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ment; il est le fruit des talens, de l'usage du monde et en partie de la lecture réfléchie des négociations des temps passés (2). On doit donc se borner ici à faire seulement quelques observations sur la manière d'entrer en négociation, et sur quelques principes généraux que doit suivre l'agent diplomatique négociateur (3).

Les négociations relatives aux affaires d'état peuvent être de deux espèces; ou bien de simples communications, ou bien des négociations proprement dites, soit pour lever des différens, survenus entre les

des actes signés, des trèves revêtues du nom et des apparences trompeuses de la paix; mais il n'y a pas eu des négociations. La force étoit trop grande d'un côté, la faiblesse trop mar. quée de l'autre; les dangers trop éminens, trop graves, pour comporter cette espèce de discussions qui constituent la diplomatie véritable. On ne discute qu'entre pairs: or, quelle parité peut se rencontrer entre celui qui a la faculté de tout prendre, et celui qui n'a pas la force nécessaire pour rien retenir; entre celui qui a tout, ou presque tout perdu, et celui qui a tout gagné; entre celui qui défend pénible, ment quelque débris, et celui qui commande dans la capitale de celui même avec lequel il traite, qui occupe ses états, et use de leurs ressources, d'après le seul instinct de ses besoins propres, sans ménagement comme sans crainte? C'est ce qui a caractérisé toutes les négociations qui ont eu lieu depuis vingt ans; négociations dans lesquelles c'était tou jours le Gaulois qui mettait son épée dans un des bassins de la balance. Tous les traités ont été écrits avec l'épée. (2) L'étude, dit Mr. DE FLASSAN, des expédiens politiques dans les dépêches des ambassadeurs, peut plus que tout autre moyen, donner une bonne méthode de négocier; voyez aussi le §. 57 des Dépêches.

(3) Voyez sur la conduite que doit tenir l'agent diplomatique chargé d'une négociation, WICQUEFORT T. II, Sect. 3-8. CALLIERES Chap. 16 et 17, et PECQUET p. 78.

gouvernemens, soit pour proposer des conventions ou des traités; et c'est de ces derniers dont il est question ici.

L'agent diplomatique peut conduire des négociations soit immédiatement avec le souverain auprès duquel il est accrédité (4), soit avec le ministre ayant le département des affaires étrangères. Cette dernière marche est aujourd'hui beaucoup plus suivie, et dans les affaires de long cours elle est en quelque sorte indispensable (5).

Les négociations proprement dites peuvent encore avoir lieu, ou directement entre les ministres, les commissaires ou les députés nommés dans ce but par les gouvernemens (6), ou bien par l'entremise d'une ou de plusieurs puissances tierces médiatrices (7), qui

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soit par

(4) Autrefois dans les états monarchiques, les ministres étrangers étaient souvent dans le cas de négocier directement avec le souverain auprès duquel ils étaient accrédités, soit de vive voix dans des audiences qu'ils sollicitaient, écrit, en remettant des Notes ou Mémoires. (5) Il semble toujours plus avantageux que les négociations des souverains avec les ministres étrangers ne soient pas immédiates, puisque leurs paroles une fois émises ne peuvent que difficilement être reprises; et que sur le rapport de leurs ministres, ils peuvent avec plus de calme, préparer leurs réponses, et rectifier ou annuller suivant l'occasion, les démarches trop précipitées de ceux-ci; enfin c'est par leur canal qu'il leur devient plus facile de voiler ou de cacher à l'agent diplomatique étranger, ce qu'il convient à l'état de lui laisser hypothétique ou inconnu.

(6) Dans les Républiques c'est avec le président ou bien avec le sénat, comme p. ex. dans les villes anséatiques, que l'agent diplomatique entre en négociation.

(7) Voyez le §. 4.

alors chargent leurs mandataires de traiter avec les

deux parties en litige.

S. 51.

Des négociations diplomatiques par écrit. Toutes les communications auxquelles les négociations peuvent donner lieu, qu'elles soient directes ou indirectes, se font, ou de vive voix dans des conférences (1), ou bien par écrit au moyen de mémoires, de notes ou de lettres, que les agens négociateurs échangent entre eux (2).

