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L'intensité du trafic est telle, à certains moments de l'année, pendant la saison des bains de mer, que les recettes atteignent chaque année 6,000 à 7,000 francs par kilomètre dont 5,000 francs en trois mois, c'est-à-dire que cette ligne a, pendant cette période la même intensité de trafic que la ligne de Philippeville à Constantine (21,006 francs par an) (*) et qu'en trois mois elle fait autant de recettes que la ligne de Batna à Biskra (5,001 francs en un an).

En 1895, lorsque la Société des Chemins de fer de Calvados prit l'Exploitation du réseau, les Ingénieurs de cette Société, habitués à diriger l'exploitation des lignes à voie d'un mètre de la Belgique, crurent tout d'abord qu'en cas d'augmentation du trafic des lignes déjà construites ou de création de nouveaux embranchements, ils devraient substituer la largeur d'un mètre à celle de 0,60.

L'expérience leur a appris que la largeur de 0,60 est plus que suffisante pour les besoins du trafic des chemins de fer d'intérêt local; ils ont constaté en outre que le système de rail rivé sur la traverse métallique, ayant une large surface d'appui sur le sol, présente l'avantage de rendre les frais d'entretien de la voie à peu près nuls.

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Autres applications de la voie de 0,60 failes en France et à l'Etranger. La circulaire du 12 janvier 1888 (**) interdisant pour les chemins de fer d'intérêt local l'emploi de voies autres que celle d'un mètre a empêché la voie de 0,60 de se développer autant qu'elle l'aurait pu au moment où beaucoup de départements s'occupaient de compléter leurs réseaux de chemins de fer.

La lettre du Ministre de la Guerre du 29 novembre 1889 (**) relative au retrait de l'interdiction de la voie de 0,50 n'ayant pas u autant de publicité que la circulaire de 12 janvier 1888, beaucoup. d'ingénieurs ont pu croire, pendant un certain temps, ainsi qu'il ressort d'une question posée au Ministre des Travaux Publics an cours de la séance du Sénat du 21 mars 1891, que l'on continuerait à ne pas pouvoir employer de largeur autre que celle d'un mètre.

(*) Ce chiffre et les suivants sont extraits de la Statistique du Ministère des Travaux publics pour l'année 1900.

(**) Voir les renvois des pages 115 et 157.

Ceci explique peut-être pourquoi l'application de la voie de 0,60 ne s'est pas développée davantage en France; néanmoins, sans compter les embranchements privés tels que celui de la carrière des Maréchaux mentionné plus haut, il existait en 1900 en France environ 350 kilomètres de chemins de fer d'intérêt local, et tramways en exploitation construits à voie de 0,60; parmi ces lignes nous citerons celle de Royan (Saint-Georges à Pontaillac) donnant une recette kilométrique annuelle qui, de 1899 a 1902, a varié entre 12.035 et 15.303 francs.

En Allemagne, dès 1892, on a remanié les lois antérieures concernant les petits chemins de fer et promulgué de juillet à novembre 1892 une loi et des règlements d'administration publique comprenant la voie de 0,60 parmi les quatre largeurs (1,45, 1 mètre, 0,75 et 0,60) autorisés pour l'organisation des petits chemins de fer (Kleinbahnen); le réseau analogue à celui du chemin. de fer d'intérêt local français présentait dès 1896 un développement de plus de 300 kilomètres de lignes à voie de 0,60.

Dès cette époque, on trouvait également en Allemagne des lignes industrielles nombreuses construites avec la voie de 0,60, notamment des lignes comportant des locomotives, servant à l'exploitation des forêts des Vosges et reliant depuis 1891 les cols de ces montagnes avec les grands chemins de fer de la plaine soit vers l'Ouest soit même des deux côtés à la fois (*).

Si nous sortons d'Europe (photographies 10, 11 et 12), nous trouvons aux Indes, à côté des réseaux de grand développement de 1,067 de largeur, le réseau important à voie de 0,60 mentionné plus haut de 580 kilomètres de longueur reliant Calcutta à Djarceling dans l'Himalaya cette ligne construite en rails de 20 kilogrammes, établie sur accotement de route dans presque toute l'étendue de son parcours et s'élevant à une altitude de 2.500 mètre sur 80 kilomètres, comprend un grand nombre de rampes de 50 millimètres par mètre et des courbes au rayon de 21,33; l'examen des photographies nos 10, 11 et 12 fait ressortir nettement les

(*) Les lignes qui relient le col du Donon avec les lignes d'Alsace et celles de Lorraine sont construites en rails de 20 kilogrammes environ et exploitées au moyen de locomotives à trois essieux du poids de 15 tonnes gravissant des rampes de 50 à 60 millimètres par mètre.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES. 1905-2.

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grands avantages que les constructeurs ont retirés de l'emploi de ces rayons très faibles au point de vue de l'économie dans l'établissement de l'infrastructure.

C'est ainsi que dans ce pays très difficile, ils ont pu construire une ligne à voie de 0,60 à raison de 80.000 francs par kilomètre (" alors que, dans des pays peut être moins difficiles, les lignes à voie d'un mètre ont coûté plus de 200.000 francs (lignes du Sud de la France); ou de 150.000 francs (réseau du Finistère construit par l'Ouest) avec des rayons de 100 et de 150 mètres.

ENSEIGNEMENTS A DÉDUIRE DES RÉSULTATS OBTENUS

Il résulte de ce qui vient d'être dit que, pour traiter pratiquement la question des largeurs de voie, il est inutile de se placer, comme on l'a fait quelquefois, à un point de vue académique, de chercher à déterminer la limite absolue de la puissance de transport des lignes des différentes largeurs (1,44; 1,05; 1 mètre; 0,75; 0,60) et à savoir si, entre ces limites, il peut exister un rapport tel que celui du carré ou du cube desdites largeurs.

En étudiant simplement les trafics fournis par les chemins de fer à voie de 0,60 dans diverses régions et en les comparant à ceux obtenus avec des largeurs plus grandes dans des régions paraissant appelées à recevoir des chemins de fer à voie étroite, on voit que :

1° On réalise notamment sur le chemin de fer de Festiniog (30.000 francs par kilomètre et par an) et sur la ligne de Dives à Luc-sur-Mer (5.000 francs dans un seul trimestre) des recettes kilométriques égales ou même supérieures à celles réalisées sur des lignes construites avec des largeurs plus grandes :

4.824 francs, réseau du sud de la France, largeur 1 mètre. réseau algérien de l'Etat, largeur 1,055.

5.839 5.001

à 24.806 francs, réseau algérien, largeur 145. 20 En construisant les lignes à voie de 0,60 avec des rails résistants comme ceux employés sur les lignes à voie de 1 mètre (18 kilogrammes à 24 kilogrammes) on peut atteindre des vitesses de

(*) Prix très voisin de celui auquel on serait arrivé pour construire le Chemin de fer de Festiniog (Angleterre) si, de prime abord, on l'avait établi tel qu'il est aujourd'hui (voir p. 147),

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11. Chemin de fer à voie de 0,60 de Calcutta à Djarceling (Himalaya). Courbe R 21,33; dévt de 3/4 de circonférence. Différence de niveau gagnée sur ce développement: 3 à 4 mètres.

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