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3o Arriver, la veille de la bataille d'Orléans, le 3 décembre, à avoir rétabli l'alignement à 8 jours des vivres des convois et du sac existant à l'origine des opérations.

C'est ce que les Allemands paraissent avoir compris lorsqu'en 1891 ils ont commencé une série d'essais sur un système de chemin de fer à voie de 0,60, analogue au nôtre qu'ils voyaient fonctionner depuis 1888 dans nos places de l'Est. A partir de 1893, ils ont commencé à constituer des approvisionnements de voie qui, depuis plusieurs années, paraissent dépasser 1.000 kilomètres avec locomotives et wagons.

Le matériel allemand paraît inférieur, à certains points de vue, à celui qui vient d'être décrit.

La voie est moins résistante et moins souple pour épouser la forme du terrain.

Les locomotives sont moins puissantes (7,5 au lieu de 14 tonnes). Le maximum des déclivités que l'on peut parcourir est abaissé à 60 millimètres par mètre, par suite, sans doute de la disposition du foyer à l'extrémité de la chaudière.

Quant à la construction des lignes, les Allemands paraissent réaliser d'une manière courante, dans leurs exercices, la vitesse de construction de 10 kilomètres par jour (en 1892, 67 kilomètres en 7 jours entre Zell et Uelzen, dans le Hanovre; en 1898, 95 kilomètres en 10 jours). C'est cette vitesse de construction que nous avions prévue dès 1882.

Dans un exercice du jeu de la Guerre, ayant pour thème l'organisation de chemins de fer de campagne entre Leipzig et Berlin, exposé dans le fascicule 10 des Strategisch-Taktische-Aufgaben, paru en 1896, le colonel. Taubert, commandant le 3 régiment de chemin de fer allemand, montre :

La méthode suivie en Allemagne pour faire au point de vue tactique ou stratégique, en même temps qu'au point de vue technique la reconnaissance des divers itinéraires possibles, puis le choix entre les itinéraires reconnus;

La façon de choisir l'emplacement des gares de transbordement, de les organiser;

Les dispositions prises pour exécuter rapidement la construc

tion desdites gares de transbordement et des lignes qui en par

tent.

Avec des méthodes semblables que nous avons étudiées et expérimentées et un matériel plus puissant et plus souple, il n'est done pas téméraire d'affirmer que, le jour où on le voudra, on arri vera en France à des résultats au moins égaux à ceux obtenus depuis 10 ans chez nos voisins.

Du reste, il y a quelques années (en 1895), alors que nos règlements n'étaient pas encore complètement rédigés, il a suffi de 3 semaines pour former, dans un bataillon d'artillerie à pied, les 600 hommes nécessaires pour encadrer 4.000 hommes d'infanterie et réaliser une vitesse de tracé et de préparation du terrain de plus de 10 kilomètres par jour ainsi qu'une vitesse de pose de plus de 1.200 mètres à l'heure. Si, dès cette première expérience, l'on n'a pas chaque jour livré à l'exploitation les 10 kilomètres prévus, c'est que les consignes relatives à l'exploitation, encore incomplètement formulées, ont été mal interprétées, et que l'irrégularité de l'arrivée du matériel a forcé les équipes de pose à rester chaque jour inactives pendant 3 et 4 heures de suite.

Depuis 1897, les règles concernant l'exploitation sont définitivement établies et ont reçu la sanction de l'expérience.

Lorsqu'on les appliquera, comme il convient, pour amener jusqu'en tête de pose les éléments de voie destinés à la construction des lignes, les équipes de pose pourront travailler sans discontinuité et l'on réalisera effectivement la vitesse de construction de 10 kilomètres par jour.

Une expérience de construction, faite dans ces conditions, démontrerait en même temps une fois de plus que la stabilité de la voie ne nécessite en aucune façon, l'emploi du ballast, quoi qu'en aient dit certains contradicteurs qui ont prétendu trouver dans l'approvisionnement et l'établissement du ballastage un empêchement absolu à la construction suffisamment rapide des voies destinées au service des transports dans la zone des opérations.

On pourrait constater également que les routes et chemins prêtent à la voie de 0,60 une assiette d'une solidité indiscutable. et que, sur les terrains manquant de solidité suffisante, on obtient

la stabilité nécessaire pour assurer un trafic très considérable par l'emploi de fascines, cales en bois ou autres matériaux qu'il est facile de se procurer sur place ou de faire venir de l'arrière.

L'évidence des résultats obtenus mettrait peut-être enfin un terme à ces légendes qu'ont fait naître certaines affirmations erronées, mais qui, à force d'être répétées, n'en ont pas moins fini par devenir pour certains de véritables axiomes et même par trouver leur écho dans des publications ordinairement bien documentées.

MÉTHODES

CHAPITRE IV

SUIVIES POUR ÉTABLIR L'HARMONIE NÉCESSAIRE ENTRE QUELQUES ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES DE NOTRE CHEMIN DE FER ET SES CONDITIONS D'EMPLOI. ENSEIGNEMENTS PRATIQUES A

DÉDUIRE.

Nous allons passer rapidement en revue les méthodes suivies pour déterminer les principaux éléments caractéristiques de notre chemin de fer.