Dans les missions extraordinaires il arrive quelquefois que l'agent diplomatique dans la lettre d'usage adressée au ministre des affaires étrangères, pour lui notifier son arrivée et lui communiquer ses lettres de créance, instruit celui-ci, mais en termes généraux seulement, des motifs et de l'objet de sa mission, ainsi que des pouvoirs qu'il a reçu de sa cour pour entrer en négociation.

Si les instructions de l'agent diplomatique ne portent point, ou dumoins ne portent pas avec assez de précision sur l'objet qu'il est dans le cas de devoir traiter avec le gouvernement près duquel il est accrédité, il doit, commencer par notifier à celui-ci que pour être à même d'entrer en discussions sur l'objet

(1) Voyez à ce sujet le §. 55 des Conférences.

(2) Dans toutes les affaires importantes la correspondance jointe aux communications verbales est, sans contredit, la voie la plus sûre et pour prévenir des mésentendus et pour faciliter des éclaircissemens nécessaires, ainsi que pour accélérer la marche de la négociation.

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en question, il va demander des ordres à son gouvernement; ce n'est qu'après les avoir reçus qu'il entame la négociation, en adressant au gouvernement local, les décisions ou les propositions qu'il est chargé de lui communiquer.

L'agent diplomatique entrant en négociation, doit constamment avoir présent à l'esprit, le systême des droits et des intérêts de son constituant, et bien se pénétrer du principe, qu'en matière de discussions positives, les gouvernemens seuls négocient, et que les agens diplomatiques ne sont que leurs organes, chargés seulement d'interprêter les choses douteuses, ou de plaider la justesse des décisions prises par leur gouvernement et de choisir les moyens les plus éfficases d'en assurer le succès.

Lorsqu'une affaire a plusieurs parties, il y a du talent à un négociateur à savoir bien choisir la seule manière de la traiter. Savoir accorder tel ou tel point quand il le faut, le contester jusqu'à ce que l'on obtienne en compensation des avantages qui y soient proportionnés; ne point séparer les matières de manière que celui avec qui l'on traite, puisse tirer tout l'avantage de cette séparation; embrasser tous les objets, ne céder du terrain qu'à mesure que l'on en gagne ailleurs, ce sont là les difficultés qui attendent le négociateur, surtout lorsqu'il s'agit d'une négociation générale de paix qui embrasse souvent tant d'intérêts différens (1o).

(10) Voyez encore ce qui est dit à ce sujet au §. 87. des Traités

et des Conventions.

Ce n'est pas la précipitation qui accélère une négociation; c'est la maturité des avis qui répond de son succès. Le calcul de l'étendue du plan, des moyens et du but probable; les grands intérêts des états dans leur réalité, gradations et enchainemens factices; la découverte des causes naissantes; les caprices de la fortune, et l'instabilité des choses humaines, ce sont là les objets que l'esprit du négociateur doit pénétrer s'il veut assurer sa marche.

La pénétration et la sagacité sont encore des qualités bien essentielles à un négociatenr; c'est un don de la nature à la vérité, mais que l'étude et l'habitude du travail développent; elles rendent l'esprit plus propre à former des combinaisons, à découvrir le but d'un projet que l'on présente souvent sous une forme opposée et à développer les propositions que l'on est dans le cas de faire. C'est en portant toute son attention à faire trouver des avantages réels dans ses propositions, que l'agent diplomatique parviendra le plus facilement à les faire accepter; et en choisissant les voies les plus naturelles pour arriver à son but, il ne s'exposera pas à s'égarer à force de raffinement, dans de vaines subtilités, qui rebutent d'ordinaire ceux avec lesquels on traite.

En résumé, un négociateur qui joint à la prudence un caractère franc, loyal et conciliant, et qui con¬ nait bien sa besogne, se compromettra rarement, et il sera difficile de le tromper, quelques soient les détours que l'on prenne pour le circonvenir. La ruse. d'ailleurs est peu dangereuse pour celui qui bien pénétré du but qu'il doit atteindre, est habitué à traiter

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