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voir par la voie contentieuse, pour demander l'annulation de la décision ministérielle, ou même de l'ordonnance royale, pour violation et inobservation des formes essentielles prescrites par la loi.

272.-Après avoir appelé le conseil général à délibérer sur tous les objets qui intéressent la condition civile du département, la loi (art. 7) donne à ce même conseil le droit d'adresser directement au ministre chargé de l'administration départementale, par l'intermédiaire de son président, les réclamations qu'il aurait à présenter dans l'intérêt spécial du département, ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents services publics, en ce qui touche le département.

Ce droit est encore une conséquence de l'existence du département comme personne civile. Nous en apprécierons plus tard l'importance. (Voy. chap. xxxvII.)

273. - Il n'est point sans intérêt de faire remarquer ici que, dans l'état actuel de notre législation, les départements et les communes sont les seules de nos divisions territoriales qui jouissent d'une existence propre, qui aient des dépenses obligatoires à leur charge, des ressources pour y faire face, qui possèdent des propriétés, qui aient un budget. Aussi, les départements sont-ils, à l'exclusion des arrondissements et des cantons, appelés seuls à faire des acquisitions, des aliénations, des échanges; à plaider, transiger, accepter des dons et legs, etc., etc. A l'égard des arrondissements et des cantons, l'administration n'a à régler que leur délimitation, la translation de leur chef-lieu, ou la création de nouvelles circonscriptions. C'est au reste ce que nous démontrerons en trai

tant des attributions des conseils d'arrondissement. (Voy. chap. XLII.)

274. On vient de voir sur quels objets la loi du 10 juillet 1838 appelle les conseils généraux à délibérer dans un intérêt propre au département: avant d'expliquer les règles d'administration applicables à ces divers objets, il convient de faire connaître en quoi consistent les propriétés départementales: on comprendra mieux, après cet exposé, les dispositions relatives à leur mode de gestion, ainsi qu'à l'action des conseils généraux sur tout ce qui se rattache à l'existence civile et propre des départements.

CHAPITRE XIII.

DU DOMAINE DÉPARTEMENTAL.

275. Le domaine départemental comprend : 1o Des immeubles; 2° des meubles; 3° des droits. incorporels.

$1er.

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Des immeubles appartenant aux départements.

276. Nous avons dit (chap. XII) que l'origine de la propriété des immeubles appartenant aux départements se trouvait dans le décret du 9 avril 1811. En voici le texte :

«<< Napoléon : Sur le rapport de notre ministre des << finances, relatif aux bâtiments nationaux occupés « par les corps administratifs et judiciaires, et duquel il résulte que l'état ne reçoit aucun loyer de «la plus grande partie de ces bâtiments; que néan« moins notre trésor impérial a déjà avancé des

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<< sommes considérables pour leurs réparations; que « l'intérêt particulier de chaque département, au<«< tant que celui de notre trésor, serait que les dé«<partements, arrondissements et communes fussent << propriétaires desdits édifices, au moyen de la vente qui leur en serait faite par l'état, et dont le prix capital serait converti en rentes remboursables par <<< dixièmes;

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« Vu les lois des 23 octobre 1790, 7 février et « 6 août 1791, l'art. 11 de celle du 24 août 1793 «<et l'avis de notre conseil d'état, approuvé par nous «<le 3 nivôse an xii; la loi du 11 frimaire an vii; << ensemble les arrêtés du gouvernement des 26 ven«<< tôse et 27 floréal an viii, et du 25 vendémiaire «an x, et notre décret du 26 mars 1806;

«< Considérant que les bâtiments dont il s'agit << n'ont pas cessé d'être la propriété de l'état ;

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<< Voulant néanmoins donner une nouvelle marque « de notre munificence impériale à nos sujets de ces << départements, en leur épargnant les dépenses << qu'occasionneraient, tant l'acquisition desdits édi<fices, que le remboursement des sommes avancées << par notre trésor impérial pour les réparations; «Notre conseil d'état entendu

« Nous avons décrété et décrétons ce qui suit: << Art. 1er. Nous concédons gratuitement aux dé«<partements, arrondissements ou communes la pleine propriété des édifices et bâtiments nationaux actuellement occupés pour le service de << l'administration, des cours et tribunaux et de << l'instruction publique.

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«Art. 2. La remise de la propriété desdits bâti

<«<ments sera faite par l'administration de l'enregis« trement et des domaines aux préfets, sous-préfets << ou maires, chacun pour les établissements qui le

«< concernent.

«Art. 3. Cette concession est faite, à la charge << par lesdits départements, arrondissements ou com<< munes, chacun en ce qui le concerne, d'acquitter « à l'avenir la contribution foncière, et de suppor«< ter aussi à l'avenir les grosses et menues répara«<tions, suivant les règles et dans les proportions << établies pour chaque local par la loi du 11 fri<«< maire an vii, sur les dépenses départementales, << municipales et communales, et par l'arrêté du «27 floréal an vin, pour le payement des dépenses judiciaires.

« Art. 4. Il ne pourra à l'avenir être disposé d'au<«< cun édifice national en faveur d'un établissement public, qu'en vertu d'un décret impérial. »

Tel est l'acte qui a créé la propriété immobilière des départements.

277. On remarquera que, pour distraire régulièrement du domaine de l'état les immeubles concédés gratuitement aux départements et aux communes, il aurait fallu recourir à l'autorité du corps législatif; car il est de principe, depuis la loi du 1er décembre 1790, que si le domaine de l'état est aliénable, son aliénation ne peut avoir lieu que par une loi. D'ailleurs, les concessions gratuites faites aux départements devaient avoir nécessairement pour résultat de lés constituer au nombre des personnes civiles; or, ce résultat renversait, on l'a vu, tout le système établi par l'assemblée constituante.

Considérée sous ce double point de vue, la mesure ordonnée par le décret du 9 avril 1811 avait donc besoin de la sanction du pouvoir législatif; mais, dans cette circonstance comme dans beaucoup d'autres, Napoléon n'hésita point à s'en passer. Il est même douteux que l'empereur ait aperçu alors toutes les conséquences que le décret pourrait amener sur l'avenir des départements. Préoccupé du désir de dégréver le budget de l'état, afin de laisser les ressources du trésor disponibles pour les besoins de la guerre, Napoléon accepta le décret du 9 avril comme un des expédients de ce système; le public de son côté interpréta le décret dans le même sens; loin d'y voir une marque de la munificence impériale, les conseils généraux se plaignirent alors des charges que cette mesure allait imposer aux départements.

Aujourd'hui, une expérience de plus de trente années permet de mieux apprécier la portée de cet acte législatif. Or, l'on ne saurait disconvenir que la création de la propriété départementale n'ait eu pour les départements en particulier, et pour la France entière, les conséquences les plus importantes.

En effet, en devenant propriétaires, les départements prirent une place parmi les personnes civiles; peu à peu l'obligation de pourvoir convenablement aux services départementaux, la nécessité d'entretenir, de conserver, d'administrer le domaine départemental, firent étendre chaque année davantage la distinction établie entre les dépenses générales et les dépenses départementales. Un budget et des comptes, rédigés dans des formes analogues à celles adoptées pour le budget de l'état, furent soumis par les préfets

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