Page images
PDF
EPUB

visiter l'Estérel, cet ilot porphyrique si curieux en pleine masse calcaire. Désormais, sur cette côte Méditerranéenne plus belle que la Grèce antique, le culte du plein air possède un bois sacré : c'est la Forêt domaniale, Le Parc National, comme on le nomme au Touring-Club. En la parcourant, on fortifie son corps par l'air pur que les poumons dilatés y respirent; on élève son âme par les plus nobles impressions.

Une route attirant la foule, et surtout la jeunesse, à ce vivifiant désert, c'est un bienfait pour notre race qui a si vivement besoin d'entretenir sa vigueur physique, base de l'énergie morale plus nécessaire que jamais.

Mais à côté des bénéfices qui ne se chiffrent pas, il y a le rendement économique.

L'Etat a-t-il fait une bonne ou une mauvaise affaire ?

Sur les 550.000 francs qu'a coûté la partie construite depuis 1899, le Ministère de l'Intérieur a donné

Nous ne savons pas dans quelle proportion il a contribué à la dépense des parties anciennes évaluées 230.000 francs: nous admettons le 40 p. 100, soit.

236.000 fr.

92.000 fr.

au total

soit en nombre rond 330.000 francs.

328.000 fr.

A 4,5 p. 100, intérêt à 3,75 et amortissement en 50 ans compris, ce capital représente une annuité de 14.850 francs, soit 15.000 francs.

D'autre part, pour l'entretien annuel le classement en route nationale a mis à la charge du Ministère des Travaux Publics une annuité de 22.500 francs, soit au total, 37.500 francs, annuité à laquelle nous ajouterons, suivant l'exposé des motifs du projet de loi de classement une somme moyenne de 12.500 francs par an pour tenir compte très largement de l'accroissement des frais d'entretien et des travaux d'amélioration futurs. C'est donc au total un sacrifice maximum annuel de 50.000 francs que s'imposera l'Etat, pendant 50 ans, en faveur de la nouvelle route de Saint-Raphaël à Cannes, sacrifice qui se réduira ensuite au seul entretien annuel.

Voilà pour les dépenses.

Quant aux recettes, un indice nettement probant de la prospérité croissante de Saint-Raphaël résulte de la progression régulière du produit de l'octroi passé de 7.500 francs en 1880 à 60.310 francs en 1903, la population s'étant d'ailleurs élevée parallèlement de 1.500 à 5.000 habitants.

Les recettes des gares P.-L.-M. de Saint-Raphaël à Cannes la Bocca (exclus) témoignent du développement de la vie dans la région de l'Estérel; car, de 1893 à 1903, pour les six stations de SaintRaphaël, Boulouris, Agay, le Trayas, Théoule et la Napoule, les recettes-voyageurs totales (impôt compris) se sont, par un accroissement régulier dans chaque gare, élevées de 207.436 francs à 279.039 francs, soit une augmentation de 35 p. 100.

A Saint-Raphaël, les recettes messageries et petite vitesse sont passées de 300.888 francs, à 491.642 francs, en progression de 63 p. 100 pour 10 ans.

La gare du chemin de fer d'intérêt local de Saint-Raphaël à Hyères, ouverte en 1890, a vu sa recette totale (impôt déduit) passer de 19.991 francs à 36.755 francs en 1893 et 45.633 francs en 1903, soit par rapport à la première année d'exploitation un accroissement de 150 p. 100.

L'Etat bénéficie directement des augmentations de recettes des chemins de fer par la plus-value sur l'impôt versé au Trésor: en 10 ans, pour le seul trafic-voyageurs des six gares de l'Estérel, la perception de l'Etat est passée de 22.223 francs à 29.896 francs, en plus value de 7.673 francs.

Envisageons encore les deux éléments de recettes du Trésor indiqués dans le tableau ci-dessous, qui ont le lien le plus direct avec la prospérité locale.

[blocks in formation]

On voit que, de 1880 à 1903, leur produit annuel a augmenté de 100.000 francs.

Les contributions indirectes ont donné une plus-value que nous ne pouvons exactement relever, mais que nous pensons pouvoir estimer égale, plutôt par défaut, à la moitié de celle de l'octroi, soit environ 25.000 francs. Le taux de l'impôt sur la grande vitesse a été réduit en 1892 en même temps que les tarifs-voyageurs.

Si nous estimons sa plus-value depuis vingt ans d'après le taux actuel, nous trouvons pour les six stations de l'Estérel, de SaintRaphaël à la Napoule, une valeur de 12.000 francs environ.