1o Largeur de la voie.

Avant de fixer la largeur de la voie, nous avons cherché d'après quels principes avait été déterminée la largeur des chemins de fer les plus connus:

La largeur, d'environ 1,45 (*), de la voie dite « normale », appliquée vers 1830 en Angleterre avant d'être importée en France et dans l'Europe centrale, correspond à l'écartement intérieur des rails (largeur de 0,06 des champignons) posés sur les routes pour

(*) Cette largeur dite normale n'est pas la même sur tous les réseaux européens pourtant aux termes du protocole de la convention de Berne du 15 mai 1886, la largeur de la voie en service sur les divers réseaux de l'Europe, doit depuis 1892 être comprise entre 1,435 et 1m,460, de façon que les véhi cules destinés passer d'un réseau sur un autre étant portés par des essieux montés, rentrant dans certaines limites de dimensions fixées par la même convention, puissent circuler avec sécurité sur l'un quelconque des dits réseaux de l'Europe centrale.

faire rouler plus commodément les diligences de l'époque à voie de 1,51 (environ 5 pieds anglais). 1,45=1",51 -0,06.

Les anciennes diligences furent en effet les premiers véhicules des railways anglais; elles changeaient de roues lorsqu'elles passaient de la voie ferrée sur la voie de terre et réciproquement, comme cela se faisait avant 1870 au pont de la Concorde, pour les véhicules du tramway du Louvre à Versailles.

La largeur de la voie « américaine » copiée sur la voie anglaise est de 1,51; elle a, comme largeur intérieure, l'écartement d'axe en axe des rails de la voie « anglaise; il peut se faire qu'en transportant la voie anglaise en Amérique, on ait pris la cote d'axe en axe des rails (comme cela arrive quelquefois au cours des études mécaniques), au lieu de la cote d'écartement des bords intérieurs des champignons ;

La voie « américaine» est appliquée notamment en Amérique et en Russie.

En prenant 1,60 pour la largeur de la voie espagnole, on semble avoir voulu prendre une majoration de largeur de 0,15 par rapport à celle de la voie française pour rendre très difficile sinon impossible, la circulation du matériel de l'Europe centrale sur le réseau espagnol et réciproquement.

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La voie espagnole » est en usage notamment en Espagne et en Portugal.

Si la largeur de 076, a été employée pour la construction d'un réseau de 350 kilomètres en Bosnie et Herzégovine (Brod-Zénica, Sarajevo), c'est qu'en 1878, au moment où ils sont entrés en Bosnie, les Autrichiens ayant eu besoin de construire promptement des chemins de fer pour ravitailler leur armée, ont trouvé un approvisionnement de 10 kilomètres de chemin de fer à voie de cette largeur, l'ont employé pour construire les premiers kilomètres et ont prolongé ensuite de proche en proche la ligne commencée avec la largeur de 0,76.

Ann. des P. et Ch.

MEMOIRES 1905-2.

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La largeur de 0,60 (environ 2 pieds anglais) est celle de la voie de la ligne (20 kilomètres de longueur) de Festiniog à Portmadoc (Pays de Galles), construite d'abord en 1832 pour être exploitée au moyen de chevaux, puis transformée en 1868 pour porter des locomotives de 24 tonnes marchant à la vitesse de 64 kilomètres à l'heure, ligne comportant un trafic considérable de voyageurs et de marchandises et faisant en 1877 une recette de 30.000 francs par kilomètre et par an (*).

Au moment de la première installation, on ne prévoyait pas devoir transporter autre chose que des ardoises entre les carrières et la mer. On pensa sans doute qu'avec une largeur de deux pieds (0,60), on construirait plus économiquement la ligne et que l'on placerait convenablement entre les roues les boîtes servant au transport de l'ardoise sur les carrières.

Trente ans plus tard (en 1863), au moment d'organiser l'exploitation au moyen de locomotives, on fut tout étonné (**) que M. Spooner, ingénieur de la ligne, s'opposât à l'élargissement de la voie et demandat de maintenir la largeur de 0,60. Au sujet de l'emploi de la locomotive à mettre sur une voie de cette largeur, M. Robert Stéphenson écrivit à M. Spooner: «La chose est impossible. Sans s'arrêter à cette objection, M. Spooner construisit sa locomotive, conservant la largeur de 0,60. La suite a montré combien il eut raison d'insister.

Cette même largeur de 0,60 a été employée pour construire aux Indes, dans un pays difficile (voir phot. 10, 11 et 12), une ligne de 580 kilomètres de longueur entre Calcutta et Djarceling dans l'Himalaya (***).

La largeur de 1 mètre (égale à l'unité de mesure française), a été adoptée en France par certains entrepreneurs, puis par un certain nombre de compagnies de chemins de fer d'intérêt local.

Dans d'autres pays ayant des unités de mesure différentes, on a

(*) Etude technique sur le chemin de fer de Festiniog, par Vignes, ingénieur, parue chez Dunod, en 1878; pages 82 à 85.

(*) Même ouvrage, page 46.

(***) Voir le bulletin du Ministère des Travaux publics de février 1882, page 176 et les Annales des Ponts et Chaussées, de novembre 1881, chronique page 432.

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