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Il n'en fallut pas davantage pour donner à M. Ballif l'idée d'une piste cyclable entre Saint-Raphaël et Cannes : ce qui exigeait seulement l'aménagement du senlier dit de la Douane entre Agay et Théoule, sur 21 kilomètres environ.

C'est à cette occasion que fut reprise l'idée de la route de SaintRaphaël à Cannes par le bord de la mer, route dont il avait été déjà question jadis, mais qui était considérée comme irréalisable à cause de la dépense devant résulter des difficultés du terrain.

Les pionniers de l'Estérel: M. Brieux. - D'ailleurs, au mème moment s'était établi sur la côte, à 2 kilomètres à l'Est du phare de la Baumette, à 4 kilomètres de la gare d'Agay, en plein désert, un courageux pionnier : c'était M. Brieux, auteur en renom, qui ne connaissait pas d'obstacles à ses désirs. Sans chemin d'accès, sans eau, il commença la construction d'une grande villa.

Or, la canalisation de la Siagnole, prolongée à partir du Dramont en 1898, s'arrêtait à l'hôtel d'Agay, en face de la gare. Pour arriver au terrain de M. Brieux il fallait un nouveau prolongement de 4 kilomètres.

M. Brieux n'hésita pas à garantir à la commune de Saint-Raphaël l'intérêt et l'amortissement du capital nécessaire à ces travaux qui furent exécutés par notre service et coûtèrent 53.000 franes, y compris un réservoir régulateur en ciment armé établi au Dra

mont.

Classement en chemin vicinal ordinaire du sentier de la Douane entre Agay (Var) et Théoule (Alpes-Maritimes). - Sollicitée à la fois par le Touring-Club de France et par M. Brieux et les quelques amis qu'il avait entraînés dans sa tentative, la commune de SaintRaphaël s'était décidée à demander le classement comme chemin vicinal ordinaire n° 7 du sentier de la Douane entre Agay el la limite du Var.

Du côté des Alpes-Maritimes, la même demande était faite aut sujet dudit sentier entre la limite du Var et Théoule pour en faire le chemin vicinal ordinaire no 6 de la commune de Mandelieu.

Le classement fut obtenu dans les deux départements et pro

noncé par la Commission départementale des Alpes-Maritimes le 17 mars 1900, par celle du Var le 16 novembre 1899: cette dernière décision attribuait au chemin une largeur de plate-forme de 10 mètres.

Il n'était donc plus question d'une piste cyclable, mais d'une belle route qui sans nul doute devait être conçue, quant à son exécution immédiate, de manière à pouvoir être réalisée au moyen des ressources forcément limitées dont on disposerait, mais toutefois de manière à pouvoir constituer dans l'avenir, à l'aide d'améliorations partielles, sans changement de tracé ni de profil, une sorte de boulevard le long des flancs de l'Estérel.

Construction en 1901 du chemin entre Agay et Anthéor (Var) (fig. 2). En 1900, la Commune de Saint-Raphaël obtenait l'inscription au programme des travaux à subventionner dans le Var du lot d'Agay à Anthéor, nom sonore attribué au groupe des villas de M. Brieux et de ses amis.

Mais, le département du Var manquait de ressources disponibles, et il avait faliu que le Touring-Club de France se substituàt à lui en allouant un crédit de 15.000 francs.

Ce tronçon de chemin de 5 kilomètres fut livré en 1901. A ce moment, M. Brieux jouissait de l'eau de la Siagnole depuis un an déjà la conduite, de 80 millimètres de diamètre intérieur, avec joints en caoutchouc, système Gibault, avait été posée dans les premiers mois de 1900, suivant le tracé du chemin futur, dont on avait à cette occasion exécuté juste les terrassements nécessaires. Au-dessus des remblais, dont le tassement aurait provoqué des ruptures nous avions soutenu la conduite à l'aide de palées formées chacune de deux piquets de pin battus et d'une traverse grossièrement assemblés. Le remblai a ainsi pu tasser sans entraîner la conduite dans son mouvement, et, lorsqu'on a construit la route, un an après, on a pu achever les terrassements et notamment remblayer d'un mètre sur les tuyaux sans provoquer aucune fuite malgré une pression intérieure de plus de 50 mètres.

En 1901, nous étions donc parvenus à Anthéor, près du grand viaduc sur lequel le chemin de fer P.-L.-M. franchit un ravin profond et escarpé situé au sud du massif du Cap-Roux.

CHAPITRE III

LA TRAVERSÉE DU MASSIF DU CAP ROUX ENTRE ANTHEOR ET LA LIMITE DES ALPES-MARITIMES

Loi du 12 mars 1880 sur les chemins vicinaux et création des ressour

ces. Il nous restait dans le Var à franchir la grande masse porphyrique, sur 8 kilomètres de longueur, et c'était là que nous devions rencontrer quelques intéressantes difficultés administratives, financières et techniques.

Les travaux neufs du service vicinal s'exécutent dans le Var presque uniquement par application de la loi du 12 mars 1880 qui a institué le concours de l'Etat en faveur des départements et des communes, concours qui se traduit dans ces dernières années par l'inscription au budget du Ministère de l'Intérieur d'un crédit d'environ 7 millions à partager entre tous les départements.

