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d'Orédon situé dans les Pyrénées près de la ligne de partage des eaux de la Neste et du Gave de Pau, à une altitude de 1852 mètres. Le barrage a été construit au moyen de déblais graveleur. C'est un revêtement en maçonnerie, établi sur le côté de l'eau, qui réalise seul l'étanchéité du système; le corps de la digue ne fait que le soutenir. Une altération de ce revêtement ne compromettrait d'ailleurs en rien la stabilité de l'ouvrage.

Dans certains cas restés jusqu'ici à l'état d'exceptions, on a eu aussi recours au métal. M. de Mas en fait connaître deux exemples. L'un d'eux est celui des réservoirs du Rio-Rimac dans la Cordillière du Pérou à des altitudes supérieures à 4.000 mètres, où l'établissement de maçonneries était à peu près impossible. L'autre est un barrage en acier établi aux Etats-Unis dans l'Arizona à Ash-Forn. Quant à l'application du béton armé, elle a été plusieurs fois proposée, mais n'a pas encore été réalisée.

La troisième catégorie est celle des réservoirs avec digue en maçonnerie. Ces digues ou barrages, dit M. de Mas, ont permis de créer des retenues d'une hauteur très supérieure à celles obtenues avec des digues en terre. On peut, en effet, se rendre compte, par le calcul, des efforts auxquels sont soumises, suivant les circonstances, les différentes parties d'un barrage en maçonnerie, tandis que, pour déterminer les dimensions d'une digue en terre, il faut se contenter de la comparaison avec les ouvrages existants ou de règles empiriques plus ou moins dignes de confiance. D'autre part, des catastrophes retentissantes ont malheureusement donné une importance exceptionnelle à toutes les questions qui se rattachent à la stabilité des barrages en maçonnerie.

Néanmoins, M. de Mas s'abstient de traiter la détermination rationnelle des barrages en maçonnerie, qu'il regarde comme appartenant au domaine de la mécanique appliquée et ressortissant par suite à un autre cours. On peut regretter cette abstention, car la question de la solidité et de la durée des barrages en maçonnerie prime, dans ces ouvrages, toutes les autres, c'est M. de Mas luimême qui le déclare. Mais, l'étude à laquelle il procède, au point de vue pratique et statistique, n'en reste pas moins fort instructive et intéressante.

L'auteur commence par les anciens barrages Espagnols, dont quelques-uns comptent aujourd'hui plus de trois siècles d'existence. Il cite successivement le barrage d'Almanza, qui fonctionnait déjà depuis un certain temps en 1586 et qui est revêtu en grosses pierres de taille, le barrage de Tiby ou d'Alicante, dont la plus grande hauteur est de 41 mètres, avec une largeur de 37,70 à la base et de 20 mètres au sommet et dont le profil est extrêmement massif; le barrage d'Elche, dont l'épaisseur est réduite, mais dont la hauteur est moindre, le barrage de Puentès, qui n'a fonctionné que onze ans et qui a été emporté le 30 avril 1812; enfin le barrage du Val de Infierno, construit à la même époque que le précédent, mais aujourd'hui hors de service par suite des envasements. Tous ces ouvrages ont à l'amont un parement à peu près vertical avec un empâtement plus ou moins prononcé à l'aval; d'autre part, en plan, ils affectent la forme d'une courbe dont la convexité est tournée du côté de l'eau. Enfin, ces ouvrages ont été établis dans des gorges extrêmement étroites et fondés sur le rocher parfaitement solide. Pour un seul, dit M. de Mas, le barrage de Puentès, cette dernière règle a été perdue de vue et c'est ce qui a causé sa ruine.

L'auteur signale ensuite les anciens barrages Français en maçonnerie. Il mentionne d'abord celui de Lampy, qui a été établi de 1777 à 1780, pour l'alimentation du canal du Midi, en vue de suppléer à l'insuffisance de celui de Saint-Ferréol et dont le parement intérieur est à peu près vertical, tandis que le parement extérieur présente un fruit assez prononcé et est de plus contrebuté par dix contreforts. Puis viennent les deux réservoirs de Grosbois et de Chazilly, créés de 1830 à 1838 pour l'alimentation du canal de Bourgogne. Tous deux sont constitués par des murs en maçonnerie de même profil; le parement d'amont présente une forte inclinaison, tandis que celui d'aval a un fruit uniforme de

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l'influence de la poussée de l'eau, ces murs ont fléchi et on a dû procéder à leur consolidation par de puissants contreforts. Mais, à Grosbois, ce remède est resté insuffisant et on s'est décidé à étalir immédiatement à l'aval du barrage, au moyen d'une digue en

terre, un second réservoir dont la retenue divise par moitié celle

du premier.

Vers la même époque, on a créé pour l'alimentation du canal de Nantes à Brest, les trois réservoirs de Vioreau, de Glomel et de Bosméléac. M. de Mas en fait connaître les profils qui sont entièrement différents et n'ont de commun que leur faible hauteur.

Les anciens barrages Français, dit-il, présentent une variété de formes, qui témoigne de l'absence de toute règle générale pour la détermination des profils. M. de Sazilly, le premier, a montré qu'il fallait se préoccuper, au premier chef, des pressions supportées par les maçonneries ou par le sol sur lequel elles reposent et qu'il importait de vérifier si ces pressions ne dépassent en aucun point la limite qu'il est convenable de leur imposer eu égard à la résistance des matériaux qui les constituent.

Cette théorie, complétée par M. Delocre, a été appliquée pour la première fois par MM. Graeff et de Montgolfier à la construction du célèbre barrage du Gouffre-d'Enfer, sur le Furens, à 10 kilomètres en amont de Saint-Etienne. Ses pressions maxima sur le parement d'amont quand le réservoir est plein et sur le parement d'aval quand il est vide ne devaient dépasser, en aucun point, 6 kilogrammes par centimètre carré.

