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dont il avait donné des preuves de tout temps. D'aucuns l'ont trouvé sévère. Il ne l'était pas plus pour les autres que pour luimême. Il ne s'épargnait pas et pensait avoir le droit d'exiger des autres le même souci du bien faire.

Au Conseil, sa parole avait l'autorité que donnent l'expérience et la sincérité des convictions. Elle fut toujours écoutée avec une extrême déférence.

J'ai fini, Messieurs, je vous ai parlé de l'Ingénieur. D'autres sans doute, qui ont pénétré plus avant dans son intimité, vous parleront de ses qualités d'homme, de la sûreté de ses relations et de la dignité de sa vie.

Un mot encore, cependant. Il m'a été donné de lire la lettre qu'Eyriaud des Vergnes écrivait au Ministre pour lui annoncer son mariage, peu de temps après sa nomination à Dunkerque. Les termes de cette lettre honorent celui qui l'a écrite et celle qui l'a inspirée. Eyriaud disait qu'il lui confiait avec sécurité son honneur et son bonheur.

Elle a répondu par le dévouement que vous savez.

Puisse notre sympathie profonde adoucir pour elle l'amertume des regrets.

Au nom du Corps des Ponts et Chaussées qu'il a grandement honoré par sa science, par ses travaux et par la dignité de sa vie, je salue la mémoire d'Eyriaud des Vergnes et lui adresse un adieu profondément ému.

4 février 1905.

No 2

NOTICE BIOGRAPHIQUE

SUR

M. M. C. LECHALAS

INSPECTEUR GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES

Par M. BECHMANN, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées

Une pieuse et louable coutume, qui s'est introduite de bonne heure dans le corps des Ponts et Chaussées et s'y est traditionnellement conservée, a pour objet de consacrer par des notices biographiques, insérées aux Annales, la mémoire de ceux de ses membres qui lui ont fait le plus d'honneur.

M. l'Inspecteur général M.-C. Lechalas, qui est mort le 12 juillet 1904, était assurément du nombre; et, malgré la modestie de sa vie tout entière, malgré l'horreur qu'il ressentait pour tout ce qui de près ou de loin touchait à l'apparat, il convient de retracer ici les diverses phases d'une carrière, qui a été, sinon des plus brillantes, du moins des plus laborieuses et des plus utiles.

Le soin en devait nécessairement revenir à un de ses collaborateurs, parmi lesquels le rédacteur de la présente notice s'honore d'avoir compté depuis 1874: quatre années passées sous ses ordres directs dans la Seine-Inférieure lui avaient valu, dès l'origine, la sympathie affectueuse du chef bienveillant, qui a encouragé ses premiers pas dans la carrière administrative; plus tard, la publication d'un ouvrage dans l'Encyclopédie des Travaux publics, celle d'une seconde édition refondue et développée, puis la préparation

récente d'un nouveau livre, avaient créé entre eux des liens durables, entretenu des relations suivies, pleines de confiance respectueuse d'une part et de l'autre d'une paternelle amitié.

La veille même de sa mort, M. Lechalas causait encore avec lui, l'esprit aussi lucide, la pensée aussi vive que jamais, oubliant déjà un mal qui semblait passager, un danger qu'on croyait disparu, pour reprendre, avec la même ardeur qui ne l'avait jamais quitté, le travail opiniâtre un instant interrompu, s'occupant comme toujours des moindres détails, et faisant déjà de nouveaux projets!

C'est dire qu'il s'est éteint au cours de sa quatre-vingt-cinquième année, en pleine activité intellectuelle, couronnant ainsi dignement cette longue vie de labeur acharné et fécond, qu'il s'agit de relater, maintenant, en quelques pages, sans se départir de la simplicité qui en a été jusqu'au bout la règle.

On peut y distinguer trois parties bien distinctes, trois phases caractéristiques.

La première, de 1843 à 1871, s'est déroulée principalement à Nantes marquée par des travaux importants et variés et finalement par des projets de large envergure, elle a mis pleinement en relief l'ingénieur laborieux et instruit, l'administrateur avisé et fertile en ressources, dont l'avenir apparut alors plein de pro

messes.

La seconde s'ouvre après les tristes événements, qui, en condamnant la France à une période de douloureux recueillement, firent ajourner, parmi tant d'autres, les grands travaux qu'avait entrevus M. Lechalas et pour lesquels il s'était passionné. Chargé d'un de nos départements les plus importants, il dirige dix ans durant, à la résidence de Rouen, un service lourd mais ingrat, sans y retrouver l'occasion qu'il avait perdue d'attacher son nom à une de ces œuvres qui laissent une trace impérissable et consacrent la réputation d'un ingénieur. Et, appelé tardivement au Conseil général des Ponts et Chaussées en 1881, il est atteint par la limite d'àge en 1885 et retraité sans avoir pu recevoir le grade d'Inspecteur général de 1re classe.

