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CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

AVANT d'aborder les détails plus ou moins arides des droits et immunités des ministres, de leurs fonctions, du cérémonial des cours et des souverains entre eux, l'auteur de ce MANUEL croit pouvoir, sans sortir des bornes qu'il s'est prescrit, donner, sous le titre de Considérations générales, quelques réflexions, qui quoique tracées à grands traits, pourront aider à se former une idée générale de l'importance de la science diplomatique, des attributions du ministère des affaires étrangères, des fonctions et des devoirs du ministre chargé d'en diriger les travaux etc. Heureux si ses recherches peuvent être de quelque utilité, et ne pouvant aspirer à la gloire de mieux dire que les savans écrivains qui ont déja traité ces divers objets, l'auteur se bornera, dans ce qui va suivre, à répéter, souvent même mot pour mot, ce que M. M. DE WICQUEFORT, DE BIELFELD, DE RAYNEVAL, DE FLASSAN et autres, ont dit sur ces matières im-portantes.

De la Science diplomatique, et de son Importance.

Dans le but légitime de son institution, la diplomatie doit pourvoir à la sûreté et à l'harmonie des états, elle doit tâcher par des explications promptes et par des interventions amicales de prévenir ou de terminer promptement les guerres; elle doit faciliter les rapports des peuples par les avantages réciproques du commerce, et concourir par des procédés libéraux à les réunir dans une commune société de frères et d'amis (1). Toute diplomatie qui par principe et sans nécessité impérieuse divise, est machiavélique et digne de reproche. Elle doit éviter encore d'être turbulente et trop active et de se livrer, sans motif sérieux mais par esprit d'inquiétude, à l'échange trop repété des offices et des ouvertures de négociations sans but utile ou légitime; autrement il en résultera bientôt des éclats et des ruptures. On sent déja quelle fermentation peuvent exciter dans les cabinets tant d'agens autorisés à interpeller le souverain sur ses intentions et ses démarches, à semer partout, pour l'intérêt de leur prince, l'espionage et la corruption, et à employer des pratiques sourdes sous les dehors de l'amitié. Quoique la plupart des agens diplomatiques dédaignent de pareils moyens de succès, il suffit que quelques uns les emploient, pour qu'il en résulte des dénouemens funestes. Toutefois le corps

(1) La diplomatie dit Mr. DE FLASSAN est l'expression par laquelle on désigne depuis un certain nombre d'années, la science des rapports extérieurs, laquelle a pour base les diplômes, ou actes écrits, émanés des souverains.

diplomatique, indépendamment des heureux effets de son action convenablement dirigée, embellit le trône, en l'entourant d'une pompe majestueuse à laquelle chaque souverain semble vouloir contribuer par son représentant.

La science diplomatique doit être mise au premier rang des connaissances utiles, puisque dans l'état présent des nations leur sort dépendant beaucoup de la politique qui forme la moitié de la puissance, c'est elle qui tantôt en double l'action ou y supplée enfin par la force morale et d'opinion qu'elle fait agir. Elle embrasse:

1°. Le droit des gens, lequel règle les rapports des nations soit en paix soit en guerre.

2o. Les maximes politiques résultant de la raison d'état, et qu'il faut savoir concilier avec le droit des gens.

3o. La connaissance des privilèges et des devoirs des agens diplomatiques.

4°. La conduite des négociations, ou la marche à suivre dans la discussion des intérêts entre les états.

5°. La statistique physique et morale de chaque puissance.

6°. L'histoire politique et militaire des peuples avec lesquels on est en rapport fréquent; la marche et la tendance des divers cabinets.

7°. Les divers systêmes qui peuvent être mis en œuvres, tels que ceux de domination, de supré

matie, de convenance, de conservation, d'équilibre, de centralisation, de confédération etc. 8°. Enfin l'art de la composition diplomatique.

Aux connaissances diverses dont on vient de parler le négociateur doit joindre l'esprit de combinaison et de suite, propre aux têtes fortes; le tact des convenances, qui se sent, mais ne s'explique pas; la mesure, cet apanage de la sagesse; la dextérité qui sait plier, tourner, ou s'avancer à propos et la probité qui rend la signature sacrée. C'est la réunion de ces diverses qualités qui finit par donner à un ministre public cette réputation de sagesse, de droiture et de loyauté, qui lui acquiert, tôt ou tard, un grand ascendant sur l'esprit des autres hommes, et qui fait compter son opinion pour beaucoup dans les discussions des projets de mesures à adopter.

Il ne faut jamais perdre de vue que la politique est plus ou moins placée dans l'empire des cas fortuits; elle est soumise à la versatilité inhérente à l'esprit humain, aux caprices, aux passions des hommes, à l'incertitude des événemens. Une mort inopinée, le changement de ministre, des conseils perfides, l'influence d'une maitresse ou d'un favori, une fausse combinaison, la corruption; chacune de ces causes peut changer le systême et la marche d'un gouvernement, et son influence altère plus ou moins les rapports de tous les autres gouvernemens, selon que sa puissance est plus ou moins étendue. Si à ces causes multipliées se joignent

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