Le barrage de la Rive ou du Ban, construit dans le voisinage de Saint-Chamond et celui du Pas-du-Roi à 5 kilomètres en amont de celui du Gouffre-d'Enfer, également sur le Furens, ont été établis exactement sur le même type.

C'était une véritable révolution opérée dans la constrution des barrages. M. Graeff a montré qu'au barrage de Puentès, tout en employant un cube de maçonnerie de près de 50 p. 100 plus élevé qu'au Furens, on soumettait la maçonnerie à des pressions atteignant 7,90 par centimètre carré. Au barrage d'Alicante, cette pression maximum s'élève à 11,30, bien que le cube de maçonnerie soit presque double de celui du profil rationnel.

Tous les barrages établis postérieurement en France sont conformes au type du Furens; M. l'ingénieur Bouvier a seul introduit un amendement dans les formules de calcul de M. Delocre. M. de Mas signale successivement le barrage du Ternay construit en vue

de créer un réservoir pour l'alimentation de la ville d'Annonay; le barrage de Bouzey, qui devait constituer un réservoir pour l'alimentation de la branche sud du canal de l'Est; le barrage de Pont pour l'alimentation du canal de Bourgogne, celui de la Mouche pour l'alimentation du canal de la Maine à la Saône; enfin le barrage du Chartrain, qui a pour objet l'alimentation de la ville de Roanne. Il rappelle que le Vme congrès de navigation intérieure a déclaré que le barrage du Chartrain pouvait être considéré comme le spécimen le plus parfait du type français; le profil de ce barrage se rapproche singulièrement du profil triangulaire.

L'auteur passe de là aux barrages Algériens et à ceux constraits dans ces derniers temps à l'étranger. Parmi les premiers, il se borne à citer celui de l'Habra. Parmi les seconds, il mentionne en Belgique le barrage de la Gileppe, établi pour créer un réservoir destiné à l'alimentation de la ville de Verviers, qui a été construit postérieurement à celui du Furens, mais qui a été édifié suivant une méthode toute différente, avec un profil excessivement massif, dans lequel le volume de maçonnerie est à peu près double de ce qu'il pourrait être sans imposer une plus grande charge aux maçonneries. En Angleterre, il cite le barrage du Vyrnwy construit pour l'alimentation de la ville de Liverpool. Ce barrage est surmonté d'un viaduc qui donne passage à une route et qui s'appuie sur la crète par une série d'arcades d'un très heureux effet. Il semble présenter un excès de maçonnerie, mais on conçoit qu'on ait cherché des garanties de solidité exceptionnelles, parce qu'il doit jouer sur toute sa longueur le rôle de déversoir. C'est également le trait caractéristique de certains barrages en maçonnerie construit dans les Indes. M. de Mas cite, à titre d'exemple, le barrage de la Betwa établi sur la rivière de ce nom, dont le débit pendant les grandes crues atteint 20.000 mètres cubes par seconde; il est tout entier construit en pierres de granit avec mortier de ciment; la lame déversante a atteint jusqu'à 3 mètres de hauteur.

M. de Mas donne ensuite des renseignements sur le barrage du Nil à Assouan, qui ferme un réservoir de plus d'un milliard de mètres cubes. Le barrage tracé à travers le fleuve est long de 1.950 mètres. Cette longueur se partage inégalement entre deux sec

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tions; l'une de 550 mètres, où le barrage est massif; l'autre de 1.400 mètres, où le barrage est percé d'orifices ou pertuis, au nombre de 180, d'une largeur uniforme de 2 mètres. C'est en manoeuvrant convenablement les vannes des pertuis que l'on peut, suivant les circonstances, laisser passer librement les eaux limoneuses du fleuve, emmagasiner les eaux claires lorsqu'elles sont surabondantes et les restituer ensuite au cours du Nil.

Après cette revue des principaux barrages en maçonnerie, l'auteur signale, comme il l'avait fait pour les barrages en terre, les graves accidents qui se sont produits à quelques-uns d'entre eux et en recherche les causes. Dans cet ordre d'idées, il mentionne la rupture du barrage de Puentès, dont la partie centrale était fondée sur pilotis, qui entraîna la mort de 600 personnes avec la destruction de 89 maisons et dont la cause évidente est l'insuffisante résistance du sol de fondation, puis, en Algérie, la destruction de deux barrages en maçonnerie établis sur le Sig, qui est due à une cause analogue, celle du barrage de l'Habra, qui causa un désastre considérable et qui a été attribué à ce qu'il existait sur le parement d'amont toute une zone soumise à des efforts d'extension, enfin plus récemment en France la rupture du barrage de Bouzey, qui entraina la perte de près de cent personnes et dont la cause véritable est mal définie.

Après l'accident de Bouzey, M. l'inspecteur général Maurice-Lévy a présenté à l'Académie des Sciences un mémoire, dont la conclusion est que, pour que la stabilité d'un mur de réservoir soit complètement assurée, il est indispensable que les deux conditions suivantes soient remplies:

1o Le travail élastique, développé dans le parement amont ou intérieur, doit toujours s'exercer à la compression et être compris. entre une valeur un peu supérieure à la pression hydrostatique, lorsque le réservoir est complètement rempli et une valeur un peu inférieure à la limite de sécurité convenue C', lorsque le réservoir est vide;

2o Le travail à la compression, sur le parement aval ou extérieur, ne doit pas dépasser la limite de sécurité convenue, C, généralement très inférieur à C', lorsque le réservoir est à pleins bords.

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