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§ 5.

Détermination des éléments techniques

du nouveau moyen de transport.

Le programme étant ainsi défini au point de vue militaire, nous avons déterminé, comme il suit, les différents éléments du nouveau moyen de transport.

a). Raisons qui ont conduit à écarter l'emploi de tout système basé sur l'emploi de voitures traînées sur voie de terre par des moteurs animés ou mécaniques et à chercher un système de chemins de fer.

Si, malgré des circonstances stratégiques exceptionnellement favorables, les Allemands ont mis plus de trois mois à s'organiser et à amener leurs pièces de siège en batterie avant de pouvoir ouvrir le feu; si la mise en batterie de la moitié des 400 canons de siège réunis au parc de Villacoublay et l'approvisionnement parcimonieux de ces bouches à feu, pendant les quelques jours de bombardement, ont suffi pour rendre impraticables les routes pourtant si solides du plateau de Châtillon, on peut affirmer qu'on courrait à un échec à peu près certain, le jour où l'on voudrait renouveler une pareille tentative. Où pourrait-on trouver autant de facilités pour réunir les éléments de convois réguliers ou autres? Aux environs de quelle place de guerre étrangère pourrait-on trouver un réseau complet de routes aussi bien établies, sur lesquelles il s'agirait de faire circuler un parc de 450 bouches à feu du poids de 32.000 tonnes, opération représentant une intensité de trafic égale au total de la circulation des voitures passant pendant neuf journées consécutives sur le boulevard des Capucines au coin de la Madeleine?

Les diverses difficultés auxquelles on se heurtait et les retards qui en résultaient, lorsque, avant la mise en usage de notre matériel de chemin de fer, on voulait conduire dans les batteries de côte des fardeaux de 10.000 à 20 000 kilogrammes, prouvent, jusqu'à l'évidence, que l'on ne saurait s'en tenir au système des charrois sur voie de terre : la résistance du sol ne permet pas, en

effet, de dépasser pour les opérations d'armement une charge normale de 4.000 kilogrammes par voiture (*).

Si l'on n'avait pas trouvé une autre solution, on aurait dû renoncer à l'usage des pièces lourdes correspondant aux augmentations de calibres nécessitées par les dimensions croissantes des nouvelles places, ainsi que par la valeur de plus en plus grande des obstacles. opposés à l'assaillant.

TABLEAU I.

Circulation correspondant au transport

d'un parc de siège de 450 bouches à feu pesant 32.000 tonnes,
poids équivalant à celui d'environ 800 batteries de campagne

1° Nombre de trains ordinaires de marchandises.

20 Longueur totale de ces 160 trains serrés sans distance les uns à la suite des autres

(Soit la distance de Maisons-Alfort à Fontainebleau).

30 Nombre de chevaux nécessaires pour le transport en une seule fois sur une route.

soit une colonne longue d'environ

mettant pour défiler à raison de 4 km. à l'heure.

soit, pour un transport par relais, sur chaque point de la route
qui relie les stations terminus au grand parc, un nombre de
passages de chevaux de

Co qui correspond à une circulation sur le boulevard des Capucines
au coin de la Madeleine de . .

160

48 kilom.

105.000 (a) 1.000 km (b) 250 heures (Plus de 10 jours)

210,000

9 journées

(a) Quand bien même on arriverait à réunir le nombre de chevaux et voitures nécessaires pour faire ces transports dans les délais convenables, on ne trouverait pas, dans les environs des places, des routes capables de supporter un passage de voitures aussi important.

Il serait encore bien plus impossible de passer des routes aux emplacements désignés pour les batteries, que les nécessités tactiques forcent pour la plupart du temps à placer au milieu des champs, foin des chemins

existants.

(b) Distance de Paris à Toulon.

Dès 1878, nous avions été conduit à une conclusion analogue en ce qui concerne l'emploi des locomotives routières la rapidité avec laquelle ces engins défonçaient les routes, même pour un trafic peu important, leur faible puissance de transport, le peu de régularité de leur service nous avaient dès cette époque fait écarter ce genre de moteur pour le transport des équipages de siège.

(*) Ce poids de 4.000 kilogrammes est le maximum admis pour le poids des voitures dans les études d'équipages de siège faites à l'époque où les chemins de fer n'existaient pas.

