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La dépense totale serait, sans doute, à peu près la même que celle du projet soumis à la Commission.

A ce dernier projet, on peut objecter qu'il représente un système qui n'a pas, comme les ponts à poutres droites, la sanction de l'expérience, objection très naturelle, mais qu'il ne convient pas de généraliser. Et lorsque, circonstance bien exceptionnelle, une disposition nouvelle étant présentée, l'examen le plus minutieux ne permet d'y découvrir, a priori, aucune cause sérieuse d'insuccès, soit au point de vue théorique, soit au point de vue pratique, il y a lieu de croire au succès, et on peut le garantir autant qu'il est humainement possible. Ajoutons que ce système se prète aux plus grandes portées et qu'ainsi, il pourra rendre d'autres services pour les chemins de fer de montagne ou pour la traversée des grands fleuves, soit en France, soit aux Colonies. C'est pourquoi il y a intérêt à l'éprouver.

CONCLUSIONS

Par les motifs exposés ci-dessus, la Commission est d'avis: 1° Qu'en principe, rien ne s'oppose à ce que le pont Gisclard proposé puisse être réalisé, sous les réserves indiquées par le Contrôle en ce qui touche les piles en maçonnerie et l'ancrage des câbles de retenue, étant entendu aussi, que tous les écrous seront doublés par des écrous de sûreté. De plus, il conviendrait, dans l'étude définitive, de renforcer la partie moyenne de la travée centrale, de façon à réduire la flèche théorique maximum de cette travée à 0,15 ou 0,16 au lieu de 0,21, et d'établir un câble supérieur de retenue entre les deux chariots, de façon à réduire leurs déplacements sous l'influence des charges roulantes, ce qui amènerait encore une diminution correspondante dans la flèche. du tablier.

2o Que le marché de gré à gré à conclure avec MM. Gisclard et Arnodin en vertu du paragraphe 3 de l'article 18 du décret du 18 novembre 1882, et le cahier des charges y annexé, devront être soumis à l'approbation du Ministre des Travaux Publics et rédigés de façon à laisser tout aléa à la charge des auteurs du projet.

Le Président de la Commission,

LAX.

Paris, le 22 juillet 1904.

Le Rapporteur,

M. LÉVY.

N° 8

NOTE SUR LES PONTS SUSPENDUS

APPLICATION DU SYSTÈME DE LA SUSPENSION AUX PONTS

DE GRANDE OUVERTURE POUR VOIES FERRÉES

Par M. ARNODIN, Ingénieur-Constructeur.

On s'explique difficilement que les ingénieurs de notre époque n'aient pas davantage cherché à utiliser les nombreux et indiscutables avantages que procure le principe même de la suspension, pour faire franchir les grands débouchés aussi bien aux voies ferrées qu'aux voies de terre.

Il appartient aux ingénieurs et constructeurs français d'entrer dans la voie de l'utilisation judicieuse de ces avantages, d'autant mieux que c'est en France que l'on construit aujourd'hui les ponts suspendus les plus perfectionnés, bien qu'ils ne soient pas les plus grands et les plus hardis.

En effet, quiconque veut bien examiner les choses sans idées préconçues reconnait vite que le principe même de la suspension sur câbles en fil d'acier résout toujours la question de la façon la plus économique, la plus sûre, la plus durable et la plus élégante dans les grands débouchés.

Economie. L'économie découle du principe même, car dans les fermes de tête qui soutiennent un tablier suspendu, les principales pièces ne travaillent exclusivement qu'à la traction.

La résistance à la tension est, en effet, la qualité maitresse du

métal; elle a le grand avantage de débarrasser la construction et les calculs de tous les impedimenta qu'apporte le flambage, puisque plus une pièce est tendue, plus sa rigidité est assurée; alors qu'avec les efforts de compression, lorsqu'on arrive dans les grandes longueurs, l'excès de métal qu'il faut employer pour s'opposer au flambage est souvent supérieur à celui nécessaire à l'effort luimême.