Nous ne tenons compte ni de la douane, ni de l'enregistrement, ni de la location de la chasse dans la forêt domaniale de l'Estérel qu'a permise la nouvelle route (4.500 francs par an) et nous trouvons déjà que le Trésor a encaissé en 1903 au moins 137.000 francs de plus qu'en 1880.

Déduction faite des frais d'exploitation du service postal, il reste encore une plus-value d'au moins 100.000 francs par an. Les dépenses faites par l'Etat dans la région considérée pendant les derniers 25 ans ont donc été très rapidement amorties, et ont eu pour résultat de considérables plus-values sur le rendement des impôts.

L'Etat a-t-il bien fait de placer dans cette région privilégiée de nouveaux capitaux? Une réponse affirmative s'impose ; car la progression des recettes ne fera évidemment que s'accentuer dans l'avenir et l'on peut affirmer, d'après les résultats acquis qu'elle couvrira largement la charge nouvelle assumée par le Trésor.

Dans l'arrondissement de Draguignan qui, partant de la mer, s'élève par plateaux successifs aux altitudes de 200,500, 800 et 1.000 mètres avec des sommets de 1.500 et 1.700 mètres d'altitude, nous observons très nettement la migration des populations de la montagne où les villages se dépeuplent, où la forêt de pins reprend peu à peu possession des terres à blé et à oliviers, tandis que la basse vallée de l'Argens et le littoral voient s'accroitre d'un mouvement continu leur prospérité et le nombre de leurs habitants.

C'est donc, au seul point de vue du rendement économique, une très bonne opération qu'a faite l'Etat en contribuant à développer la richesse du littoral par la création de la Corniche de l'Estérel et en assurant l'existence de cette route par son classement dans le réseau des routes nationales.

Cannes et Saint Raphaël sont désormais reliés par une voie qui détermine entre elles un échange incessant de voyageurs; sur le trajet, les petites stations de la Napoule, Théoule, la Figueirette, le Trayas, Anthéor, Agay, le Dramont, Boulouris, autant de sites charmants, attirent le touriste qui, emportant de son rapide passage l'impression d'un climat délicieux, d'une atmosphère lumineuse et gaie, d'un paysage à la fois grandiose et gracieux, aspire à posséder un coin de cette terre exquise: après la poésie, intervient le notaire. On achète, on bàtit; et le désert se peuple, les villas se construisent, les rochers se transforment en parterres fleuris. Ainsi, par le mouvement qu'elle a fait naître, la Route, a créé et développe autour d'elle la vie et la prospérité.

[ocr errors]

Personnel dans les Alpes-Maritimes et dans le Var. Les études et les travaux de la Corniche de l'Estérel, construite comme chemin vicinal ordinaire, ont été faits, sous la direction de M. l'Inspecteur général Rouville, Membre du Comité de la Vicinalité, Inspecteur du Service Vicinal dans les départements des Alpes-Maritimes et du Var, et de MM. les Ingénieurs en chef Imbert et Périer, par MM. Pellegrin, Ingénieur auxiliaire et Thérel, Ingénieur ordinaire, avec le concours de MM. les Conducteurs Gerbin, Giboin et Astroin Romain.

Draguignan, le 18 novembre 1904.

No 20

ÉTUDE

SUR

LA STABILITÉ DES TRAINS

ET

LES CHEMINS DE FER A VOIE DE 0,60

CONFÉRENCES (*)

FAITES AUX ÉLÈVES-INGÉNIEURS

DES PONTS ET CHAUSSÉES ET DES MINES

Par M. le Colonel d'artillerie PÉCHOT,

Membre du Comité de l'Exploitation technique des Chemins de fer Mis temporairement à la disposition de M. le Ministre des Travaux Publics.

PRÉAMBULE

Messieurs,

Invité par M. le Ministre des Travaux publics à vous donner quelques indications pratiques sur la manière dont on peut traiter les questions de chemins de fer au point de vue de l'harmonie à établir entre les différents éléments intéressant la stabilité des trains et de l'étude des dispositions à prendre pour éviter les déraillements, je prendrai comme exemple concret le système complet du chemin de fer à voie de 0,60 que j'ai été amené à étudier et à organiser de 1882 à 1889 pour résoudre divers problèmes de transports militaires.

(*) Conferences faites au Ministère des Travaux Publics, puis à Toul, les 25 et 27 avril 1903, sur l'invitation de M. le Ministre des Travaux Publics.

« PreviousContinue »