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A l'occasion du procès soutenu par la commune contre un des particuliers, les experts ont même évalué le sol litigieux, qui n'a rien de spécial et se trouve loin d'une gare, à 5 francs le mètre carré. Ce prix est actuellement encore exagéré, mais il y a eu déjà dans la région des ventes à 3 francs le mètre carré. On se rend compte ainsi de la plus-value considérable acquise par les terrains avoisinant la route, que sa construction a élevés de la catégorie des incultes à celle des terres d'agrément et de luxe.

Particularités du régime des alignements. Pourquoi donc avons-nous acquis une bande uniforme de 10 mètres de largeur au lieu de la surface réelle d'emprise? C'est que, dans la partie récemment construite jusqu'à la gare d'Agay, le long de laquelle s'étaient élevées en peu de temps de nombreuses villas, les alignements avaient souvent donné lieu à contestation. On ne se figure pas, sans avoir eu à lutter contre elle, l'âpreté avec laquelle le citadin acquéreur par engouement, défend le sol qu'il a acheté pour en faire une propriété d'agrément.

Lorsque nous avions piqueté au riverain la ligne brisée représentant la limite des talus, il nous demandait aussitôt de redresser cette limite afin de lui permettre d'établir sa clôture suivant une ligne régulière; mais, que de disputes à propos d'un pouce de terrain, lorsque l'alignement, fixé par nous de manière à ménager, une largeur convenable à la route, semblait donner à celle-ci un peu plus de surface qu'elle n'en cédait au riverain.

Avec le régime particulier adopté à partir d'Agay pour la Corniche de l'Estérel dans le Var, aucune contestation ne se produit : l'alignement donné à la limite de la bande de 10 mètres cédée à la commune ou acquise par elle, est une parallèle à l'axe de la route à 5 mètres de distance; le riverain exécute dans sa propriété, c'està-dire sur le talus même de la route, si celui-ci s'étend au delà des dix mètres, les travaux nécessaires pour rendre possible son accès à ladite route en un point de l'alignement tracé; le service de la route complète ces travaux par l'aménagement de peu d'importance (déblai ou remblai) restant à faire entre la limite des dix mètres et la plateforme existante. Détail qui a son intérêt; le

riverain qui a cédé du terrain a dû s'engager à ne clore sa propriété le long de la route que par un mur limité à 0,70 de hauteur surmonté d'une grille; nous évitons ainsi les affreux murs si monotones qui bordent trop souvent les chemins des environs de Paris.

Nous nous trouvions enfin en présence de deux puissances qu'il importait de traiter avec les plus grands ménagements : le service des Eaux et Forêts et la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M.

Le Service des Eaux et Forêts et la décision de M. le Ministre de l'Agriculture du 15 juin 1901. - Notre projet comprenait une emprise totale d'environ 25,000 mètres carrés dans la forêt domaniale de l'Estérel; de plus, la rivière d'Agay de si fâcheuse mémoire pour le P.-L.-M. qui a dû remplacer son viaduc en maçonnerie ruiné par les crues de l'automne 1900, était franchie à l'aide d'un pont à tablier en bois et charpente en fer sur pieux à vis établi par le service forestier pour son usage.

Préalablement à l'enquête relative au classement comme chemin vicinal ordinaire du sentier de la Douane à partir d'Agay, nous avions ouvert en 1899 avec ledit service une conférence à ce sujet. L'entente s'établit alors aisément grâce à la bienveillance de M. le Conservateur Gallop, qui prit sa retraite peu de temps après : comprenant l'avantage pour toute la région du classement projeté que devait suivre immédiatement la construction du chemin classé, admettant que la vidange des bois de la forêt domaniale se trouverait facilitée, il conclut en faveur du classement et posa en principe la remise gratuite à la commune de Saint-Raphaël du pont sur la rivière d'Agay et de la portion de chemin forestier à incorporer dans le chemin vicinal ordinaire.

Mais, lorsque, à la date du 20 décembre 1900, nous produisimes au service des Eaux et Forêts le dossier tendant à obtenir, avec l'autorisation de construire la route, la cession gratuite d'une bande régulière de terrain de dix mètres de largeur suivant l'axe du tracé, les dispositions du service local étaient devenues beaucoup moins favorables; il était dominé par la crainte du danger d'incendie que feraient courir à la forêt de pins si facilement inflammable

les promeneurs et les habitants nouveaux. Ce danger, nous le reconnaissons volontiers, n'est pas chimérique; car, les incendies de forêts dans les Maures et l'Estérel, qui ont fait l'objet d'une loi spéciale du 19 août 1893, constituent un véritable fléau pendant l'été, des postes établis sur les points culminants veillent jour et nuit et signalent toute trace de fumée ou toute lueur, origine possible d'un de ces incendies que le vent, surtout le Mistral, (vent du Nord-Ouest) propage avec une effrayante rapidité sur des centaines d'hectares.

Il n'y en avait pas moins beaucoup d'exagération à prétendre, pour ce seul motif, entraver la construction d'une route aux abords de la forêt domaniale de l'Estérel. D'ailleurs, dès les premières objections, le Touring-Club de France s'était empressé de faire garnir la forêt de plaques appelant l'attention des fumeurs sur le danger d'incendie et leur faisant à ce sujet de sages recommandations.

Le débat fut heureusement clos par la décision de M. le ministre de l'agriculture en date du 15 juin 1901, refusant toute participation en argent, mais confirmant la cession gratuite du pont sur la rivière d'Agay et accordant celle de la bande de dix mètres demandée, bien entendu sous des réserves rigoureuses relativement à l'usage du feu sur les chantiers pendant la période de construction.

Le pont forestier qui était en fort médiocre état et dont une des culées menaçait ruine, fut entièrement réparé aux frais du service vicinal, et, bien que son utilisation oblige le tracé à un détour disgracieux, elle est admissible en attendant qu'un nouveau pont, avec rectification de la route soit construit en aval du chemin de fer.

La Compagnie des chemins de fer P.-L.-M. et la décision de M. le Ministre des Travaux Publics du 12 mars 1902. (Photographies 1 et 2). Restait la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M., le vrai maître absolu de la situation.

Entre le viaduc d'Anthéore et la limite du Var, la masse porphy rique du Cap-Roux, élevée brusquement à 453 mètres au-dessus de la mer, est entaillée par des ravins profonds aux pentes

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1. Le Caneiret avant la route: le sentier de la douane.

En haut à gauche, sommet du cap Roux (453m).

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