Or, comme on est au-dessus du vide, il faut non-seulement payer le métal en excès, mais encore en ajouter d'autre pour supporter le surcroît de poids qui en résulte.

Pour mieux faire comprendre cette question, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire la démonstration que M. l'Inspecteur général Malézieux nous a rapportée de son voyage de mission. aux Etats-Unis.

« Un prisme d'acier, dit M. Malézieux, d'une section quelconque, pourrait être suspendu à une dizaine de kilomètres au-dessus de « la terre, sans que la portion de ce prisme qui confine au point <«< d'attache se rompit sous la charge totale. Mais qu'on imagine le « même prisme posé sur sa base inférieure, à laquelle nous suppo« serons 2 ou 3 centimètres de côté.

« Réduisit-on la hauteur de 10.000 mètres à 1.000 ou même à 100, <«< la tige ne s'en affaisserait pas moins sur elle-même, comme une << longue ficelle qu'on aurait entrepris de faire tenir debout; et pourtant la partie inférieure du prisme serait moins près de s'écra<< ser dans ce second cas que la partie supérieure ne l'était de se << déchirer dans le premier.

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«Si donc on veut utiliser intégralement la résistance du métal, <«< il faut le faire travailler par extension autant que possible; on y <«< trouvera une économie spéciale et qui peut aller très loin. Il est « également logique de n'exposer à la compression que des pièces « de peu de longueur, des pièces creuses, et surtout de ne pas <«< croire que les mèmes organes puissent brusquement et impuné<<ment passer de la tension extrême à l'extrême compression. >

Une autre considération qui conduit non moins grandement à l'économie du métal, c'est le choix de la matière utilisée.

En effet, si on envisage des câbles en fils d'acier tordus alterna

tifs, composés de matière donnant de 90 à 100 kilogrammes de résistance absolue par millimètre carré, on s'adresse à un auxiliaire dont la limite d'élasticité est supérieure à 50 kilogrammes par millimètre carré (*).

Or, le métal laminé recommandé dans les fermes des ponts métalliques ordinaires ne résiste qu'à 40 ou 42 kilogrammes par millimètre carré, avec une limite d'élasticité évoluant autour de 25 kilogrammes par millimètre carré.

On a donc dans la main, avec le câble en fil d'acier tréfilé, une matière pouvant à poids égal fournir une résistance plus que double de celle de la barre laminée.

Le simple bon sens indique qu'avec cette matière supérieure, les ingénieurs, par des combinaisons judicieuses, doivent pouvoir produire ou plus économique, ou plus grand, ou plus sûr, toutes choses égales par ailleurs.

De même que pour l'excès de métal exigé pour combattre le flambage, on trouve du fait de la supériorité de la matière employée une économie qui se répercute sur la construction, comme les intérêts des intérêts se répercutent sur le capital.

Du reste, c'est ce que M. Résal met parfaitement en lumière dans sa formule de coefficient économique (Ponts métalliques, chapitre IV, page 295 et suivantes), comparant différents systèmes de ponts.

Enfin, il est un autre motif d'économie qui acquiert aussi une notable importance lorsque l'ouvrage doit s'exécuter au-dessus d'une passe maritime que l'on ne peut encombrer: c'est celui du montage qui, avec le pont suspendu, s'opère au-dessus du vide.

En effet, lorsque les pylônes sont en place, on y accroche les câbles dans leurs positions respectives, de façon à former les fermes devant soutenir le tablier, et l'on pose ensuite ce tablier tronçon par tronçon, par cheminement, en se servant des câbles.

(*) D'après les expériences auxquelles s'est livré M. Arnodin, cette limite d'élasticité évoluerait entre 60 et 70 kilogrammes.

D'après celles faites par M. l'ingénieur en chef Rabut, au laboratoire de l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées, elle évoluerait aux environs de 55 kilogrammes.

Ann, des P. et Ch. MÉMOIRES.

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- 1905-1.

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