Notre conclusion est la même en ce qui concerne l'emploi du nouveau type de locomotive routière mis en service depuis quelques années sous le nom d'automobile lourd: l'échec des tentatives faites depuis 1898 pour appliquer ce genre d'automobile (1.000 à 3.000 kilogrammes de poids utile par véhicule) au service beaucoup moins difficile des messageries et des transports de l'arrière des armées en campagne nous a montré que, quels que soient les perfectionnements apportés dans la construction des moteurs, la traction mécanique sur routes ne peut pas donner la solution du transport des équipages de siège.

On ne peut résoudre cette question que par la création d'un système de chemin de fer susceptible de se développer aussi bien à travers champs que sur les routes ordinaires, assez résistant pour permettre l'énorme trafic dont les chiffres du tableau ci-dessus. donnent une première idée, assez fort pour porter les masses indivisibles les plus pesantes que l'on ait actuellement à prévoir (soit des masses de 40.000 à 48.000 kilogrammes).

b). Raisons qui ont conduit à écarter la voie de 1,44 et de 1 mètre.

Les voies de 1,44 et de 1 mètre présentent les inconvénients suivants :

Le matériel roulant possède des dimensions minima trop considérables pour qu'on puisse le faire circuler dans les communications des établissements soit de l'attaque soit de la défense (la largeur mesurée au pied du talus pouvant descendre à 1,30, voir planche 7, fig. 1);

Les opérations de chargement et de déchargement nécessitent des quais ou appareils de transbordement lourds et encombrants que l'on ne peut employer sous le feu de l'ennemi;

Les dimensions et la rigidité du matériel roulant ne sauraient permettre le passage courant de wagons même isolés dans des courbes de rayon descendant dans les fortifications à 7 ou 8 mètres (tournant des chariots de parc) ni la circulation pratique de trains, comportant plus ou moins de véhicules, dans des courbes de rayon.

descendant à 20 mètres dans les tournants de nombreux chemins vicinaux.

Les tracés devraient, sur la plus grande partie des parcours, sortir des routes ou chemins et passer à travers champs, ce qui exigerait, à raison de la longueur des études des tracés et de l'importance des travaux d'infrastructure, des délais incompatibles avec la marche des opérations d'un siège. (Voir tableau II ci-dessous.)

TABLEAU II.

Vitesse de pose et de construction par jour

1° pour des chemins de fer à voie de 144 ou 1,055
2o Pour le chemin de fer à voie de 0m, 60 de l'artillerie.

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L'examen de ce tableau montre que le seul des embranchements à voie de 1,4, construits dans les conditions de la guerre, pour

la construction duquel on ait dépassé la vitesse moyenne de 500 mètres par jour, est celui de Remilly à Pont-à-Mousson contournant la place de Metz; mais il fut à peine exploitable.

Parmi les embranchements exploitables, celui pour lequel on a obtenu le chiffre moyen journalier le plus élevé (1.250 mètres pour la pose, mais seulement 384 mètres pour la construction) est celui de Châlons à Mourmelon construit en temps de paix.

En admettant qu'en temps de guerre, on puisse arriver à construire par jour, plus de 384 mètres de ligne livrable immédiatement à l'exploitation et que l'on atteigne le chiffre de 500 mètres, non encore réalisé jusqu'ici, il n'en est pas moins vrai que, même dans ces conditions, si les Allemands avaient résolu de couvrir par une voie ferrée de 1m, les 70 kilomètres qui séparent la gare terminus de Nanteuil du parc de Villacoublay, ils n'auraient pu terminer cette construction qu'au bout d'un laps de temps de 140 jours et l'extrémité de la voie ferrée ne serait parvenue à l'emplacement projeté du parc de siège que le 5 février, c'est-à-dire 11 jours après que la famine eut réduit Paris à capituler.

Enfin, même avec la vitesse de 680 mètres par jour un peu supérieure à 500 mètres qui fut réalisée en 1882 pour la voie de 1,055 construite entre Saïda et Mecheria (1.800 mètres pour la pose, 680 mètres pour la construction), les Allemands n'auraient pas établi en temps voulu la communication entre leur station de transbordement et leurs batteries.

Pour toutes ces raisons, nous avons rejeté les voies de 1TM,44 et de 1 mètre, ainsi que toutes celles qui s'en rapprochent comme largeur.

c).

· Raisons qui ont conduit à écarter la voie de 0,50 et les voies de largeurs plus faibles.

En raison de la nécessité de pouvoir passer facilement dans les communications souvent très étroites et très sinueuses des batteries et des ouvrages de fortification, devait-on descendre à la largeur de 0,50 et même au-dessous ?

Une première étude de l'organisation des groupes de 4 véhicules nécessaires pour transporter des fardeaux indivisibles de 48.000 ki

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