C'est alors qu'a commencé pour lui, à l'heure où d'autres ne songent qu'à jouir d'un repos bien mérité, une troisième phase d'activité, qui n'est peut-être pas la moins intéressante de sa vie, mais qui, à coup sûr, en demeurera la plus originale: sans hésiter devant les risques d'une entreprise colossale et hardie, il abordait tout de suite la publication de cette Encyclopédie des Travaux publics, à laquelle il a consacré vingt années de travail, qui lui a valu d'ailleurs plus d'un succès et restera son principal titre de gloire.

Il suffira sans doute de préciser, en quelques traits, les caractères distinctifs et les événements les plus saillants de ces trois périodes si différentes, pour faire revivre la physionomie bien particulière de M. l'Inspecteur général Lechalas.

Médéric-Clément Lechalas est né le 7 janvier 1820 à Angers, où son père était notaire.

Mais de bonne heure on le trouve à Nantes, où il fit, dans l'institution dirigée par M. Papot, la majeure partie de ses études, s'attachant dès lors à cette belle ville, où il devait passer tant d'années, et s'y créant des relations qui ont eu plus tard une influence considérable sur sa vie tout entière.

Il ne vint à Paris que pour entrer le 1er novembre 1838 à l'Ecole Polytechnique, où son aptitude au travail, son goût pour les mathématiques, ne tardaient pas à lui valoir un des premiers rangs : passé en seconde année avec le numéro 8 et les galons de sergent, il en sortait dans les Ponts et chaussées, avec une promotion nombreuse, dont la première moitié n'a séjourné que deux ans à l'Ecole d'application. C'est ainsi qu'après deux missions à Agen et à Nantes, il a été appelé lui-même à un poste d'activité dès le 1er septembre 1842; la résidence de Périgueux lui échut d'abord et il y reçut le titre d'aspirant, comme le surplus de sa promotion, en 1843, passa bientôt à Angers, puis, après quelques mois, le 1er septembre 1843, était chargé, à la résidence de Nantes, d'un arrondissement du service de la Loire-Inférieure.

Bientôt son mariage avec Mlle Céline Simon, fille du rédacteur

en chef du journal Le Breton et sœur d'un de ses anciens camarades d'enfance à l'institution Papot, le fixait définitivement dans cette ville, où il a séjourné sans interruption jusqu'au 1er octobre 1871 et pris successivement les grades d'Ingénieur ordinaire de 2e classe le 1er novembre 1845 et de 1re classe le 1er août 1857, puis d'Ingénieur en chef de 2o classe en 1865.

Parmi les divers services qui lui ont été confiés à la résidence de Nantes, service ordinaire, Loire maritime, études de chemins de fer, contrôle de l'exploitation des lignes de Nantes à Saint-Nazaire, de Nantes à Châteaulin et à Landerneau, etc., celui qui l'a le plus mis en relief fut assurément celui de la Loire maritime, soit que ses préférences l'aient porté dès l'abord vers les choses de la navigation, soit qu'il y ait trouvé l'occasion de travaux intéressants. Il y compte notamment à son actif la reconstruction des vieux ponts de la Belle-Croix et de Pirmil à Nantes, l'endiguement de la BasseLoire sur 16 kilomètres, entre Nantes et l'ile Thérèse, et l'établissement d'une forme de carénage à Paimbeuf il a décrit les dispositions de ces ouvrages, l'organisation des chantiers et les détails. d'exécution, dans trois notes insérées aux Annales des Ponts et Chaussées (1865, 1er semestre) et rédigées dans une langue précise et sobre, d'une remarquable simplicité, mais où perce un esprit scientifique, qui va volontiers au delà du but immédiat pour aborder les problèmes dans leur généralité; c'est ainsi qu'à propos des endiguements de la Loire, et d'après des observations et des calculs poursuivis depuis 1858, il esquisse une théorie des débits dans la partie maritime des fleuves, et que, pour la forme de Paimbeuf, il a imaginé et réalisé un système d'épuisement, digne de trouver de nombreuses applications dans les ports à marée et fondé sur l'emploi d'une turbine, actionnée, à basse mer, par un volume d'eau emmagasiné au moment du flot. Ces notes sont datées de février 1863; la récompense ne se fit pas longtemps attendre; M. Lechalas était en effet décoré de la légion d'honneur le 16 août de la même. année.

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