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voi de plus de 200 automobiles et d'une dizaine de landaus a transporté les invités du Touring-Club de France de Saint-Raphaël à Cannes. Nous avions prévu que toutes ces voitures formeraient un cortège, une sorte de train marchant à une allure modérée, les véhicules observant leurs distances. Mais, les voitures de tête, les plus puissantes, n'ont pu s'empêcher de prendre de la vitesse. D'autres, éloignées de la tête, étaient prises de l'ambition de la rejoindre et doublaient la file malgré la défense faite. Les petites voitures, gagnées elles aussi par l'emballement, donnaient toute leur puissance pour suivre le mouvement.

La course, effectuée en 30 à l'heure en moyenne, a été trop rapide. Elle a cependant laissé une délicieuse impression par les beautés grandioses du paysage qu'on n'avait pourtant fait qu'entrevoir; elle a surtout prouvé que la route était tracée en plan, profil et largeur (Pl. 5 et 6, Photo. 2 et 3) de manière à remplir pleinement son but. Les voitures automobiles y peuvent circuler sans risque à condition de limiter la vitesse maxima à 40, de ralentir et de tenir la droite aux tournants; les voitures à chevaux n'ont rien à redouter du passage le long du chemin de fer dont on avait un peu exagéré le danger en le signalant par des plaques invitant les cochers à bien tenir leur attelage en main.

Quant aux piétons et aux cyclistes, leur nombre a prouvé combien ils apprécient le charme de la promenade de Saint-Raphaël à Cannes par ce magnifique littoral de l'Estérel. C'est ce massif d'un caractère si spécial et si pittoresque à qui la route a emprunté son nom: Elle s'appelle officiellement désormais: La Corniche de L'Estérel.

Caractère d'intérêt général de la nouvelle route. Cette nouvelle voie continue dignement la grande Corniche de Nice et forme pour les automobiles l'indispensable complément de la route de Marseille par Toulon, Cannes et Nice à la frontière Italienne. Elle double en la rectifiant la traversée de l'Estérel par les Adrets de la route nationale n° 97 moins bien tracée, à déclivités plus fortes et qui parcourt une région peu pittoresque et sans aucun avenir.

Dans la hiérarchie des routes et chemins, c'est donc bien autre

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3.

La corniche de l'Esterel entre le P.-L.-M. et la mer.

chose qu'un chemin vicinal ordinaire, modeste voie destinée au service des intérêts locaux d'une commune. C'est encore moins une de ces voies départementales dont le but est de relier entre elles quelques communes et de desservir les intérêts locaux d'une fraction de département.

D'ailleurs les deux communes traversées, Mandelieu et SaintRaphaël, les premières sans doute à tirer profit dans l'avenir de la nouvelle route, étaient hors d'état d'en assurer l'entretien : Mandelieu sans ressources, Saint-Raphaël, épuisée, auraient laissé la route se dégrader rapidement et, incapable de desservir la grande circulation, elle fût devenue vraiment le chemin vicinal ordinaire permettant tout juste le service des propriétés avoisinantes.

Si le Touring-Club n'assurait pas la conservation de la route créée, son œuvre demeurait donc stérile: il avait espéré développer encore l'amour du plein air dont notre race a tant besoin, attirer vers ce coin de la France enfin rendu accessible à tous la masse toujours grossissante des touristes, contribuer ainsi à la fois au développement de la richesse nationale et au patriotisme. Faute de crédits d'entretien, ce beau programme allait-il donc s'évanouir?.

CHAPITRE V

LE CLASSEMENT EN ROUTE NATIONALE

Vou de classement en Route Nationale émis par les Conseils Généraux et instruction de ce vœu. Par une lettre adressée à chacun des Conseils généraux du Var et des Alpes-Maritimes, le Président du Touring-Club de France demanda à ces assemblées d'émettre un vœu en faveur du classement en route nationale de la Corniche de l'Estérel entre Fréjus (Var) et la Napoule (Alpes-Maritimes).

Dans la session d'avril 1902, les deux voeux, après avis des services locaux des Ponts et Chaussées, furent émis et adressés au Ministère des Travaux Publics.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES. 1905-2.

Nous avions demandé l'adjonction à la route à classer du chemin de grande communication qui relie Saint-Raphaël à Fréjus, sur 3 kilomètres, car il existe à Fréjus un quai de débarquement important qui témoigne de préoccupations stratégiques relatives au maintien des communications avec la région de Cannes et de Nice et la nouvelle route nationale devait évidemment pouvoir servir en premier lieu aux transports militaires, c'est-à-dire aboutir à Fréjus où elle rejoignait ainsi la route nationale n° 97 de Toulon à Antibes.

D'autre part, le chemin de Fréjus à Saint-Raphaël déjà soumis à une circulation locale intense, allait avoir à desservir la circulation indépartementale à grande distance appelée à prendre d'année en année plus d'importance le long du littoral.

L'Administration supérieure des Travaux Publics demanda aux Ingénieurs des deux départements leur avis au sujet du classement en route nationale sollicité par les Conseils généraux, classement qui, aux termes de l'article 1 de la loi du 27 juillet 1870, ne pouvait être prononcé que par une loi. Les services des Ponts et Chaussées des Alpes-Maritimes et du Var se concertèrent et dressèrent en commun en août 1902, un dossier très détaillé où les deux Ingénieurs en chef concluaient dans un avis commun en faveur du classement projeté. Les frais d'entretien annuel de la route nouvelle pour 38,915 de longueur furent évalués à 22.500 francs soit 588 francs par kilomètre en moyenne, le taux variant suivant les sections d'après la période d'aménagement probable et le prix des matériaux, savoir:

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1.000 fr.
700

500

De Fréjus à Saint-Raphaël, 4 kilom.
De Saint-Raphaël au Dramont, 6 kilom.
Du Dramont à la route nationale n° 97 à la
Napoule, 28 kilom., 915. .

Il est certain que ces taux, surtout le dernier, bien qu'en rapport avec la dépense d'entretien sur routes analogues de la région, sont trop faibles et devront être augmentés à mesure que la zone traversée se peuplera et que la circulation y deviendra plus active. Mais nos calculs étaient faits en vue d'assurer tout juste la conservation de la chaussée existante et d'ailleurs le crédit ci-dessus

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