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Le problème à résoudre, quand, en 1882, j'ai dû entreprendre l'organisation des éléments du système du chemin de fer à voie de 0,60, se posait comme il suit :

<< Faire arriver sur le point désigné et à l'heure voulue, au delà << de la zone exploitée par les grands chemins de fer, le matériel <<< et les denrées dont les armées de siège et de campagne ont << besoin pour combattre et pour vivre. »

Dans les trois premiers chapitres, je vous donnerai une description raisonnée du système de chemin de fer à voie de 0,60 (voie, wagons, locomotives, exploitation), que j'ai organisé pour s'adapter aux besoins de l'armée dans les différentes circonstances prévues (attaque et défense des places, service de l'arrière); je vous donnerai quelques indications sur l'organisation des chantiers dans les cas où l'on peut improviser rapidement une ligne.

Dans le chapitre IV, je passerai rapidement en revue les méthodes suivies pour déterminer techniquement quelques-uns des éléments caractéristiques du matériel et établir l'harmonie nécessaire entre ces éléments et les conditions de services.

Je terminerai l'examen des questions se rapportant à la détermination de la largeur de la voie et des éléments de la traverse, à la répartition des traverses sous le rail et à quelques éléments du wagon, en signalant quelques enseignements pratiques à tirer de ces études.

Dans le chapitre V, je vous dirai comment l'examen de circonstances de déraillements survenus accidentellement sous nos yeux sur des voies larges et étroites et répétés au cours d'expériences spéciales nous ont conduit à préconiser et à appliquer le système de suspension des véhicules sur trois points indépendants comme diminuant la fatigue du matériel (voie et wagons) et augmentant dans de larges mesures la sécurité de la circulation sur des voies même déformées. Comme application je vous décrirai la suspension sur trois points réalisée dans la citerne cylindrique (le dernier véhicule que j'ai eu l'occasion d'étudier pour compléter l'organisation du matériel à voie de 0TM,60).

Dans une expérience spéciale que je ferai devant vous à Toul,

je vous montrerai comment ce véhicule passant sur une voie très déformée, même en courbe, circule sans que l'on ait la moindre crainte de déraillement; comment, au contraire, si on introduit dans sa suspension une liaison complémentaire (une quatrième) ce même véhicule déraille et déraille toujours de la mème façon lorsque l'on renouvelle l'expérience sur la mème portion de voie.

Je vous ferai connaitre les premiers résultats obtenus dans l'étude méthodique des causes de déraillements sur lignes à voie large entreprise depuis 1900 par la Commission des accidents du Comité de l'Exploitation technique des Chemins de fer.

Dans le chapitre VI, je vous donnerai quelques indications sur les principales applications de la voie de 0,60 en France et à l'étranger et sur la façon dont on peut profiter de la souplesse de la voie de 0,60 pour mettre en valeur des carrières, mines, forêts, ou usines d'un abord difficile sinon impossible avec des voies d'une largeur plus grande et improviser des lignes de chemins de fer dans des pays neufs.

Dans le chapitre VII, je vous donnerai les réponses à quelques objections faites contre le système de chemins de fer à voie de 0,60.

Viendront ensuite un résumé et des conclusions.

Un certain nombre des explications vous seront données à Toul avec le matériel sous les yeux.

Les conférences se termineront par quelques indications sur la manière d'aborder l'étude pratique des questions de chemins de fer pour arriver promptement à pouvoir les traiter avec autorité.

CHAPITRE Jer

ADAPTATION DU CHEMIN DE FER A VOIE DE 0m60
AUX BESOINS DE L'ATTAQUE DES PLACES.

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si. Nécessité d'augmenter la puissance des moyens de transport dans l'attaque des places.

L'étude de l'histoire des sièges montre qu'à toutes les époques, l'insuffisance des moyens de transport a été la principale cause des retards presque toujours constatés dans l'entrée en ligne de l'artillerie devant les places, et souvent même de l'échec des opérations des armées de siege.

Cette insuffisance n'a fait que s'accentuer depuis qu'on augmente dans les places la résistance des obstacles et dans les parcs de l'attaque le poids du matériel; pour supprimer cet élément d'infériorité de l'attaque, tout au moins en atténuer les effets, il fallait, soit perfectionner les moyens de transport existants soit en créer un nouveau adapté aux conditions actuelles de la guerre de siège.