On conçoit que la répartition de cette somme entre la foule des projets dont l'exécution est demandée par les populations et par leurs représentants constitue un problème difficile à résoudre: le principe dit de la justice distributive si souvent invoqué dans les assemblées élues exige qu'une telle assemblée répande ses faveurs un peu partout et ne fasse attendre personne trop longtemps; la tendance dans les Conseils Généraux, presque souverains maîtres pour la formation du programme annuel des travaux dans chaque département, est donc de scinder une œuvre déterminée en une série de lots qui reçoivent la subvention de l'Etat les uns après les autres, à des intervalles parfois éloignés.

De là, ce fait qu'on a pu quelquefois observer, d'un chemin parfaitement construit se terminant en pleins champs ou à pic de rochers, ou bien d'un pont auquel on accède librement d'un côté, mais dont on descend, à l'autre extrémité, par une échelle, jusqu'au jour où, plusieurs années s'étant écoulées et la population intéressée étant arrivée à la limite de sa patience, la justice distributive a pu comprendre dans son programme l'achèvement du travail entrepris et demeuré trop longtemps infructueux.

Les fonds de l'Etat ayant été distribués, il s'agit d'en contrôler l'emploi.

Or, la commune qui obtient une subvention est toujours hantée du désir de réaliser son projet avec les seuls fonds qui lui sont ainsi attribués, sans y dépenser de son argent. Des précautions sévères doivent être prises pour obliger les communes et même les départements subventionnés à remplir leurs engagements. On doit regretter cette nécessité, mais elle ne peut pas être niée.

Le Ministre de l'Intérieur a institué à cet effet un Code méticuleux; c'est l'Instruction spéciale pour application de la loi du 12 mars 1880, rendue exécutoire par arrêté ministériel du 23 juillet 1898. Les règles en sont logiques et très claires, d'une application facile quand on est bien au courant, mais très rigoureuses et avec raison, disons-nous sincèrement, bien qu'elles fussent extrèmement gênantes pour la réalisation rapide de la voie restant à ouvrir entre Anthéor dans le Var et Théoule dans les Alpes-Maritimes.

Nous étions en effet en présence de deux premières et considérables difficultés :

1° Obtenir de l'Etat et du département du Var qu'ils voulussent bien continuer leurs faveurs à la Corniche de l'Estérel, déjà inscrite aux programmes de 1899 et 1900, en la faisant encore figurer et pour la plus grosse part-aux Programmes 1901 et 1902; 2o Assurer l'exécution rapide et rationnelle de la route en obtenant d'adjuger simultanément les deux lots que formait la partie restant à faire dans le Var, entre Anthéor et la limite.

Urgence de l'achèvement du chemin entre Théoule et Anthéor. — Le Touring-Club de France, qui avait ébruité l'affaire, désirait de toutes ses forces la voir aboutir sûrement et rapidement; la Commune de Saint-Raphaël, comprenant que son débouché sur Cannes était pour elle un gage certain de prospérité, était également impatiente d'obtenir sa réalisation; mais le département du Var ne se souciait pas de consacrer à cette seule route de l'Estérel des ressources annuelles destinées à satisfaire le plus grand nombre possible de cantons.

D'ailleurs, pas un centre habité sur le trajet; d'un côté, la prospérité aléatoire d'une contrée déserte, l'avantage immédiat de la seule commune de Saint-Raphaël, de l'autre les appels pressants des populations du reste du département réclamant des améliora tions, à la vérité parfois peu intéressantes et peu productives, de leurs chemins vicinaux.

Inscription de la traversée du Cap-Roux aux programmes 1901 et 1902 et décision de M. le Ministre de l'Intérieur du 5 mars 1901.— La constitution des ressources fut des plus laborieuses; nous avions à solliciter quatre budgets différents sans compter les par ticuliers, savoir: le Touring-Club de France, la commune de SaintRaphaël, le département du Var et l'Etat.

Le Touring-Club de France avait déjà manifesté son appui financier en se substituant au Département du Var pour le lot d'Agay à Anthéor: il ouvrit le chapitre des crédits en faveur de la traversée du massif du Cap Roux par le don à la commune de Saint-Raphaël du produit d'une fête donnée à Cannes au mois de Mars 1901, soit 8.000 francs. Il était le promoteur et le soutien très actif du projet, mais avec une certaine crainte de mécontenter la masse des Sociétaires dispersés dans toute la France en engageant trop de fonds dans une affaire qui pouvait sembler locale. Sa caisse, gérée avec une grande prudence, ne s'ouvrait donc qu'autant que les autres participants à l'affaire ne suffisaient pas à assurer les sommes nécessaires.

Le plus directement intéressé de ces participants au succès rapide du projet à l'étude était la commune de Saint-Raphaël. Mais cette petite ville était à bout de ressources: il lui restait à liquider une dette de plus d'un million et le nombre total des centimes (valeur du centime, 350 fr) était de 172. Cependant la route projetée qui devait rendre habitable et mettre en valeur la plus belle partie de son territoire, présentait de tels avantages que le Conseil municipal, après nous avoir toutefois fait étudier une variante. inadmissible, se détermina, en janvier 1901, à prendre l'engagement d'assurer la part des dépenses à sa charge, soit 20,45 p. 100 d'après le barème règlementaire joint au décret du 4 juillet 1895.

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