées ci-devant aux Sieurs de Roberval et de la Roche, aver un privilége exclusif de la traite de la pelleterie dans tous les lieux de sa dépendance. La reli gion ne l'inquiétoit pas beaucoup; il étoit Protestant. Il ne fit que deux voyages à Tadoussac, en 1601, et 1602, d'où il remporta bien des richesses; mais il mourut, lors qu'il se préparoit à un troisième.

Le Commandeur de la Chatte, Gouverneur de Dieppe lui succéda, en 1603, dans la même commission, et avec les mêmes priviléges que ses prédécesseurs. Pour donner une plus grande étendus à son commerce, il commença par former une compagnie, composée de plusieurs marchands et autres personnes riches et de distinction. On fit un armement considérable: on entra dans le fleuve St. Laurent, et l'on vint pour la seconde fois reconnoître l'Isle de Montréal. Mr. Samuel de Champlain conduisoit le parti. L'on fit un assez bon voyage, mais aucun établis sement. Au retour des vaisseaux en France, on trouva que le Commandeur de la Chatte étoit mort, et que sa commission avoit été donnée à Pierre Dugats, Sieur de Monte, gentil-homme Saintongeois, Protestant de religion, mais honnête homme, et disposé à remplir de bonne foi l'article de sa commission qui l'obligeoit d'établir en Canada la religion Catholique: mais il n'étoit pas de ceux que le Seigneur avoit choisis pour l'établissement de Montréal. Ce Monsieur avoit conservé la compagnie formée par son prédécesseur; il l'avoit même augmentée de plusieurs riches négocians des principaux ports de France. Avec ce nouveau secours on fit un armement bien plus considérable que tous les précédens, et qui partit en 1604. Le Sieur de Champlain, l'un des associés, fut encore de cevoyage, qui n'eut rien de remarquable pour le Canada. Il en fit un troisième, en 1608; et ce fut en cette occasion, qu'en conformité aux ordres et aux intentions de la Cour, qui vouloit absolument un établissement solide sur le fleuve St. Laurent, il le fixa à Québec, où il fit d'abord construire quelques barraques. Cela se fit au

nom et aux frais de la Compagnie. Champlain y passa l'hiver, pendant lequel on fit des défrichemens, et au printemps de l'année suivante, 1609, il alla porter la guerre aux Iroquois, qui l'avoient fort inquiété dans son poste pendant l'hiver. Il les poursuivit jusqu'au lac, qui de son nom, s'appelle aujourdhui, Champlain ; et ayant laissé ensuite une légère garnison à Québec, il en partit l'automne, pour retourner en France, où l'on donna dès lors au Canada le nom de Nouvelle France.

Mr. de Champlain revint encore l'année suivante, 1810, en Canada, et monta, pour la seconde fois, jusqu'à Montréal, où il choisit un endroit convenable pour faire un nouvel établissement. La Providence avoit d'autres vues; son dessein ne réussit pas encore. Il se contenta de bâtir trois ou quatre cabanes, pour la traite avec les Sauvages.

La mort du Roi Henri Quatre, qui arriva dans ce temps-là, mit quelque changement dans les affaires. La commission de Gouverneur du Canada fut ôtée à Mr. de Monts, et Champlain lui même fut nommé, par la Reine Régente, pour lui succéder, sous la qualité de Lieutenant Général de Mr. le Prince de Condé, qui avoit pris pour lui le titre de Vice-Roi de la NouvelleFrance.

Mr. de Champlain donna une nouvelle forme à la grande Compagnie du Canada, et par le crédit de Mr. le Prince, il obtint du Roi des lettres patentes, et de nouveaux privilèges. Etant revenu en 1614, avec une assez nombreuse peuplade et quelques Récollets pour leur servir d'Aumoniers, il laissa son monde à Québec, et vint, avee peu de personnes, passer à Montréal, une partie de la belle saison, pour être plus à portée de faire la traite avec les Sauvages: mais toutes ces démarches n'eurent que très peu de sucrès. 1620, Mr. le Prince de Condé céda sa Vice-Royauté du Canada, au Maréchal de Montmorenci, son beau-frère; et en 1625, celui-ci la céda à Henri de Lévi Duc de Ventadour, son neveu.

En

Júsques-là, les affaires de la colonie de Québec n'a

B

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