L'analyse des causes qui, en 1870, au siège de Paris, ont retardé l'entrée en ligne du matériel de siège de l'artillerie allemande nous a donné des indications précieuses sur la direction à suivre dans nos investigations.

§ 2. Analyse des causes qui, en 1870, au siège de Paris, ont retardé l'entrée en ligne du matériel de siège de l'artillerie allemande. Premières conclusions à en tirer.

C'est seulement le 31 décembre, c'est-à-dire 104 jours après l'investissement, que les Allemands ont ouvert contre Paris le feu de leurs pièces de siège et encore n'avaient-ils pu conduire dans leurs batteries que 200 des 400 pièces concentrées au parc de Villacoublay.

Le 28 janvier, lorsque Paris réduit par la famine capitula, les assiégeants avaient épuisé en 29 jours, les munitions amenées péniblement dans le cours des 134 journées écoulées depuis l'ouverture du siège, et pourtant la consommation journalière n'avait pas dépassé 300 tonnes.

Cependant, les Allemands, maîtres de la région Nord-Est, avaient usé largement du droit de réquisition, et ils avaient fait venir jusque d'Alsace 1.000 voitures attelées; ils avaient, en outre, utilisé pour les transports, entre leur gare terminus de Nanteuil et le parc de Villacoublay (70 kilomètres) la plus grande partie de leurs sections de parc de campagne; d'autre part, depuis le 1er décembre, en contournant le tunnel de Nanteuil, ils avaient pu prolonger jusqu'à Chelles (limite de la portée des pièces de la défense) l'exploitation de la ligne de Strasbourg, antérieurement arrêtée à Nanteuil, réduisant ainsi de 70 à 48 kilomètres la distance à parcourir par leurs convois de voitures pour arriver au parc de Villacoublay.

Malgré ces conditions exceptionnellement favorables, les Allemands n'avaient pu amener à Villacoublay et encore moins dans les batteries, qu'une faible partie du matériel nécessaire pour mener l'attaque dans des conditions normales. En dépit de la solidité des routes des environs de Versailles, les chaussées n'avaient pas tardé à être défoncées; elles étaient devenues absolument impraticables encore qu'on eût employé des fascines pour les réparer.

Les routes ne sont pas assez résistantes pour supporter les charrois que comporte, aux environs d'un parc, le service d'un équipage de siège, telle est la première conclusion à déduire de l'étude de l'historique du siège de Paris en 1870.

§ 3. - Nécessité de créer un nouveau moyen de transport
pour l'attaque des places.

Une étude plus détaillée du problème nous a montré que, pour résoudre la question des transports dans l'attaque des places, on

ne saurait se contenter d'améliorer les moyens de transports existants, mais qu'il était de toute nécessité d'en créer un nouveau répondant au programme militaire que nous allons exposer.

§4. Conditions à remplir par le nouveau moyen de transport au point de vue militaire.

Au point de vue de la guerre de siège en particulier, le nouveau moyen de transport doit donner la possibilité :

De conduire, par tous les temps, sur tous les points susceptibles de recevoir des batteries, les pièces les plus lourdes dont on puisse être appelé à faire usage;

D'éviter tout transbordement dans la zone battue par les feux de l'ennemi;

De faire toutes les opérations de chargement et de déchargement du matériel de guerre, quel qu'il soit, sans quai ni appareil de transbordement spécial;

D'aller chercher au besoin à 60 ou 80 kilomètres le matériel amené, par les grandes lignes ou les voies navigables, des établissements de dépôt du temps de paix aux gares de transbordement, alors que celles-ci, pour certaines raisons stratégiques ou autres, auront du être installées à une distance considérable du front d'attaque;

D'organiser rapidement des lignes de communication entre la gare de transbordement, les parcs et les batteries;

D'obtenir dans un délai très court un trafic journalier assez intense pour qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour organiser les diverses installations nécessaires, par exemple moins d'un mois à partir du moment où le siège est décidé, on puisse avoir à pied d'œuvre sur la ligne de combat tout ce qu'il faut pour ouvrir le feu et l'entretenir, une fois ouvert, avec toute l'intensité commandée par les circonstances.

Enfin, pour éviter la complication des approvisionnements, il faut encore que ce système de transport, puisse être employé aussi bien par la défense dans l'intérieur des places, que par l'attaque, au dehors.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES.

1905-2.

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