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ment ruineuses. Il produit ensuite un second tableau, dans lequel il fait connaître, pour les canaux qui avaient fait l'objet du premier tableau, la dépense moyenne d'entretien par année pendant la période décennale de 1893 à 1902. Il indique enfin, comme prix du frêt pour bateaux de 300 tonnes, 0 fr. 010 par tonne kilométrique.

M. de Mas termine ce chapitre par quelques observations sur le rôle des chemins de fer et des voies navigables. Il compare d'abord les prix de transport dans les deux cas, mais il fait remarquer qu'il faut tenir compte de l'allongement que présente toujours la voie d'eau et qui est parfois très important; à l'appui, il produit un tableau qui fait connaître pour un certain nombre de villes, entre lesquelles les transports sont fort actifs, les distances par rail et par eau l'allongement qui est au minimum de 17 p. 100 (ParisNancy), peut atteindre 59 p. 100 (Paris-Béthune). Il signale ensuite les avantages et les inconvénients de chacun de ces modes de transport. Lenteur dans les transports, défaut de régularité dans les arrivages, obligation de recevoir de grandes quantités à la fois, se traduisent, pour l'usager de la voie d'eau, dit M. de Mas, par l'obligation de faire, plus longtemps à l'avance, des approvisionnements plus considérables et, par conséquent, par une perte d'intérêts qui compense dans une certaine mesure l'économie réalisée sur le prix de transport. Par contre, le bateau a l'avantage de pouvoir accoster au plus près du point où la marchandise est produite ou consommée; dans certains cas, ajoute M. de Mas, il constitue un magasin commode et économique; dans d'autres, il offre des facilités exceptionnelles pour le logement et l'arrimage de la marchandise. En résumé, les voies navigables rendent, suivant l'auteur, les plus grands services, même à côté des chemins de fer.

Il discute ensuite et réfute les objections faites au régime actuel des voies navigables en France et montre que son régime n'a rien de contraire à la justice distributive. Il n'y voit qu'un inconvénient, c'est qu'il écarte les capitaux privés des entreprises de cette nature. Il rappelle qu'en 1890 M. Yves Guyot, alors ministre des Travaux publics, présentait un projet de loi sur la navigation intérieure, dont le principal objet était la création, sous le nom de

chambres de navigation, d'organismes nouveaux qui auraient apporté à l'Etat, pour l'exécution des travaux de navigation, le concours des intéressés, sauf à se rémunérer de ce concours au moyen de l'établissement de péages sur les voies nouvelles ou transformées. Ce projet de loi fut très mal accueilli par la batellerie et ne reçut aucune suite. Mais l'idée était juste et a reçu plusieurs applications, avec cette seule différence que ce sont les Chambres de commerce qui jouent le rôle assigné dans le projet de loi aux Chambres de navigation. La principale application réside dans la loi du 28 décembre 1903, qui prévoit pour l'exécution de nouvelles voies navigables une dépense de 176.900.000 francs, dont les intéressés doivent fournir la moitié à l'Etat, sauf à récupérer leurs avances au moyen de péages.

De là, M. de Mas passe à l'examen d'une question particulièrement délicate, celle de savoir s'il y a toujours et forcément antagonisme entre les intérêts de la voie navigable et ceux de la voie ferrée. Il se prononce pour la négative et admet que les canaux contribuent dans certains cas à un développement industriel et commercial, dont profite le chemin de fer. A l'appui de cette manière de voir, il cite deux exemples: celui du canal d'Amsterdam au Wahal en Hollande et celui de la Marne au Rhin dans la Lorraine française. Il se croit dont en mesure d'affirmer que les voies de navigation intérieure peuvent et doivent, dans l'intérêt général, conserver leur place à côté des chemins de fer.

Mais, pour atteindre ce but, il faut que la voie navigable s'applique, suivant les temps et les lieux, aux besoins sans cesse changeants du commerce et de l'industrie. Or, tandis que tout progresse, l'antique péniche, avec son tonnage restreint et ses formes antirationnelles, ne peut avoir la prétention de rester seule immuable. Toutes les fois que les circonstances s'y prêteront et que l'importance du trafic le justifiera, ce sont des canaux à grande section qu'on sera désormais amené à construire. Sans doute, dit M. de Mas, la dépense sera plus forte; mais il est infiniment préférable de dépenser plus pour un travail utile que moins pour un travail qui serait condamné à la stérilité. Sans doute, les taxes à acquitter par la marchandise seront plus élevées; mais qu'importe

si la réduction obtenue sur le prix de revient du transport dépasse notablement la majoration des taxes. Objectera-t-on enfin l'obligation du transbordement au point de soudure de voie de gabarit différent? M. de Mas y répond en citant l'exemple des chemins de fer, où, malgré l'uniformité de la voie, on fait constamment des transbordements.

Il termine donc son ouvrage, en exprimant le vœu que les indications qu'il donne cesse le plus tôt possible d'ètre d'accord avec la situation réelle du réseau des voies navigables en France. Ce væeu, auquel nous nous associons, il le formule dans l'intérêt du développement non seulement de la batellerie, mais encore du commerce, de l'industrie et, pour tout dire en un mot, de la prospérité du pays.

Cet ouvrage ne le cède en rien aux deux précédents; peut-être même est-il plus complet. Sur toutes les questions, il comporte une réunion intéressante de faits et de documents, que l'auteur a puisés, pour la France, dans des publications techniques ou dans les archives des services et, pour l'étranger, principalement dans les congrès de navigation; il a soin d'ailleurs d'indiquer par des notes les sources auxquelles il a pris ces renseignements. Tous les exemples qu'il cite sont accompagnés d'une description et de croquis ou de schémas, intercalés dans le texte, dont ils facilitent la lecture.

Le tout est écrit sous la forme sobre et élégante, qui caractérise les œuvres de M. de Mas. Nécessaire aux élèves, qui y trouveront un enseignement digne de l'école à laquelle ils appartiennent, l'ouvrage ne sera pas consulté avec moins de profit par les ingénieurs en service, qui y puiseront bien des renseignements utiles. De toute façon, il restera comme un monument durable de l'art de l'Ingénieur.

Le 1er mars 1905.

BIBLIOGRAPHIE

N° 20

LE CALCUL SIMPLIFIÉ

par les procédés mécaniques et graphiques.

Historique et description sommaire des instruments et machines à calculer (*)

Par M. Maurice D'OCAGNE, Ingénieur des Ponts et Chaussées

COMPTE RENDU

Par M. A. CHOISY, Inspecteur Général des Fonts et Chaussées.

L'intention de l'auteur n'a pas été de faire connaître en détail chacun des instruments de calcul simplifié dont nous disposons, mais de présenter une vue générale de ces instruments : marquer le principe de chacun d'eux et mettre en lumière les applications qu'il comporte.

Une description détaillée eut donné un livre d'une lecture fastidieuse, où les menus faits auraient voilé l'ensemble: M. d'Ocagne a pris sagement le parti de s'en tenir aux aperçus théoriques, sauf à compléter ses indications par des notes bibliographiques, laborieux dépouillement de mémoires, dont l'inventaire n'avait jamais été présenté d'une façon aussi méthodique et aussi complète.

Parmi les instruments de calcul que l'auteur fait passer sous nos yeux, il en est un dont le mérite lui revient pour une large part, la Nomographie. En quelques pages il a condensé l'essentiel de la méthode : l'idée des abaques à double entrée; celle des abaques où le nombre des entrées est multiplié par l'artifice des échelles binaires; les simplifications de tracé qui peuvent s'obtenir par voie d'anamorphose, et surtout par la méthode des

(*) Deuxième édition entièrement refondue et considérablement augmentée. Un vol. in-8 de 224 pages avec 75 figures, cartonné toile anglaise. Paris, GauthierVillars, 1905. (Prix : 5 fr.)

figures corrélatives, où les diagrammes les plus complexes se réduisent à des lignes cotées entre lesquelles il suffit de prendre quelques alignements.

Evidemment l'exactitude des résultats est limitée au degré de précision qu'on peut atteindre dans la construction et la lecture des diagrammes ; mais le champ des applications reste très vaste, puisqu'il comprend, outre les calculs proprement dits, la résolution des équations numériques et la plupart des évaluations que comporte la pratique de l'art de l'ingénieur. Dès qu'il s'agit d'une précision absolue, les machines arithmétiques peuvent seules remplacer le calcul direct; et c'est à la revue de ces machines qu'est consacrée la majeure partie du livre.

Le type de ces appareils est la machine à additionner de Pascal : l'addition matérialisée à l'aide de cylindres gradués qu'on fait tourner d'un nombre de divisions égal au nombre d'unités à ajouter. Autant d'ordres d'unités, autant de cylindres additionneurs; plus un mécanisme spécial effectuant automatiquement les reports.

Dans la machine de Pascal le mouvement était imprimé à la main : l'histoire des perfectionnements se résume dans les dispositifs tendant à remplacer la main par un moteur plus sûr et plus rapide.

Les solutions peuvent se ramener à trois :

a). On fait engrener, à des niveaux variables suivant les chiffres, le cylindre additionneur avec un cylindre moteur muni sur son pourtour de neuf dents d'inégales longueurs, dont une, deux, trois, sont en prise suivant le niveau de calage.

b). Ou bien on arme le cylindre moteur de dents qu'un ardillon logé dans une rainure directrice fait saillir en nombre égal au nombre d'unités du chiffre à ajouter.

c). La troisième solution consiste à établir, entre les deux cylindres, des contacts intermittents réglés d'après le nombre des unités.

Les machines additionnantes réalisent la multiplication par additions répétées on arrive à l'effectuer directement en adoptant comme moteur une crémaillère verticale que des tiges plantées dans une plaque dite calculatrice soulèvent, pour chaque groupe de deux facteurs, d'une quantité proportionnelle au produit.

Viennent enfin les machines à additions cumulées, qui permettent de calculer une fonction quelconque par la sommation des termes du degré 1, 2, 3, etc., de son développement en série : les différences 1re, 2o, 3o, des divers termes sont constantes et s'ajoutent successivement les unes aux autres ce qui permet de calculer des tables numériques avec une vitesse et une sûreté qu'on attendrait vainement du calcul direct.

Qu'à ces perfectionnements s'ajoute une transmission de mouvement permettant d'agir au moyen de simples touches et d'un récepteur enregistrant

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